141
pages
Français
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2017
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Ebook
2017
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Publié par
Date de parution
27 juillet 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782764432914
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
5 Mo
Publié par
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27 juillet 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782764432914
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Français
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Bondrée , Éditions Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2014. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2016.
Prix littéraire du Gouverneur général 2014, catégorie « romans et nouvelles ».
Prix Saint-Pacôme du roman policier 2014.
Prix Arthur-Ellis 2015 du roman policier en langue française.
Prix du CALQ 2015 – Œuvre de l’année en Estrie.
Prix des lecteurs Quais du polar / 20 minutes 2017.
Rivière Tremblante , Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2011. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2017.
Lazy Bird , Éditions Québec Amérique, coll. Tous Continents, 2009. Nouvelle édition en format de poche, coll. Nomades, 2016.
Mirror Lake , Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2006. Nouvelle édition, coll. QA compact, 2013.
Prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec.
Le Pendu de Trempes , Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2004.
Projections (en collaboration avec la photographe Angela Grauerholz), J’ai vu, coll. L’image amie, 2003, photos.
Le Ravissement , L’instant même, 2001.
Prix littéraire du Gouverneur général 2001, catégorie « romans et nouvelles ».
Prix littéraire des collégiennes et des collégiens 2002 (Collège de Sherbrooke).
Les derniers jours de Noah Eisenbaum , L’instant même, 1998.
Alias Charlie , Leméac, 1994.
Portrait d’après modèles , Leméac, 1991.
La Femme de Sath , Éditions Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 1987. Nouvelle édition, coll. QA compact, 2012.
Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Pierre Monette
Révision linguistique : Sylvie Martin
En couverture : photomontage réalisé à partir de photographiesde unsplash.com et pixabay.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain
Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
L’auteure remercie pour sa part le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Michaud, Andrée A.
Routes secondaires
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3227-3 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3290-7 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3291-4 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8576.I217R68 2017 C843’.54 C2016-942111-2 PS9576.I217R68 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc. et Andrée A. Michaud, 2017.
quebec-amerique.com
À P., pour P. M.
T ous les personnages de ce roman ont vécu entre le 1 er mars 2014 et le 19 janvier 2017.
Let me call myself, for the present, William Wilson.
Edgar Allan Poe, « William Wilson »
J e dois m’appeler Heather. Elle doit s’appeler Heather. Ces phrases que je me répète depuis des mois sans parvenir à en fixer le sens ont peu à peu perdu leur limpidité première pour devenir une obsession.
Je dois m’appeler Heather. Elle doit s’appeler Heather.
L’automne tirait à sa fin quand ces quelques mots se sont imposés à moi comme une injonction, une nécessité dont je mettrais toutefois en doute l’aspect définitif lorsque je serais en état d’y réfléchir plus calmement. Je marchais sur cette route de gravier qui m’est familière depuis l’enfance, guettant les mouvements furtifs dans le sous-bois, le froissement des feuilles, le craquement des branches sèches me signalant la présence d’un animal autre que moi dans le remuement des ombres. Tous les sens en alerte, j’imaginais un roman dans lequel je pourrais rendre la force obscure de ce sous-bois, quand je m’étais arrêtée au milieu de la route, ébahie, pour murmurer je dois m’appeler Heather, elle doit s’appeler Heather.
Pendant quelques instants, je n’avais plus été que ces deux phrases interchangeables, je dois m’appeler Heather, elle doit s’appeler Heather, comme si une certitude enfouie sous le poids des années avait refait surface dans la douceur du vent d’octobre, puis j’avais senti monter en moi cette forme de soulagement succédant à une longue attente et je m’étais enfin détendue. Je venais d’esquisser le début du roman que je cherchais dans le sous-bois.
JE NE SAIS COMBIEN DE TEMPS j’étais restée là, mais le soleil déclinait quand le bruit d’une voiture venant de derrière la côte m’avait obligée à reculer vers le fossé où des feuilles amollies suivaient le mince filet d’un ruisseau qui s’élargissait un peu plus loin.
Rendue à ma hauteur, la voiture avait ralenti, sa conductrice probablement intriguée par mon immobilité et soupçonnant un malaise, une situation qui aurait exigé qu’elle s’arrête pour me porter secours, là, près de cette forêt s’obscurcissant avec la fin du jour. Quand nos regards s’étaient croisés, j’avais tenté de lui rendre le sourire que j’avais senti monter en moi, empli de cette paix qui m’habitait enfin, mais le sourire s’était vite éteint, car les yeux qui me fixaient étaient les miens.
Bouleversée par la ressemblance, j’avais reculé d’un pas et avais levé les bras, dans le geste de toucher le visage dont je m’éloignais, de palper les traits, comme le font les aveugles, de la femme qui me détaillait de ses yeux exorbités, bleus, pareils aux miens. Puis, devant son air affolé, une biche fuyant une meute de loups, c’est l’image mille fois rebattue qui m’était venue à l’esprit, j’avais baissé les bras et lui avais fait signe qu’elle pouvait poursuivre son chemin, que tout allait bien. Quand sa voiture avait disparu dans le tournant, j’étais descendue jusqu’au ruisseau, les jambes molles sur le sol se désagrégeant, pour tenter d’y voir mon reflet. En m’agenouillant près du cours d’eau dont le faible débit ne pouvait refléter que ma peur, j’en avais touché la surface du bout des doigts et j’avais murmuré un nom, Heather, car j’avais compris, quand nos regards incrédules s’étaient reconnus, que cette femme s’appelait Heather, qu’elle devait s’appeler Heather, et que nos destins seraient désormais inextricablement liés.
I
Alors je rentrai dans la maison, et j’écrivis. Il est minuit. La pluie fouette les vitres. Il n’était pas minuit. Il ne pleuvait pas.
Samuel Beckett, Molloy
I l est de ces concours de circonstances qui changent une vie à jamais. La banalité de cette assertion, aussi convenue que l’image d’une biche affolée, ne la rend que plus vraie, particulièrement quand vous ne ressentez aucunement le désir de modifier le cours des choses et n’espérez ni hasard ni miracle susceptible de bouleverser votre quotidien. Vous n’attendez rien, vous reportez simplement un rendez-vous, vous regardez le ciel, mauvais temps, et vous sautez dans votre voiture pour aller vous enfermer dans une salle à demi vide pendant que des trombes d’eau s’abattront sur la ville. Et puis voilà, le mauvais temps vous rattrape, vous n’arrivez jamais au cinéma et ne voyez pas ce film auquel vous ne teniez pas tant que ça, un thriller que vous n’aviez choisi que pour vous octroyer le plaisir d’admirer les muscles luisants de sueur d’un acteur en vogue.
C’est ce qui s’est passé ce jour-là. Je suis allée au cinéma.
Mon travail stagnait, je tournais en rond et n’éprouvais aucun intérêt pour cet amas de mots alignés devant moi, ma pensée dérivant sans cesse vers le bleu des nuages. Au lieu de m’acharner sur une page trop raturée ou d’aider P. à réparer la clôture délimitant une partie de notre terrain, j’ai sauté dans ma voiture, exactement comme cette femme qui voulait s’enfermer dans une salle obscure avec Brad Pitt, Bruce Willis ou Clive Owen, et j’ai pris la direction du 4 e Rang, où je me suis garée dans un espace dégagé près de la première courbe du rang, celle au-delà de laquelle mon regard allait croiser celui de Heather.
Aurais-je aperçu Heather si j’étais arrivée dix minutes plus tard ou plus tôt, si j’avais décidé d’aller acheter les journaux avant ma promenade ou d’aller saluer un vieil ami ? Et l’aurais-je aperçue, cette rencontre aurait-elle eu le même poids et les mêmes répercussions ?
Je me suis souvent demandé, depuis ce jour d’octobre où j’ai quitté la maison sans la moindre attente, ce qui se serait produit si j’avais délaissé plus vite ce travail qui m’ennuyait ou si je m’étais rendue ailleurs, sur cette route nommée la Languette, par exemple, que j’avais empruntée tous les dimanches après-midi de l’hiver précédent, à l’affût des ombres dans le sous-bois, du craquement des branches sèches, et m’imaginant voir surgir de ces bois désolés un homme armé pour la chasse, l’un de ces hommes qui n’hésiterait pas à me transformer en victime d’un déplorable accident, dans ces bois désolés, l’un de ces personnages que l’on ne croise dans les romans que parce qu’ils existent dans la réalité.
La peur de cet homme, peut-être, dont la violence cadrait mieux avec l’automne, m’avait incitée à tourner à gauche à l’entrée du village pour foncer au-devant d’un autre destin et, qui sait, de ma propre violence. Car je ne sais pas encore où me mènera cette décision prise par un après-midi d’octobre où le temps me pesait, cette impulsion qui m’a po