Sarah en clair-obscur
190 pages
Français

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Sarah en clair-obscur , livre ebook

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Description


La vie de Sarah commence par deux meurtres. Coupable elle l’est, parce qu’elle a tué sa mère à sa naissance. Coupable elle l’est, parce que son père a voulu suivre sa compagne dans la tombe. Coupable elle l’est, parce que ses grands-parents ont dû la prendre en charge, elle qui leur a pris leur fille unique.



Ce sont les livres qui feront son éducation et lui serviront de refuge. La vie de famille, qu’elle a choisie trop jeune, ne satisfait pas le rêve d’amour qu’ont fait naître les romans.



Jean, pour lequel elle quitte mari et enfants sur un coup de tête, se révélera très vite manipulateur et pervers. C’est un coup du sort qui fera de Sarah une femme libre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334149761
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-76563-5

© Edilivre, 2016
Citation


Vivre sans prendre de risques, c’est se condamner à l’ennui éternel.
Dédicace


À René, mon compagnon des beaux jours.
1
L’heure de la fermeture, enfin. La fatigue remonte le long de ses jambes, se love au creux de ses reins et l’envahit peu à peu. Cette fatigue l’inquiète.
Les étagères regorgent de livres d’enfants qui ne trouvent pas d’acquéreurs. Elle ne peut s’empêcher d’en commander malgré les menaces de fermeture. Elle les lit l’un après l’autre, comme pour rattraper un bonheur qu’elle n’a pas connu à l’âge où ceux qui avaient de vrais parents en écoutaient la lecture, le soir, en suçant leur pouce avant de s’endormir. Ceux qui lui servaient de parents, ceux dont elle avait tué la fille, étaient pleins d’égards, mais les livres n’étaient vraiment pas la première de leurs préoccupations. Elle ne les avait jamais vus lire autre chose que le journal. Sans doute les auraient-ils achetés pour les lui lire tous ces livres, ses parents à elle, les vrais, ceux qui l’avaient désirée. S’ils n’étaient pas morts à cause d’elle. Si elle n’avait pas fait mourir cette femme toute jeune en refusant de sortir de son ventre chaud. Si elle n’avait pas rendu cet homme, tout jeune lui aussi, fou de désespoir. C’est ce qu’on racontait, quand on oubliait sa présence, c’est ce qu’elle entendait, toute petite, pleine de honte.
Elle avait tout gâché, dès le premier jour. D’ailleurs elle gâchait toujours tout. C’était sa faute à elle s’il n’avait pas voulu rester ce père, pour qu’elle se sente moins seule. Comment aurait-il pu lui pardonner ce qu’elle lui avait fait ? Ce n’est pas avec son pauvre amour d’enfant qu’elle aurait pu le consoler ! Elle comprenait qu’il ait préféré rejoindre cette femme si belle, si douce, dans la nuit noire. Elle comprenait, mais elle était pleine de colère rentrée. Pourquoi ne l’avaient-ils pas emportée avec eux ?
Sarah ne se rappelle pas avoir vraiment souffert de cette absence, du moins ce qui s’appelle souffrir. Tout juste d’un manque indéfinissable, quand lui prenait cette envie de se blottir dans les bras de quelqu’un, de sentir une peau douce contre elle, une main qui lui caresserait les cheveux, une voix qui lui dirait des mots d’amour. Le grand-père la prenait parfois sur ses genoux quand elle était toute petite, regardait avec elle des livres d’images que lui prêtait la maîtresse de l’école maternelle. Elle se rappelait ses mains un peu rugueuses qui lui caressaient la joue en passant. La grand-mère, elle aussi, avait occasionnellement un geste affectueux, mais elle était tellement occupée et tellement maladroite. On sentait bien qu’elle n’avait pas l’habitude de cajoler, ce n’était pas coutume chez ces gens simples, qui avaient été élevés à la dure. C’était le doudou qu’ils lui avaient acheté, un gros chat en peluche, qui compensait ce besoin de tendresse dont elle n’avait pas vraiment conscience, mais qui surgissait le soir ou à la sortie des classes, quand les parents venaient accueillir leurs enfants. Elle avait un peu honte de cette pointe de jalousie qu’elle ne pouvait nier, quand ses camarades racontaient leurs promenades, leurs vacances, leurs soirées en famille, se plaignaient parfois de leur mère tout le temps derrière eux, du père trop sévère, des frères et sœurs qui s’appropriaient leurs affaires. Elle avait envie de leur dire combien elle aurait aimé avoir à se plaindre de ce genre de désagréments. Elle aurait aimé dire cette solitude et ce vide, ce besoin d’étreindre qui lui venait d’on ne sait où. Mais elle se taisait. D’ailleurs on ne lui demandait rien.
Elle n’était pas à plaindre, les grands-parents la grondaient rarement et s’ils n’étaient pas très démonstratifs, ils ne portaient jamais la main sur elle. Pas comme Maryse, cette petite camarade de classe qui lui avait montré un jour les marques des coups que lui avait infligés sa mère adoptive. Elle lui avait demandé de garder le secret, craignant les représailles, et Sarah lui en avait voulu de cette confiance qui aurait dû l’honorer.
Chaque matin, elle la scrutait du regard, se demandant si elle avait été victime de quelques sévices que personne ne semblait soupçonner, n’osant pas trop l’interroger de crainte de devoir subir des confidences. Quand la maîtresse avait demandé à Maryse de s’asseoir à côté d’elle pour que cessent les bavardages avec l’ancienne voisine, Sarah en avait éprouvé un profond malaise sans oser l’exprimer. Elle s’en voulait de ce manque de compassion. Mais la violence qu’elle avait quelques fois observée chez des adultes, et même dans la cour de récréation ou à la sortie des classes, lui inspirait à la fois du dégoût et une sorte de fascination inexplicable qui la perturbait profondément. Elle ne comprenait d’ailleurs pas pourquoi elle aimait les contes de fées, souvent d’une cruauté telle qu’elle en avait des frissons dans le dos et faisait des cauchemars qui l’éveillaient la nuit, trempée de sueur. Entre autres, « La Petite marchande d’allumettes » ou « La petite sirène » qu’elle relisait sans cesse.
L’agitation de Maryse, sa peur de ne pas savoir répondre aux questions posées et ses perpétuelles demandes d’aide la troublaient dans son travail. Comme si elle n’avait déjà pas assez de mal à se concentrer ! Elle avait l’impression d’un véritable chantage, même si elle était incapable de l’identifier comme tel, lorsqu’elle lui demandait de rapprocher son cahier pour qu’elle puisse copier. Mais jamais elle n’avait osé refuser. Sa voisine lui inspirait à la fois de la pitié et de l’agacement, sentiments qui lui étaient l’un comme l’autre intolérables. La bibliothèque de l’école abondait en livres du genre « Sans famille », « Poil de carotte » et autres histoires qui lui rappelaient le sort de Maryse sur lequel elle ne pouvait s’empêcher de fantasmer pendant les cours, mais aussi lorsqu’elle se retrouvait seule chez elle, pendant que les grands-parents vaquaient à leurs occupations.
Une autre de ses camarades de classe, une petite fille aux cheveux cendrés et à la peau très blanche, qui ne venait qu’accompagnée, occupait elle aussi son esprit. Sarah la savait atteinte d’une maladie grave et mystérieuse, mais elle ne pouvait se défendre d’un sentiment de jalousie lorsqu’elle voyait sa mère attendre anxieusement la fin des cours devant l’école. Pourquoi n’était-elle jamais malade et ne suscitait-elle pas cette sollicitude, cette attention constante ? Mais qui aurait pu la lui accorder en vérité ?
Heureusement, les livres lui avaient toujours permis de vivre une vie parallèle. Une double vie en somme, voilà ce dont elle avait toujours bénéficié grâce à l’imagination de ces écrivains solitaires qui avaient eu peut-être, eux aussi, des manques à combler.
2
Pourquoi tous ces souvenirs resurgissent-ils de sa mémoire, ce soir ? Probablement est-ce la nuit qui tombe prématurément, la peur de se retrouver seule comme elle l’a souvent été autrefois. Non qu’elle craigne la solitude à vrai dire, elle n’a pas besoin des autres pour se sentir exister. Elle a appris très tôt à se suffire à elle-même.
Les rapports superficiels l’ont toujours ennuyée. Ce qu’elle aime, ce sont les échanges, les vrais, et les rapports avec les autres n’ont d’intérêt que s’ils dépassent les conventions, avec tous les risques que cela comporte. Sa sincérité lui a souvent valu des déboires et cette façon qu’elle a d’avouer ses défaillances ne manque pas d’être utilisée contre elle au lieu de lui valoir le retour attendu. Qu’importe, ces expériences lui ont appris à faire le tri. Mais ce soir, elle a le sentiment qu’il ne reste plus grand monde autour d’elle.
Elle commence à ranger les trésors qu’elle accumule, en feuillette quelques-uns, se délecte des illustrations qui n’ont pas retenu l’attention des clients. Souvent, elle oublie la nuit qui tombe, plongée dans cette poésie dont elle aurait voulu être l’auteur. Elle ne manque pas d’imagination, mais ses histoires à elle, elle ne les a jamais racontées à personne. Elle s’est toujours contentée de lire celles des autres, à voix haute pour ceux qui voulaient bien l’entendre. Ses enfants, lorsqu’ils ne savaient pas encore lire, ses amoureux autrefois, lorsqu’elle était adolescente. Elle ne savait pas trop si cela les intéressait vraiment, du moins faisaient-ils semblant, sans doute charmés par sa voix et ses talents de conteuse. Elle se surprend parfois à lire comme si elle avait un auditoire, le soir, avant de boucler son magasin.
L’heure de la fermeture est toujours un moment difficile, surtout l’hiver. L’employée qui guette l’heure du départ depuis un moment en retroussant discrètement sa manche pour dégager sa montre, ne peut s’empêcher de lui faire remarquer que son mari et ses enfants l’attendent. Oui, bien sûr, un mari et des enfants, ça n’attend pas, ça a faim, ça ne sait pas préparer le repas, d’autant plus que les courses faites au supermarché pendant la pause sont restées dans la remise, attendant qu’elle ait fini sa journée.
Elle avait un mari, elle aussi, autrefois, et des enfants même, avant qu’elle ne les quitte pour l’autre, celui dont elle ne sait jamais quand il reviendra et même s’il reviendra pour autre chose qu’une lessive. Celui pour lequel elle a quitté le confort, la quiétude, le sentiment d’occuper sa place, pleinement. Elle n’était ni spécialement heureuse, ni spécialement malheureuse avant de revoir Jean. C’était une espèce de bonheur tranquille qui ne convenait probablement pas à sa nature, toujours à la recherche de quelque chose qu’elle n’aurait su définir, quelque chose qui la fasse se sentir vivre, qui la pousse dans ses extrêmes. Pierre ét

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