Régime mortel
251 pages
Français

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Description

Pourquoi donc de plus en plus d’obèses meurent-ils brutalement… alors même qu’ils maigrissent sous contrôle médical ? De quoi rendre fou le docteur Hugo Man, nutritionniste à l’Hôtel-Dieu. Surtout lorsque au petit matin il découvre le corps glacé d’une patiente dont il est tombé malgré lui amoureux. Un terrible fléau semble menacer tous les « gros » en quête de minceur : la maladie de la graisse brune. Comment la stopper ? D’où vient-elle ? D’anneaux gastriques défectueux ? De produits allégés soudain devenus toxiques ? Et comment expliquer qu’elle soit si répandue ? Un complot ? Le docteur Man se met en chasse.Énigmes, coups de théâtre, machinations industrielles, vengeances familiales : toutes les composantes d’un suspens haletant au cœur de l’un des enjeux de santé les plus importants aujourd’hui. Quand maigrir tue…« Le thriller à base de techno-science n’est plus une exclusivité anglo-saxonne ! » Dominique Leglu.Médecin, radiologue et échographiste, Éric Nataf s’est imposé, avec Autobiographie d’un virus et Le Mal par le mal, comme le maître du thriller médical à la française.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 avril 2008
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738194824
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, AVRIL 2008
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9482-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Léo
Canon scié

Falaise, juillet 1944, dernières heures de l’occupation allemande.
Je suis épuisé. Mon uniforme est maculé de boue. Tant de camarades sont morts. J’avance sur la voie principale, titubant, hagard, zigzaguant entre les sifflements de balles tirées on ne sait d’où, pour tuer je ne sais qui, au petit bonheur la malchance. Que reste-t-il de notre vigoureux pas de l’oie, à présent qu’on nous canarde à tous les coins de rue ? Je n’ai même plus la force de lever le pied pour enjamber les cadavres, les décombres. Mais tant bien que mal, j’avance, je progresse vers la maison de mon ami. Je ne reconnais plus ce gros bourg. Lorsque nous nous sommes installés ici, il y a quatre ans, c’était une petite agglomération pimpante, avec ses géraniums aux fenêtres, ses vaches grasses qui allaient brouter aux champs. À présent, j’erre parmi les bâtisses éventrées, les cuisines ouvertes sur le ciel et les chambres à coucher gisant dans les caves.
Tout ce gâchis est notre faute, nous l’avons suivi comme un seul homme, et chacun de nous porte sa part du fardeau. Nous sommes tous des confettis de responsabilité. Heureusement, les hommes sont sans mémoire, seule l’Histoire se souviendra. Demain, nous serrerons des mains que nous aurions coupées la veille, nous passerons affectueusement les doigts dans les cheveux d’enfants qu’hier nous aurions débusqués, arrêtés, envoyés à l’Est, en masse, par convois. « Réveillez-vous, les petits, ce n’était qu’un mauvais rêve. »
5, Grand-Rue : seule une porte est restée debout, avec sa peinture verte, un seuil ouvrant sur le néant. Ici vivait un homme. Nous avons torturé sa femme, elle est morte dans le silence. Lui, nous ne l’avons jamais retrouvé. Nous savions pourtant, par un bavardage d’un voisin indélicat, qu’il était à l’origine de l’explosion de notre premier panzer. Au 9, la maison est intacte. Un rideau bouge, tremblant. Je reconnais la main potelée de Mme Ferrand, qui nous approvisionnait en œufs frais. Je sens passer son regard sur ma nuque, qui frissonne.
Où est donc passée l’Allemagne de mon enfance ? C’est celle de mon adolescence qui a commis tout ça, violente, hormonale, en mal de Lebensraum, hypnotisée par son destin, par la force du verbe. Je perçois un choc sur mon casque, un autre sur ma vareuse. Je me retourne, trois gamins me suivent, tenant entre leurs doigts rageurs et noircis par la crasse des cailloux, sans doute des fragments de maisons en miettes. Je ne sens pas la douleur, je la mérite. Je pourrais tourner ma mitraillette vers eux, leur briser les jambes, en faire des infirmes à vie, j’ai déjà fait ça. À quoi bon à présent ? La messe est dite, et leur courage me semble bien dérisoire, comme cette population hypocrite et lâche dont ils sont issus. Je me mets seulement à couvert.
La canonnade se rapproche. Je continue de progresser. Notre VII e armée a cessé de se battre. Le sol vibre déjà des blindés de Montgomery ou de Patton. Dans mon sillage, à une cinquantaine de mètres, je sais que mon aide de camp me suit. C’est un brave garçon, qui lui aussi essaie de sauver sa peau. Sa fiancée l’attend dans Berlin en ruine. Peut-être est-elle mourante, la cuisse coincée sous le mur de quelque immeuble construit sous Bismarck, perdant son sang. Bientôt, si nous échappons à cette traque, nous serons faits prisonniers de guerre. Et nous serons protégés par la III e  Convention de Genève que nous avons signée pour la bafouer, la fouler aux pieds. Elle ne s’applique pas aux populations civiles. Rien ne protège les populations civiles.
Au fond du village, il y a une grosse bâtisse, une ferme cossue dont les épais murs tiennent encore debout. C’est l’endroit où je vais. Voilà plusieurs semaines que je ne les ai pas vus. Depuis que nous avons été acheminés vers les plages du Cotentin pour contenir le déferlement allié, j’ai perdu la notion des jours. Mon ami Jean m’attend. Je sais que lui me protégera, il me livrera aux Anglo-Américains sans me faire de mal. Je suis le parrain de son gamin, et je suis aussi l’amant de sa femme Émilie. Belle et douce Émilie, mariée de force, sacrifiée contre son gré aux intérêts de deux familles de rentiers. L’amour ne s’achète pas, il se donne.
Je cogne à la porte.
– Qui va là ?
Je reconnais Marthe, la gouvernante, sa voix puissante.
– C’est Karl.
La lourde porte en chêne pivote. Prospérité. Mystère. Je me retrouve dans la cour, un bel espace rectangulaire où se déplacent librement poules, canards, oies. Un brusque trou dans les nuages qui s’effilochent et les rayons obliques de l’astre solaire me frappent le visage, comme des rideaux de théâtre qui s’ouvrent. Avancent à ma rencontre, à contre-jour, Jean, Émilie et puis mon filleul, le petit Marcel, qu’elle tient solidement par la main. C’est fou ce que ce gosse m’est sympathique. De ces trois formes qui font bloc, la plus imposante est sans conteste la silhouette de Jean, qui doit peser plus de cent kilos. C’est bien le seul habitant du bourg qui s’est engraissé pendant cette période. Nous avions quelques gros à Düsseldorf, ma ville natale. Mon père m’a toujours enseigné que leur graisse était le fruit de leur abandon, qu’ils étaient pour cette raison des êtres méprisables. Mon grand-oncle faisait partie des membres fondateurs du club des gymnastes. Dans notre famille, les gros ont toujours été considérés comme des Untermenschen . Depuis, j’ai appris que la graisse pouvait parfois être la manifestation visible d’un formidable appétit de puissance.
Je fais un signe fraternel, j’ouvre les bras à l’attention du petit Marcel, qui s’élance à ma rencontre sitôt qu’il m’a remis. En tenue de combat, j’ai sans doute de quoi faire peur, mes hardes de soldat défait doivent me rendre méconnaissable. Soudain, je comprends qu’il se passe quelque chose d’anormal. Émilie retient son marmot avec une sorte d’effroi dans le geste. Avec ce satané soleil dans les yeux, je ne peux distinguer l’expression de leur visage. Tout ce que je discerne, c’est l’arme que Jean brandit dans ma direction, un cadeau que je lui ai fait jadis, aux premiers temps de notre amitié. Je savais que cela lui ferait plaisir, qu’il s’en servirait pour chasser le sanglier. J’avais déjà les bras en l’air, je pose ma mitraillette au sol, par réflexe. Aujourd’hui, le canon me paraît plus court que jadis.
– Jean, Émilie, que vous arrive-t-il ? C’est moi, Karl, votre ami.
Première partie
Renée

Lorsque Bérénice a débarqué dans ma vie, j’avais un gros découvert bancaire. Dépenser trop, accumuler les kilos : tout part d’une espèce de boulimie. Dans un cas on brûle, dans l’autre on stocke ; dans les deux, on a du mal à se retenir.
Bérénice arriva un lundi, en fin d’après-midi, par une de ces journées hésitantes de début novembre, à cheval entre la rentrée qui déjà s’éloigne et les fêtes de fin d’année dont l’aura n’est pas encore perceptible. Un no man’s time . Le ciel était sale, mais qui donc le regarde, en ville, dans l’hémisphère Nord, lorsque l’automne a déplumé les arbres et que la nuit tombe à 17 heures ?
Bérénice Lenoir était la dernière patiente inscrite sur la liste de mes consultations. Son nom avait été griffonné à la diable par une secrétaire. Elle était en retard, elle avait dû se perdre dans les couloirs ou bien, comme c’était souvent le cas pour une première consultation, elle avait renoncé. Admettre qu’on fait partie de la catégorie des plus de cent kilos, barrière fatidique, n’est pas chose si simple. Et puis, les demandes de prise en charge s’allongeaient dangereusement, proportionnelles au poids de la population, mais les budgets restaient au régime sec. Nous étions quatre chefs de clinique à tenir la boutique ; il en aurait fallu une dizaine. Les listes d’attente dissuadaient les plus hésitants.
La patiente précédente, une sorte de pachyderme essoufflé dont les genoux disloqués avaient renoncé depuis des lustres à la porter, s’était éclipsée depuis longtemps déjà. Enfin, je ne sais pas si le mot est bien choisi. Le grincement caractéristique de son déambulateur associé au claquement sec de l’oxygène s’engouffrant dans ses fosses nasales trop déshydratées avait fini par s’éteindre. Je me remémorai son histoire, un scénario qui faisait hélas partie de mon quotidien.
La biographie de Renée Michaud, 70 ans au compteur, avait de quoi faire pleurer dans les chaumières. Un vrai mélodrame : la graisse comme équivalent adipeux de la souffrance. Et le poids de la vie. Elle avait été mannequin au Bon Marché dans les années soixante, mais il était difficile de croire qu’elle avait eu jadis la taille d’une guêpe. Fraîchement arrivée de province pour tenter sa chance à Paris, elle est recrutée sans difficulté au département haute couture du grand magasin de la Rive gauche. Le prêt-à-porter était encore balbutiant et les icônes en silicone qui nous singent dans les vitrines venaient à peine d’éclore. Afin de remédier à la carence, on payait de toutes jeunes filles pour défiler devant de grandes bourgeoises. Renée est de celles-là.
Elle tombe follement amoureuse de son directeur comme on peut l’être à 17 ans, est une première fois enceinte, mais se fait plaquer. Issue d’une famille rigoriste, affectivement isolée, elle ne

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