Rouge Mojito
176 pages
Français

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Description

« 25 août en France, la Grande Plage de Biarritz au large du quai étroit du casino est encore bruyante, ce n'est pas encore la fin de l'été et pourtant déjà on sent qu'il affleurera trop tôt une pointe blanche dans l'épaisseur de l'air immobile. Je me laisse étouffer par un nouveau mojito qui me transperce le crâne et me vrille avec componction l'estomac entre deux bouffées d'un havane ventru. A cette heure-ci, comme d'habitude, personne n'est encore assis aux tables du café du Casino sur cette terrasse à l'ombre. Enfin presque personne.... »
Rouge Mojito est un premier roman, né d'une photo devenue aussi tableau, celui illustrant la couverture : c'est l'histoire de cette dame à la robe rouge accoudée à ce bar. Sonia Poulain est le peintre qui a accompagné ce voyage entre Biarritz et Venise.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 février 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332687067
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-68704-3

© Edilivre, 2014
Citation

« J’ai trop voulu être et j’ai oublié de vivre »
Cocteau
1
25 août en France, la Grande Plage de Biarritz au large du quai étroit du casino est encore bruyante ; ce n’est pas encore la fin de l’été et pourtant déjà on sent qu’il affleurera trop tôt une pointe blanche dans l’épaisseur de l’air immobile, une aiguille encore mouchetée dont on sait qu’il faudra se protéger en abandonnant les après-midi en terrasse à l’océan.
Sont-ce les premiers nuages plus serrés qui apparaissent au loin ou simplement l’imperceptible écartement des espaces entre les baigneurs accentué au fil des jours qui marquent le temps. Le début d’une hébétude grise et pluvieuse d’automne menace.
Je me laisse étouffer par un nouveau mojito qui me transperce le crâne et me vrille avec componction l’estomac entre deux bouffées d’un havane ventru. A cette heure-ci, comme d’habitude, personne n’est encore assis aux tables du café du Casino sur cette terrasse à l’ombre. Enfin presque personne… Plus exactement il y a une femme, jeune, qui lit un roman dans une vieille édition, une de celles que l’on retrouve au bout de nombreuses années à l’occasion d’un déménagement ou d’une rupture, dans l’amoncellement de ses livres et de ses vieilleries, un livre qu’on avait pris le temps de lire – ou pas – en Première ou en Terminale. Je me demande même si je ne sens pas l’odeur de poussière ronde et jaunasse imprégnant le papier refermé sur lui-même pendant très longtemps ; sans doute un effet de l’âme et de l’alcool !
Je ne peux pas lire le titre du livre d’où je suis, je le regrette confusément car je ne saurais jamais si la femme est raccord avec sa lecture. J’aime bien découvrir le titre des livres que lisent ceux que je ne connais pas, on y devine un bout de leur vie, quelques désirs, des humiliations ou des frustrations. Là, je ne sais pas encore, je verrai tout à l’heure….
Elle a l’air fatigué cette femme ; d’ailleurs elle ne lit pas vraiment je crois, elle se contente de tirer des taffes sur sa clope au rythme d’une toutes les deux lignes probablement ! Comment se concentrer ainsi ?! Etonnamment tout en elle est inerte, seuls ses doigts et son bras sont animés, agités d’un mouvement demi-cerclé et nerveux qui va de ses lèvres brunes au cendrier et retour sous l’oblique du soleil et les ombres projetées et anglées des parasols.
Impossible pour moi de suivre ce rythme, cette femme m’épuise rien qu’à la regarder ! Aussi je décide de porter à nouveau mon regard au large et de retrouver un état antérieur de pachyderme, abandonnant la fumeuse et son livre atone: j’imagine juste une histoire d’Afrique et de sable ocre et saharien, cette femme semble être d’un Sud de ce genre si ce n’était sa chevelure blonde et pourtant curieusement assortie comme une pièce d’un puzzle qui aurait eu la bonne dimension mais proviendrait d’un autre jeu.
Les bleus de l’océan et du ciel se diluent lentement, je n’ai qu’à plisser les yeux pour voir apparaitre des milliers de petits points blancs comme autant d’étoiles dans l’après-midi de ma tête; puis viennent alors des pastels de couleur, un simple crayonné mauve, une tâche rouge qui s’éparpille, une conversation blanche à inventer, un acouphène blond à apprivoiser ou à détruire, le silence à vivre tout de même, une longue lame courbe que le regard caresse en évaluant le tranchant du fil, le noir qui vient, imprègne et s’installe….. Puis les images de mes photos de pluie, toutes celles prises au hasard ou voulues, toujours la même image des gouttes qui se fracassent sur le sol et l’éclatement scintillant des bulles d’eau, cent fois la même photo et la même eau dans le noir ou la lumière, la couleur ou le gris, les reflets et le brutal…. ; mille photos identiques prises et que je ne peux plus prendre depuis que j’ai déposé mon Leïca à Venise; j’ai cru un moment qu’il n’y aurait jamais de fin à cette accumulation psychiatrique, obsessionnelle et mono structurée et je sais maintenant que j’y reviendrai aux prochains nuages.
Je sens mes yeux qui se ferment, qui s’enfoncent dans ma tête ; je me donne dix secondes les yeux clos avant de quitter cette terrasse. Dix secondes, pas une de plus, je n’ai qu’à compter, c’est facile…. Un…, deux…, « Again » d’Archive me prend et foisonne dans ma tête pour fleurir arc-en-ciel…, trois…, je m’élève et je coule…, quat…, la nuit de mes yeux vient, elle est là, tout s’enfuit…
2
Catherine s’était assise sans y penser à cette table basse qui lui avait paru plus confortable que les autres, juste parce qu’elle était au soleil et que le fauteuil était encore à l’ombre. Elle aimait beaucoup les fins d’après-midi au soleil sur cette terrasse, alors elle avait commandé un thé; un thé comme celui des anglais le matin, un breakfast tea, avec un peu de lait qui ferait une fleur claire avant d’adoucir le brun caramel.
Catherine n’avait pas remarqué tout de suite la jeune femme qui était assise à côté, une même table baignée, un même fauteuil gris dans l’encore fraicheur, juste un mètre de distance pour les séparer et en faire des lieux d’ermitage et d’une sorte de recueillement quand on est seul l’été à l’océan. Catherine s’était mise à regarder les surfeurs qui rejoignaient la plage encombrés par leur planche et les filles qui inévitablement les accompagnaient ; eux roulaient des épaules et elles des hanches comme les filles des ports, une adresse claire mais une voie interdite à tous ceux qui se prenaient à les fantasmer, un allumage ouvert à tous, une gigantesque arnaque sous forme d’invite à regarder les courbes et les triangles mais à juste imaginer l’étreinte et l’orgasme….
Le théâtre était ouvert pour elle et les horizontales du décor cerné des rochers brisés s’imposaient dans leurs parallèles ; d’abord celle des immeubles, grise , puis la terrasse du casino et ses tables crèmes, la ligne marquée d’entre soleil et ombre, le Quai de la Grande Plage de marbre brun, la ligne de séparation de l’allée et du sable, l’orée dorée de la plage, les familles à parasol et enfants, puis les adultes, le sable mouillé, le battant des lames, les variétés de bleu-vert de l’océan, le flot des surfeurs remontant la mer et ceux en attente de la vague, le trait de khôl de l’horizon entre bleu et bleu, la rangée des quelques nuages étirés et enfin le ciel couleur ciel-laiteux qui revenait au-dessus d’elle la couvrir. Autant de lignes comme celles d’un cahier d’écolier qui raconteraient chacune une histoire.
L’odeur d’une Camel avait attiré son attention ; elle avait tourné la tête et avait rencontré le regard de cette femme au teint mat, à la chevelure épaisse et aux cheveux bouclés et blonds presque roux. C’est curieux comme l’odeur d’une Camel ne peut être que celle d’une Camel et pas celle d’une autre cigarette ; et comme elle vous renvoie dans la seconde à vos souvenirs et à la première fois que vous avez osé en prendre une en frissonnant de la peur et du plaisir de la transgression tellement on vous a dit que ces clopes-là contenaient de la drogue. La femme avait poursuivi sa lecture entre deux inspirations nerveuses, Odette du Puigaudeau, « Le sel du désert ». Catherine avait ça dans sa boîte à culture. Elle ne l’avait jamais lu mais elle savait que c’était une histoire de femme et de désert. Enfin, pas qu’une histoire de femme, une histoire de Femmes aussi…. . Et le chameau du paquet de Camel venait se promener dans les pages du livre de la métisse blonde… Elle avait souri en pensant à cette curieuse rencontre « mauritanienne » au pays des vieux et des russes blancs et se demanda si la femme avait eu la même idée ou si cela ne lui était pas apparu. Même sa manière d’être habillée détonnait dans cette ville retenue: des spartiates légères de cuir, un sarouel beige et une longue chemise de dentelle blanche comme on en trouve parfois chez Emmaüs ou chez les brocanteuses; aucun bijou, au moins aucun bijou apparent, remarqua t’elle en souriant. Aucun maquillage non plus sur son visage, juste les ongles peints d’une même couleur noire mate. Plutôt un assemblage qu’un accoutrement, comme le vin ou la pâtisserie pour lesquels les nouveaux composants participent chacun à la création d’un nouveau tout. Hétéroclite, cette femme était un tout parce qu’elle l’était à tous les étages jusqu’au dernier avec sa chevelure vénitienne reflet de sa peau mate et dorée.
Il lui semblait pour autant qu’elle était plus étrange qu’étrangère et si par hasard ce n’était pas elle, Catherine, qui était l’exotique vu du point de vue de cette femme qui semblait totalement fondue dans son apparence et son existence.
La fumée flottait et venait lentement vers elle pour l’envelopper ; on aurait juré que même si elle avait été de l’autre côté de cette femme, la fumée se serait déplacée pour la suivre !
« Madame…., madame…., désirez-vous une cigarette ? demanda la femme d’une voix rauque, grave. »
Catherine sortit brusquement de ses pensées et réalisa que depuis quelques minutes elle s’était perdue dans le monde supposé de cette femme et qu’elle l’avait probablement fixée outre mesure !
« Vous les regardiez, aussi j’ai pensé que…; excusez-moi si je vous ai dérangée …, je ne voulais pas.
– Ne vous excusez pas, c’est moi qui étais inconvenante. Je ne fume plus depuis longtemps mais j’ai aussi fumé des Camel ! Parfois. C’était vraiment il y a longtemps !! Merci beaucoup, vous êtes très aimable. »
Le soleil glissait, coupant les lignes de sa diagonale, et reposait désormais sur sa poitrine. Quinze degrés à l’heure, elle avait appris ça quand elle s’était crue marin et avait enchainé pendant plusieurs étés des balades hauturières. Elle

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