Thérianthrope
212 pages
Français

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Description

PREMIÈRE PARTIE LE GRAND MÉCHANT LOUP CHAPITRE 1 En près de trente ans de carrière dans la police de Denver, l’inspecteur Ernesto Guzman n’avait jamais vu une chose pareille. La vie n’avait pas été toujours rose depuis qu’enfant il avait quitté Ojinaga, ville frontière du Mexique sur le mythique Rio Bravo. Il avait connu la misère, les fins de mois difficiles, mais il avait la chance d’avoir une femme et trois enfants qui s’en étaient tous sortis. Pour ce solide gaillard à la moustache encore noire malgré le poids des années, la retraite se profilait doucement, peut-être du côté de Parker, où il comptait passer ses vieux jours comme il avait pratiqué son métier, sans remous. Et dire qu’il avait fallu attendre ce début de siècle pour voir ça… Ernesto observa l’attroupement maintenu à distance par ses collègues. Il se trouvait sur Havana Street, peu après sa division en deux branches, face au Bluff Lake. Les journalistes essayaient de se rapprocher et, rien qu’en voyant les micros et les caméras tendus vers lui, il sentait se développer une migraine tenace. Il regarda sa montre : dix heures. La journée commençait mal. Deux hommes en blouse blanche remontaient du Bluff Lake Trail avec une civière en direction de l’ambulance. Ils étaient suivis par son jeune collègue, Davies, tiré à quatre épingles dans son costume gris perle qui le faisait plutôt passer pour un agent du FBI que pour un policier du Denver Police Training.

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Date de parution 06 décembre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782810426515
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PREMIÈRE PARTIE
LE GRAND MÉCHANT LOUP
CHAPITRE 1

En près de trente ans de carrière dans la police de Denver, l’inspecteur Ernesto Guzman n’avait jamais vu une chose pareille.
La vie n’avait pas été toujours rose depuis qu’enfant il avait quitté Ojinaga, ville frontière du Mexique sur le mythique Rio Bravo. Il avait connu la misère, les fins de mois difficiles, mais il avait la chance d’avoir une femme et trois enfants qui s’en étaient tous sortis. Pour ce solide gaillard à la moustache encore noire malgré le poids des années, la retraite se profilait doucement, peut-être du côté de Parker, où il comptait passer ses vieux jours comme il avait pratiqué son métier, sans remous. Et dire qu’il avait fallu attendre ce début de siècle pour voir ça…
Ernesto observa l’attroupement maintenu à distance par ses collègues. Il se trouvait sur Havana Street, peu après sa division en deux branches, face au Bluff Lake. Les journalistes essayaient de se rapprocher et, rien qu’en voyant les micros et les caméras tendus vers lui, il sentait se développer une migraine tenace. Il regarda sa montre : dix heures. La journée commençait mal. Deux hommes en blouse blanche remontaient du Bluff Lake Trail avec une civière en direction de l’ambulance. Ils étaient suivis par son jeune collègue, Davies, tiré à quatre épingles dans son costume gris perle qui le faisait plutôt passer pour un agent du FBI que pour un policier du Denver Police Training.
— D’après le légiste, la mort remonterait à deux heures du matin. On est en train d’enquêter dans le voisinage, mais a priori personne n’a rien vu. Le seul témoin que nous ayons est une femme, Angela Barnell, trente-neuf ans, qui devait retrouver deux de ses amies vers huit heures pour un footing. Elle a garé son véhicule du côté de Florence Way, a fait quelques pas en direction du lac pour s’échauffer. Le corps était là, dans les fourrés.
— Qu’est-ce que tu peux m’apprendre sur la victime ?
Martin Davies consulta ses notes.
— Femme de race blanche, environ trente ans, blonde, dans les un mètre soixante, célibataire a priori… Pas d’alliance, ajouta-t-il comme Ernesto le regardait surpris. Portait une tenue de personnel hospitalier, probablement une infirmière. Pas de papiers d’identité sur elle, j’ai fait prendre ses empreintes pour les comparer avec le fichier des immatriculations. On verra les résultats de l’autopsie, mais pour l’instant, je peux te dire qu’elle a été assommée par un objet contondant à la base du crâne. La victime a été dénudée, mais ne semble pas avoir été violée. L’assassin a tiré sa victime probablement inconsciente jusque-là puis l’a achevée. D’après le légiste, elle n’était pas morte au moment…
Il ne poursuivit pas. Tous les deux connaissaient la suite : le tueur avait massacré sa victime. Littéralement. Le plus insoutenable était qu’il manquait des morceaux du corps. Et les traces sur le thorax ne pouvaient être que celles de dents. Guzman regarda l’ambulance partir toutes sirènes hurlantes, puis soupira.
— Tu as une idée pour éviter les journalistes ? Je suis preneur.
— Je m’en charge. Discours convenu comme d’habitude !
Son jeune collègue se dirigea vers les micros avides de sensationnel. Guzman repartit en traînant les pieds vers son véhicule de service. Il avait du pain sur la planche : contacter les hôpitaux de la région pour savoir si une de leurs employées était manquante. Identifier la victime, retracer son emploi du temps, essayer de savoir si la rencontre avec le tueur était fortuite ou si elle avait pu le connaître. Son téléphone sonna dans sa poche. Un instant, il espéra que ce serait sa femme lui demandant de passer chez l’épicier, ou un truc dans ce genre, histoire d’oublier les macabres détails sur le chemin de promenade, mais il fit la grimace en voyant le numéro s’afficher. Le poste.
— Inspecteur Guzman ? Sergent Julie Landrow.
— Oui, sergent, qu’est-ce qui se passe ?
— On a un appel du Colorado Psychiatry Center. L’hôpital signale qu’un de leurs patients est manquant depuis hier.
— Pour l’instant je ne vois pas ce que je peux faire, je suis occupé.
— C’est le policier qui a pris l’appel qui nous l’a transféré. Ils disent que le patient a disparu en même temps qu’une de leurs infirmières. Sa voiture n’est plus sur le parking et elle aurait dû être à son poste ce matin.
Ernesto Guzman sentit un grand froid l’envahir.
— D’accord, Julie, je rappelle mon collègue et je me rends sur place.
Guzman coupa la communication et fit signe à Davies.
— On file au Psychiatry Center. Une de leurs infirmières a disparu en même temps qu’un patient. Simple coïncidence, mais c’est à vérifier.
— Le centre psychiatrique, c’est dans Englewood ! Et ce type aurait traversé la ville pour aller jusqu’au lac, sans que personne ne le remarque, alors qu’il aurait pu commettre son crime sur place ?
La chaleur étouffait Denver et rendait la circulation plus pénible à supporter. Martin conduisait rapidement. Ernesto se taisait et réfléchissait à la tournure des événements. S’il s’agissait bien de cette infirmière, le patient disparu pouvait être un suspect. Martin prit par Aurora sur la 225, contourna le Cherry Creek Reservoir, récupéra l’Interstate 25 bien encombrée pour traverser Centennial.
— Pour l’instant ce ne sont que des suppositions, Martin. On va là-bas et on avise.
*
Situé non loin du golf sur Meridian Boulevard, dans une artère arborée et aux pelouses soigneusement entretenues quoique jaunies par le soleil, le bâtiment de verre et d’acier du Colorado Psychiatry Center semblait recouvert d’or sous la lumière du jour. Martin stoppa le véhicule et observa les lieux : des immeubles, de larges artères, des parkings. On pouvait quitter l’endroit rapidement sans être inquiété. Guzman et lui se dirigèrent vers l’hôpital. À l’accueil, un homme d’une cinquantaine d’années les attendait, visiblement prévenu de leur arrivée. Dégarni, le regard vif et souriant derrière de petites lunettes rondes, il inspirait confiance, exactement ce qu’un médecin censé fouiller dans votre esprit devait avoir comme air. Il tendit la main aux deux inspecteurs.
— Messieurs, je vous remercie d’être venus aussi vite. Je suis le Dr Ross Conway, le responsable de cet établissement.
— Inspecteur Ernesto Guzman, et mon collègue Martin Davies. Vous avez appelé pour signaler la disparition d’un membre de votre personnel ?
— C’est exact, inspecteur. Il s’agit d’une infirmière, Sheryl Dowes.
— Est-ce que c’est elle ? demanda Guzman en tendant la photo prise sur les lieux du crime.
— Oui ! Mon Dieu ! Est-ce que ça signifie… ?
— Docteur Conway, pourrions-nous trouver un coin tranquille pour discuter, s’il vous plaît ?
— Oui, bien sûr. Suivez-moi.
Il les conduisit jusqu’à son bureau, une pièce à l’atmosphère feutrée, propre à la confidence, baignée par de larges baies vitrées surplombant les parkings en contrebas. Le Dr Conway désigna les fauteuils de cuir devant le bureau en acajou.
— Asseyez-vous, inspecteurs. D’après la photo que vous m’avez montrée, j’en déduis que Sheryl est morte, n’est-ce pas ?
Guzman hocha la tête affirmativement.
— Malheureusement, oui. Vous avez signalé sa disparition ce matin à la police ?
— Oui. C’est-à-dire, Sheryl Dowes travaillait hier matin. Mais comme elle se plaignait de maux de tête, nous avons pensé qu’elle était rentrée chez elle, d’autant que son véhicule n’était plus sur le parking. Ce n’est que ce matin, quand nous avons découvert qu’elle avait quitté l’établissement en laissant toutes ses affaires, papiers et vêtements civils, et que nous étions sans nouvelles, que nous nous sommes inquiétés.
— À votre connaissance, est-ce qu’elle avait des soucis particuliers, professionnels, personnels, dont elle aurait pu faire part à ses collègues ?
— Il faudra leur poser la question directement, inspecteur. Sheryl Dowes est… était un très bon élément, très professionnelle, toujours aimable. Tous les patients l’aimaient. Ça va être un choc terrible quand ils vont apprendre la nouvelle.
— Pas de petit ami connu, avec qui elle aurait pu se fâcher ?
— Nous n’entrons pas dans le domaine privé.
— Je comprends. Et donc, hier matin, vers quelle heure pensez-vous qu’elle est partie ?
— Je dirais environ dix heures.
— Que faisait-elle ici ? Je veux dire comme travail.
— Elle s’occupait de l’accueil des patients, de préparer les consultants, dossiers administratifs, prise de sang. Nous nous occupons de tout ce qu’il est commun d’appeler « désordre mental », ce qui inclut les maladies psychiatriques comme les schizophrénies, les psychoses, mais aussi les dépressions sévères, et nous prenons également en charge les addictions. Cela nécessite une surveillance biologique particulière.
— Nous pourrions avoir accès au planning de consultations du jour ?
Le Dr Conway mit un moment avant de répondre.
— C’est que l’anonymat et le respect du secret professionnel sont en jeu. Je ne suis pas censé vous communiquer le nom et la pathologie des patients.
— Je comprends tout à fait, docteur, et je suis sûr que si j’en faisais la demande je pourrais obtenir d’un juge une autorisation en bonne et due forme. Mais je ne souhaite ni vous faire perdre votre temps, ni le mien et celui de l’inspecteur Davies ici présent. Ce que je veux savoir, c’est si cette disparition est simplement liée aux maux de tête, ou s’il y a eu un problème avec un patient. Votre établissement a fait état de l’absence de l’un d’entre eux, c’est donc que vous avez nourri des soupçons sur quelqu’un. Est-ce que je me trompe ?
Conway regarda fixement les deux inspecteurs de police.
— Avant de vous répondre, j’aimerais vous poser une question. Savez-vous qui est Preston Dowes ?
Guzman et Davies échangèrent un regard lourd de signification.
— Vous voulez parler du sénateur Dowes ? demanda Martin.
— Je veux parler du sénateur, en effet. Sheryl est sa dernière fille, sa benjamine. Vous comprenez pourquoi j’ai fait appeler la police quand nous nous sommes rendu compte qu’elle avait disparu.
— So

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