Un cygne noir
135 pages
Français

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Description

Dans la cité futuriste d’Alveus, le paranormal est une réalité bien tangible qui menace constamment l’humanité. Pour limiter ses dangereuses manifestations, des normes et règles strictes régissent les résidents.


Daniel Luciano, éminent Agent des Récolteurs, investigue justement une apparition parapsychique qui laisse des morts dans son sillage. La première victime n’est autre que sa femme tandis que sa fille est portée disparue. Alors que l’enquête s’enlise, « le Cygne Noir » craint d’en être dépossédé. Combien faudra-t-il encore de victimes avant de résoudre cette sanglante affaire ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 novembre 2022
Nombre de lectures 1
EAN13 9782493087263
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un Cygne noir
Théo Ferroni
Contenu sensible

Bien que tout public, cet ouvrage contient quelques passages sensibles : mention de consommation d’alcool, morts violentes et situations de détresse psychologique.
Chapitre 0
Le carrelage fraîchement lavé renvoyait une image trouble. Les lumières semblaient fondre entre les tracés gris et ne laissaient aucune part d’ombre dans l’allée en se réfléchissant. Elles n’étaient ternies que par les silhouettes déformées des résidents qui, d’un pas pressé, longeaient l’interminable couloir, glissant sur le sol comme des spectres. Dans les reflets, tous se ressemblaient et pourtant, en levant les yeux, ils n’avaient rien à voir les uns avec les autres.
Entre les passants en costard-cravate et autres tenues fraîchement repassées se succédaient des humains qui n’en avaient plus vraiment l’air tant ils avaient été modifiés, altérés dans leur biologie ou transformés par la cybernétique. Ils se paraient de membres additionnels, ici de fourrures et là de regards luisants, leurs vêtements excentriques parachevant des apparences dignes d’un autre monde. Ils semblaient presque chercher à dissimuler qu’ils n’avaient, pour la majorité, jamais quitté les limites du bâtiment dans lequel ils vivaient chaque jour.

Comme il était de culture pour tous les résidents d’Alveus, Daniel Luciano affichait sa fonction et sa personnalité par son apparence. Dans cette ville, on ne devait pas laisser de place à l’interprétation, seulement aux certitudes ; c’était donc avec son uniforme d’Agent qu’il était habillé, quand bien même il n’était pas en mission. Les tatouages de roses bleutées et d’oiseaux sombres qu’il portait dans le cou et sur les bras, révélés par sa chemise entrouverte aux manches retroussées, indiquaient son appartenance : l’Agence des Récolteurs.
Cette affiliation inspirait autant de respect que de crainte chez ceux qui la reconnaissaient. Les Récolteurs formaient l’Agence majeure la moins appréciée des cinq en raison de leur spécialisation, mais ceux qui portaient ce genre de tatouages étaient surtout synonymes de mauvaises nouvelles. Ils n’intervenaient que sur les affaires les plus sombres et requérant autant de discrétion que possible malgré leur grande échelle : meurtres en série, disparitions de masse, espionnages industriels… Ils étaient des corbeaux et c’est d’ailleurs de leurs plumes noires que leur peau était parée. Daniel, s’il se voyait bien comme un oiseau, se considérait néanmoins bien plus élégant, et c’était en partie de là que découlait son pseudonyme professionnel : Cygne Noir.
— Bonjour, vous voulez quelque chose ? demanda aimablement la dame assise derrière le comptoir devant lequel il s’était arrêté. Il avait décidé de changer ses habitudes en s’arrêtant dans une enseigne où il ne s’était jamais rendu auparavant. Sortant la main droite de sa poche, il tapota du bout de ses doigts gantés de noir le panneau des boissons proposées. Son silence taciturne ternit la réponse qu’on lui adressa d’un professionnalisme un peu exaspéré :
— Un café brésilien ? Tout de suite.
— Sans crème et à emporter, s’il vous plaît, précisa-t-il sans même regarder le visage de son interlocutrice une seule fois. Il profita de sa main sortie pour afficher l’heure dans un coin de sa vision d’un geste du poignet. Huit heures moins cinq. Il espérait une préparation rapide parce qu’il devrait bientôt se trouver derrière son bureau. Il mettait un point d’honneur à ne jamais arriver en retard, car même si une minute de plus ne changeait strictement rien à son programme du jour, Daniel ne souhaitait pas le commencer avec un reproche de sa supérieure.
Après quelques instants, la dame lui tendit le café soigneusement préparé pour être emporté. L’empoignant dans la main gauche, il scanna son index droit pour payer à l’aide de son système bancaire intégré cybernétiquement, puis tourna les talons et reprit sa route dans l’immense allée. Daniel hésita à boire sur le chemin puis convint que le temps qu’il lui restait à marcher le refroidirait suffisamment pour qu’il n’ait pas à se brûler la langue. Cette réflexion l’amusa un peu cyniquement : n’avait-il vraiment rien de mieux à se préoccuper que de boire son café trop vite, dernièrement ?
Pour penser à autre chose le temps du trajet, son regard coula vers les vitrines alignées régulièrement — et ennuyeusement — de chaque côté de la rue intérieure. Bien qu’il connût chaque recoin de l’immeuble dans lequel il vivait depuis quinze ans maintenant, jamais il n’avait visité la plupart des boutiques et bureaux devant lesquels il passait chaque jour. Toutes colorées et uniques, elles contrastaient douloureusement avec la rue d’une blancheur et banalité affligeantes. À la triste et morne exclusion du numéro de l’étage, rien ne distinguait cette allée d’une autre.
Daniel n’était plus vraiment un grand utilisateur du réseau virtuel de la ville, mais cette vision lui en rappelait l’attrait : cette réalité était parfois plus terne que leur monde informatique. Nombre de résidents autour de lui étaient ainsi en train de projeter des visions holographiques rien que pour eux en même temps qu’ils marchaient, pour travailler, jouer, discuter, s’occuper tandis qu’ils se déplaçaient dans cette allée interminable, au contraire de Daniel qui était sûrement devenu un peu trop prosaïque pour faire de même. Presque par esprit de contradiction avec lui-même, il alluma alors son interface holographique d’un geste du poignet et démarra un bref morceau de musique.
Le morceau de jazz eut le bon goût de s’achever au moment où la porte d’entrée de l’Agence s’ouvrit devant lui. Il salua le vigile qui le laissa passer sans vérification particulière, puis emprunta la porte des employés pour atteindre les bureaux. L’atmosphère des lieux, plus familière et familiale, lui permit de désactiver son projecteur holographique sans craindre de retomber dans des considérations cafardeuses. Il connaissait par cœur la décoration à force d’arpenter ces couloirs, mais elle avait le mérite de lui donner le sentiment d’être chez lui, peut-être même plus que son propre appartement depuis quelques semaines.
Arrivé devant son poste, dans son bureau, Daniel fit glisser sa chaise et s’y laissa tomber sans ambition. Il fit sauter la capsule de son café et prit une gorgée après l’autre en démarrant l’ordinateur devant lui. La perspective de la journée l’anesthésiait d’avance malgré la boisson destinée à le dynamiser. Il avait déjà fouillé toutes les archives, exploré tous les semblants de piste. Depuis une dizaine de jours, toutes ces prétendues recherches n’avaient presque pour fonction que d’attester qu’il continuait à travailler plutôt qu’attendre que quelque chose se passe ; et malgré toutes les justifications qu’il avait trouvées, cette sensation de vacuité lui était écœurante.
Au moins, personne ne pouvait lui reprocher de manquer de motivation sur cette affaire. Il était personnellement impliqué. À cette pensée, il fixa la photographie à côté de son écran d’ordinateur. Sa femme et sa fille lui souriaient, assises à côté d’un homme qu’il ne reconnaissait plus. Il finit son café d’une traite et jeta le gobelet vide à la poubelle. Puis, après un mouvement d’hésitation, il décida de ne pas poser le front du cadre contre le bureau. Fuir leurs regards ne les ferait pas disparaître de son esprit. Il prit une profonde inspiration et préféra utiliser cette pression insidieuse pour se motiver.
Sa migraine matinale se calma après quelques minutes et il put ainsi se concentrer plus efficacement sur les nouveaux dossiers que lui avaient envoyés ses collègues archivistes. Comme d’habitude, il n’y avait rien de particulièrement pertinent : ce n’étaient que plus de registres d’événements paranormaux vaguement similaires à ce sur quoi il enquêtait. Avec le peu de critères distinctifs que cette affaire avait par rapport aux autres, on pouvait l’associer à n’importe laquelle si l’on tirait un peu sur la corde de la logique. Il passait ainsi d’une histoire rocambolesque à une autre sans qu’il paraisse y avoir de lien.
Parfois, entre deux fichiers, il détournait le regard pour fixer un des tableaux de paysages fleuris et solaires qui décoraient les murs. Il se demandait alors, une fois de plus, pourquoi il s’acharnait à lire ces documents qui ne faisaient, au mieux, que lui donner plus d’anecdotes à narrer en soirée, et au pire plus de cauchemars, sur le genre de scénarios affreux qui pouvaient se produire à Alveus lorsque les règles de sécurité parapsychique n’étaient pas respectées. Au fond, il aurait pu s’en passer : personne ne le surveillait grâce à son grade et son poste, et sa supérieure lui faisait suffisamment confiance pour ne pas poser de questions.
Il ne persévérait plus que pour se donner bonne conscience. Il ne se voyait pas attendre bêtement que quelque chose se produise. Certains le faisaient, mais n’était-ce pas éthiquement catastrophique ? Suffisait-il qu’une affaire le frappe personnellement pour qu’il perde tous ses moyens et toutes ses valeurs ? Non, non. Ce n’était pas le fait qu’il soit impliqué qui lui posait problème, au contraire cela le rendait plus persistant ; c’était qu’il ait aussi peu d’éléments clairs et pertinents. Il se demandait chaque jour s’il pourrait vraiment résoudre cette affaire en l’état ; et pourtant, il refusait d’admettre toute défaite.
Ce n’était pas faute de sacrifices : il ne prenait plus aucune autre mission depuis deux mois et passait le plus clair de son temps sur le terrain ou dans son bureau. Et si Nathanaël n’avait pas vécu avec lui, il aurait sûrement dû engager quelqu’un pour s’occuper des tâches ménagères à sa place. Son ego viril était blessé par le fait de dépendre de quelqu’un pour la cuisine et l’entretien de la maison, mais c’était, entre eux, l’entente tacite pour que Daniel ne pose aucune question sur ses activités du week-end.

Il aurait pu rester perdu dans ses pensées encore de longues minutes, fixant ce décor qu’il n’avait jamais conn

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