Un psychopathe ordinaire
152 pages
Français

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Un psychopathe ordinaire , livre ebook

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Description

Un chirurgien esthétique psychopathe qui ne craint qu’une chose, être percé à jour, s’ingénie à dissimuler sa vraie nature à ses proches, jusqu’au jour où sa mère lui demande d’euthanasier son père. Cette situation le propulse alors dans la maison familiale et fait resurgir en lui des souvenirs qui nous dévoilent peu à peu l’homme qu’il est vraiment. L’intrigue repose sur la faculté qu’aura, ou non, le héros à se transcender face aux événements pour devenir enfin l’un des nôtres. Cette histoire nous invite ainsi à nous pencher avec humour sur notre moi profond et à réfléchir à la place que nous laissons à notre vraie personnalité pour s’exprimer au quotidien.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mai 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332697370
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-69735-6

© Edilivre, 2014
Chapitre I
Je me trouvais dans mon loft avec une migraine naissante et un verre de Martini à la main. La vieille femme assise en face de moi, dans mon salon de cuir blanc design six places, perdait visiblement ses cheveux. Il était presque dix-neuf heures, le week-end allait commencer, nous faisions ce que l’on appelle communément la conversation . J’aurais dû boire les paroles de mon interlocutrice plutôt que ce troisième verre de spiritueux, mais c’était au-dessus de mes forces. Malgré des efforts assidus, je ne parvenais pas à fixer mon attention sur son long monologue. Non pas que ses propos soient particulièrement soporifiques. Je n’y arrivais pas, voilà tout. Ses mots se perdaient dans un brouhaha quasi-hypnotique. Manque de chance pour moi : mon incapacité à fixer les gens dans les yeux ramenait obstinément mon regard de la table basse en verre fumé à son crâne grisâtre, corollaire à son répugnant début d’alopécie. Je réprimai une légère grimace de dégoût. La vieillesse et son cortège de laideurs me donnaient envie de vomir depuis toujours.
Ce malaise me rappela une de mes anciennes patientes, madame Dumas, presque chauve, elle aussi. Arrivée à mon cabinet le vingt-huit mars de l’année dernière, âgée de quatre-vingt-deux ans, avec le souhait d’en paraître dix de moins. Mais quelle personne sensée souhaitait paraître soixante-douze ans, sérieusement ?
Malgré le caractère apparemment raisonnable de sa demande, personne ne pouvait plus rien pour elle. Son état de décrépitude était trop avancé. Une peau entièrement parcheminée et parsemée de taches brunes, poétiquement appelées fleurs de cimetière dans notre métier, des fesses de macaque crabier, des seins descendus faire un tour au sous-sol : un sinistre total. À en croire certains paramètres de son bilan de santé, elle était déjà trépassée.
Je lui expliquai la situation en utilisant une analogie simple avec le milieu du bâtiment, familier à un large public, tout en griffonnant des petits dessins qui se voulaient exemplatifs sur mon carnet. Pratiques les petits dessins, cela faisait pro et m’évitait d’avoir à regarder les gens en face trop longtemps.
– Il n’y a pas que la façade défraîchie, Madame Dumas (petit dessin des sillons labo-géniens). Quand un immeuble n’a pas été entretenu pendant de nombreuses années, c’est toute la charpente qui écope (schéma assez précis du système musculo-aponévrotique). La menuiserie, la plomberie, l’électricité : tout tombe en ruine (vagues gribouillis des principaux organes du corps humain). Dans votre cas, les structures internes ne sont pas en mesure de supporter de telles rénovations (croquis à main levée d’une équipe de réanimation en action, formidable­ment exécuté, en toute modestie). Parfois, lorsque les dégâts sont trop importants, croyez-moi : il vaut mieux se résoudre à abattre l’ensemble (légère esquisse d’une tombe surmontée d’une croix, impossible à identifier pour un observateur extérieur).
En guise de réponse, un silence humide me laissa immédiatement penser que je m’étais laissé déborder par mon enthousiasme à exposer clairement les choses. Mes yeux cherchèrent désespérément un point où se poser sur son visage ravagé par le temps. J’aperçus des larmes qui se frayaient péniblement un chemin sur ses joues ravinées. Ce simple signal activa en moi une alarme silencieuse.
– Que voulez-vous dire par «  abattre  », Docteur ? fit-elle d’une voix chevrotante.
Aïe. Je me trouvais sur une pente savonneuse. La vérité était que par «  abattre  », je voulais dire «  abattre  ». La vérité était que si je persévérais dans cette voie, j’allais au-devant de gros problèmes. Je ne voulais pas de problèmes. Jamais. Je froissai donc mes petits dessins d’un geste vif et les jetai presqu’à regret dans la corbeille. Je pris une grande inspiration et tentai de fixer Madame Dumas entre les sourcils pour lui donner l’impression d’un regard croisé, puis je piochai dans mon meilleur répertoire quelques mots susceptibles de recréer chez elle le sentiment de confiance qui l’habitait encore, quinze minutes auparavant, lorsqu’elle avait poussé la porte du célèbre chirurgien esthétique que j’étais.
– Madame Dumas, dis-je sur un ton docte, comme si je sermonnais un petit enfant pris la main dans le pot de confiture. Nous sommes entre adultes responsables. Vous êtes suffisamment intelligente pour comprendre ce que j’essaye de vous dire à demi-mot. C’était une image, une simple comparaison, pour vous aider à prendre conscience qu’il me serait difficile, voire impossible, de satisfaire à votre demande. Vous ne devez pas tout prendre au pied de la lettre comme cela, Madame Dumas.
À ce stade, j’aurais dû me taire. Je ne pus toutefois m’empêcher d’ajouter :
– Je ne suis tout de même pas responsable du fait que vous ayez traité par-dessus la jambe votre santé et votre physique durant de très longues années. Si ?
La vieille pleurait toujours, mais elle hochait la tête en signe d’assentiment à présent. La magie de la blouse blanche. Dans peu de temps, elle quitterait mon bureau avec l’idée de consulter un de mes confrères pour un second avis, comme tous ceux que je refusais de traiter. Il faut dire que, pour me garantir une réputation sans faille, je n’acceptais les cas que lorsque j’avais une chance réelle de réussite. Ses espoirs d’être prise en charge par un collègue moins scrupuleux que moi n’étaient donc pas totalement vains.
Une fois seul dans la pièce, je poussai un long soupir de soulagement. Un drame du quotidien venait de se jouer dans cette petite clinique bourgeoise. Et contrairement aux apparences, cette bonne vieille madame Dumas n’en était pas la victime. C’était moi. Moi pour qui il n’y avait aucune différence entre cet immeuble vétuste dont je parlais cinq minutes auparavant et une Madame Dumas. Moi, pour qui un être humain, un chien errant, une plante grasse, un pot d’échappement, avaient intrinsèquement la même valeur. Moi qui étais différent depuis mon enfance. Enfance que je ne pourrais jamais me résoudre à qualifier de tendre (d’ailleurs, existait-il plus bel oxymore que celui-là ?) Moi qui, depuis lors, devais survivre au quotidien dans cette jungle dégoulinante d’émotions, appelée pompeusement société , par mes contemporains.
Indifférent, insensible, anormal … ou encore borderline, pour les bobos . Aussi loin que je me souvienne, j’étais un peu tout cela à la fois. Même s’il m’avait fallu du temps et une indigestion d’essais scientifiques pour mettre peu à peu des mots sur mes particularités.
Je ne tenais pas mes parents pour directement responsables de cet état de fait. Je veux dire par là qu’ils ne m’avaient jamais maltraité, battu ou même abusé sexuellement. Non, ils n’étaient pas des gens dans le coup, ne suivaient aucune tendance, aucun courant : des conservateurs. Tout petit, j’avais dû apprendre seul l’Amour, la Joie, la Tristesse, la Peur… comme on apprend le Mandarin : en observant, en repérant petit à petit des signes que l’on reconnaît, que l’on traduit, que l’on recopie. En les ajoutant, enfin, à mon propre répertoire que je rendais chaque jour plus riche et plus complexe.
Un exemple ? Je me souviens… j’avais cinq ans, c’était l’été, je prenais le train avec ma mère et ma jeune tante pour aller à la mer. Il faisait une chaleur étouffante. Une grosse dame qui n’avait pas encore trouvé de siège avançait difficilement dans l’allée centrale qui était trop étroite pour elle, ses fesses, sa poitrine, et les deux énormes valises qu’elle traînait en sus de tout ce qui était d’origine organique. Engoncée dans sa veste de tailleur bon marché, elle suait, haletait et se dandinait lentement d’un pied à l’autre, handicapée qu’elle était par ses énormes cuisses que je devinais frotter l’une contre l’autre sous sa jupe crayon, rougissant sa peau laiteuse, et ses hanches en plateau qui faisaient obstacle à sa progression. De sa position guère enviable, elle prit toutefois le temps d’adresser un grand sourire à l’adorable bambin que j’étais et qui l’observait béat d’étonnement. Sa bouche, trop maquillée, avait laissé une trace de rouge sur l’une de ses canines. A priori , cette manière de se découvrir ainsi les lèvres pour dévoiler ses dents dans un rictus figé apparaissait à mes yeux comme plutôt disgracieux, voire déplaisant (d’ailleurs, chez certains primates, cela reste un signe de domination et d’agressivité). Mais, j’avais déjà eu l’occasion d’apprendre qu’il était de bon ton de réciproquer la mimique. Cela mettait mon entourage dans un état propice à satisfaire mes besoins, cela pouvait même rapporter des petites récompenses diverses. C’était ce que j’appelais : une attitude rentable . Je me fendis donc d’une grimace simiesque à mon tour. Le visage de la dame changea soudainement d’expression et elle lança un regard interrogatif à ma mère et à la sœur de mon père qui, n’ayant pas vraiment suivi la scène (et trouvant la femme vulgaire, j’en suis certain), continuèrent à papoter et l’ignorèrent superbement. Bien que je ne sois pas encore très habile à lire les visages des autres à l’époque, je compris assez rapidement qu’un truc clochait. Les choses ne se déroulaient pas comme elles le devaient. Sans bouger un muscle de mon visage, je lançai un rapide coup d’œil dans la vitre pour tenter d’y capter mon reflet. Mon faciès d’ordinaire très harmonieux était devenu grotesque, totalement déformé par la tension excessive que j’imprimais à mes zygomatiques. On aurait dit un pit-bull sur le point de mordre. J’ignorais ce que la femme pouvait ressentir à cet instant et n’en avais cure, mais de manière générale, je supportais d

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