Vayrolles-sur-Mer
136 pages
Français

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Description

« Je n'ose pas lui dire qu'il ressemble à un clochard qui serait passé sous un rouleau compresseur, qu'il a une tête de biroute pelée, que ses gencives sans dents sont dégueulasses à faire marcher et fuir un paralytique, et que si des enfants passaient par là, ils lui jetteraient des pierres enflammées à l'essence. » Luc-Olivier Moreau raconte le parcours peu commun de Jean-Seigne de Lamouransy, personnalité originale née dans une famille d'aristocrates du centre de la France. De ses années de formation peu ordinaires à ses premiers pas de journaliste d'investigation, les aventures de cet esprit inventif et farfelu ne manquent pas de piquant. Contée avec une bonne dose d'humour et un vocabulaire fleuri, qui ne s'interdit aucun écart de langage irrévérencieux, l'intrigue alambiquée du roman surprend de bout en bout.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2018
Nombre de lectures 3
EAN13 9782342159714
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0056€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vayrolles-sur-Mer
Luc-Olivier Moreau
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Vayrolles-sur-Mer
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
Connaissez-vous la bourgade de Vayrolles-sur-Mer ? Non ? Croyez-moi, mes amis, ou ne me croyez pas, je n’en ai rien à battre, mais cela vaut le détour !
Tout d’abord, faisons connaissance : pour vous servir, mon humble personne, Jean-Seigne de Lamouransy (bémol bien sûr). Eh oui ! Je descends directement d’une grande lignée de noblesse, dont mon arrière, arrière, arrière, arrière-grand-père était le confident de Louis XIV, c’est vous dire. Une lignée qui s’éteint lentement, dont je suis le dernier maillon, et pour l’instant aucun rejeton à l’horizon. Je n’ai toujours pas trouvé la femme de ma vie, celle avec qui je partagerai mes petits-déjeuners, mes soupers, mes nuits, ma vie, celle à qui je confierai ma descendance et la continuité du nom que je porte, ce nom qui a traversé les âges, les époques, avec brio et fierté. J’aime peut-être trop les femmes pour n’en aimer qu’une… Mon père, Feu Jean-Aymar de Lamouransy, comte de son état, était un personnage atypique, original, qui s’habillait comme au XVIIIe siècle, un tricorne sur la tête, une redingote bleu roi avec des liserés de couleur rouge et argent, un jabot blanc en taffetas. Il portait des bas de soie, qui montaient jusqu’aux genoux, avec des petits grelots de chaque côté, des culottes courtes en velours qui rejoignaient les bas aux genoux, aux pieds des chaussures plates et noires, serrées par une boucle, et toujours une cravache à la main. On ne passait pas inaperçu avec ce bonhomme, je vous le garantis. Et gare à celui qui le contredisait ! Paf ! Un coup de cravache dans ta face et va compter tes dents, mon garçon. Vous avez compris, il était autoritaire et colérique.
Il n’aimait pas « le petit peuple », dégoûté à l’idée de serrer la main d’un travailleur, d’ailleurs il ne le faisait jamais, ces culs-terreux, ces pue-la sueur, comme il les appelait, le répugnaient. Lamouransy père était un personnage exécrable, détesté de tous, et déjà tout jeunot j’étais en contradiction avec lui, mais je fermais mon museau car je tenais à mon visage d’ange. Je ne vous l’ai pas dit ? La nature m’a doté d’un visage d’ange, intemporel, symétrique, avec un sourire ultrabrite qui plaît beaucoup à la gent féminine. J’en abuse bien sûr.
Maman, Hermine – Solange de Courtequeue, vieille branche de l’aristocratie française (Papa de Lamouransy n’aurait jamais pu se marier avec une roturière), est une douce femme. Elle vit dans sa bulle, ne voyant pas l’agressivité ou la violence du monde actuel, s’extasiant devant une fleur, un oiseau, un papillon, elle ne sait pas ce qu’est la méchanceté. Elle est d’un naturel étonnant, d’une spontanéité merveilleuse. Comment deux êtres aussi différents avaient pu se rencontrer et s’aimer ? L’alchimie énigmatique de l’amour sans doute !
Pendant toute mon enfance et toute mon adolescence, elle n’eut que des paroles douces à mon égard, que de gentilles attentions, des regards tendres, ah ! La sainte femme ! Jean-Aymar voulait m’appeler Jean-Seigneur. C’est une tradition familiale, tous les mâles ont un prénom composé commençant par Jean dans cette famille ! Le père, le grand-père, l’arrière-grand-père, depuis des générations. La sainte maman a pour une fois fait acte de son droit de véto, elle trouvait que Seigneur n’était pas joli à entendre, qu’il y avait matière à confusion. Elle, qui ne pipait jamais un mot, qui subissait l’autorité patriarcale, a tenu bon, et le vieux bougre de Jean-Aymar, étonné d’une telle résistance et encore sous le charme de ses yeux de biche, a fait la concession de changer Seigneur en Seigne. Et voilà, vous savez tout ! Depuis, tout le monde m’appelle Jean-Sé !
Nous vivions dans une belle demeure, où mère vit toujours, à Quiveumeula-sur-Cher, petit bourg du centre de la France. Je ne veux pas dire petit château mais, quand même, quatorze chambres, six salles de bains, trente-deux hectares de bois, lacs et rivières, gibiers en tous genres, trois jardiniers, deux cuisinières, un majordome, deux femmes de chambre, et une dame de compagnie pour Maman. Oui, c’est une belle demeure.
Vous l’avez compris, j’ai été élevé dans la soie, dans le confort, dans l’opulence, avec un professeur de piano, un professeur de golf (Papa avait fait aménager un neuf trous dans la propriété), un professeur de latin, un professeur d’anglais, le tout à domicile. Je fais un petit aparté pour vous informer que le professeur d’anglais était UNE professeur d’anglais. Ah ! La salope ! J’ai fait peu de progrès en anglais mais mon éducation sexuelle a été des plus profitable, le kâma sutra n’a plus de secret pour moi, je suis passé par toutes les étapes du positionnement amoureux : la flûte de pan péruvienne, plus tu souffles plus ça siffle, le moulinet chinois, à déconseiller en cas de hernie discale, le trou normand, faut être bon en géographie, la brouette bigoudène, mets ta coiffe que j’te décoiffe, accroche-toi, y a du vent sur la falaise, le toboggan norvégien, tu glisses au nord du vagin, végien… Je ne sais plus, j’en perds le nord, le pêcheur de moules portugais, sans les mains sans les pieds, je te passe les détails, le baiser japonais, là tu ris jaune, la vrille roumaine, le concombre andalou, bon ! On ne va pas faire le tour du monde, j’en passe pour ne pas lasser certains et exciter les autres, les lubriques. La garcette était toujours en bas résille et décolleté abyssal. Je n’avais pas le temps d’ouvrir mon livre qu’elle avait déjà ouvert ma braguette. « Sorry, I turn to serious matters », disait-elle. Je n’avais que seize ans mais, sur ce plan-là, j’étais bon élève. Il faut le reconnaître, le jeune ado que j’étais doit beaucoup à cette prof nymphomane, grâce à cet apprentissage condensé, j’allais passer auprès de mes futures conquêtes pour un amant hors normes, connaissant leur point G mais également toutes les autres lettres de l’alphabet, correspondant chacune à une zone érogène jusque-là méconnue. Toutes voulaient m’épouser, me garder, toutes pleuraient mon départ. Oui, je sais, ça fait un peu surréaliste mythomane mais c’est la vérité. Que voulez-vous, mon cerveau primaire n’a jamais pu résister à une courbe de reins, à une bouche pulpeuse, à une démarche chaloupée, mais mon cœur, lui, ne s’est jamais attaché, malgré les merveilleux corps de ces sirènes, toutes plus belles les unes que les autres. Je n’ai toujours pas trouvé mon port d’attache, toujours pas jeté l’ancre.
Tu vois, tête de paf, au fond je suis peut-être plus malheureux que toi, alors ferme-la ! Et lis la suite !
Mon métier ? Je suis journaliste, je travaille pour un canard qui s’intitule Le Tintamarre, journal parisien très connu, un peu bobo. Toi, tu ne connais pas mais t’es pas Parisien ! Journaliste d’investigation comme ils disent, je vais sur tous les coups foireux pour faire un reportage. J’enquête, je guette, je fouine, juste de quoi rassasier nos lecteurs en quête de détails insolites et graveleux.
Vendredi matin, mon patron, Monsieur Dick Técenfote, débarque dans mon bureau, un papier à la main.
— Jean-Sé, il y a eu une mort bizarre dans un bled en Normandie ! Il regarde son papelard.
— Vayrolles-sur-Mer ? Tu connais ?
Je fais signe que non de la cabeza, tout en finissant mon café. Le boss continue :
— Un mec a été retrouvé pendu sur la falaise, avec une mouette enfoncée dans le cul ! C’est étrange, non ?
Mon regard marque un moment d’étonnement.
— Insolite ! constate-t-il, très judicieux.
Tu pars demain matin, je veux tous les détails, essaie de me trouver du croustillant. Les ventes, c’est pas terrible en ce moment ! Je compte sur toi !
Après avoir fait un clin d’œil qu’il voulait complice mais qui fut tout à fait pathétique, il ressort du bureau, juste avant de fermer la porte il se retourne :
— Ah ! Tu prends Calva avec toi ! Vous ne serez pas trop de deux !
Et bing ! Il claque la porte ! C’est son habitude de claquer les portes au Dabe, il a vu ça dans les films américains, ça lui donne de l’importance.
Calva, c’est un autre reporter du journal. Justin Calva, un vieux de la vieille, trente ans d’ancienneté, soixante balais au compteur, bientôt la retraite, jamais marié, pas d’enfant, pas étonnant, il vit encore chez sa mère, dame d’origine serbe et qui porte le joli prénom d’Oussek. Il n’a plus de cheveux sur le caillou, juste une couronne de curé, des verres de lunettes épais comme des culs de bouteilles, une moustache mitée, en permanence un feu de plancher, soit il attache son ben trop haut, soit maman Oussek n’a pas défait l’ourlet et ça lui donne l’air con à notre Justin, ce n’est pas grave, il s’en fout, et il se balade toujours avec sa pipe à la main, toujours en train de l’allumer, de la mâchonner, c’est son complexe commissaire Maigret, il croit que cela lui donne de la prestance. Nous avons déjà eu l’occasion de faire quelques reportages ensemble, ce vieux routier n’est pas ragoûtant à regarder mais c’est un vrai pro.
Je prends le bigophone et j’appelle Justin, dont le burlingue est à l’étage en dessous :
— Salut Justin ! C’est Jean-Sé ! Le boss t’a annoncé la nouvelle ?
— Y vient d’sortir de mon bureau ! Il est remonté ce matin, le manitou ! On part quand ?
— Demain. Je te prends en bas de chez toi

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