Rapatrieurs de Grue
388 pages
Français

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Rapatrieurs de Grue , livre ebook

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Description

Voici la trajectoire croisée de quatre personnages fracassés par la vie, tentant de raccrocher par tous les moyens les wagons du train de la société, lancés à pleine vitesse. Mus par l’amitié, l’amour, la haine, et animés d'une puissante énergie, celle du désespoir, ils ne vont reculer devant aucune folie pour parvenir à leurs fins.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 11 juillet 2017
Nombre de lectures 6
EAN13 9782414084500
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-08448-7

© Edilivre, 2018
Prologue
Quand je les ai vus surgir de l’ombre, j’ai immédiate­ment pensé à une meute de loups, dont la faim aurait réveillé les ardeurs guerrières, les arrachant peu à peu de la torpeur monotone dans laquelle ils se vautraient depuis trop longtemps. Ils émergèrent les uns derrière les autres, surpris et presque aveuglés par la lumière crue de cet après-midi d’été.
Du calme, je me suis dit, et j’ai continué à examiner la topologie des lieux. J’ai néanmoins levé un œil au-dessus de mes plans, et j’ai bien sûr remarqué le plus petit des cinq me désignant ostensiblement de son index. Des gosses, j’ai jugé. De loin ils n’ont pas l’air bien méchant.
De loin.
J’ai continué à avancer vers ma voiture, l’air faussement absorbé par mes relevés, marquant même une assez longue pause pour observer le quartier.
Mais qu’est-ce que je fabriquais dans ce trou ?
Je me trouvais au cœur d’une cité, une sorte de forteresse gardée par des tours d’immeubles, vigies sombres et silencieuses, avec plantées au centre, en guise de remparts, quatre barres de logements, bétonnées jusqu’aux fenêtres. Je n’avais pas le choix : si je voulais éviter au convoi un détour de plusieurs dizaines de kilomètres, il me fallait impérative­ment passer par ici. La large rue séparant les blocs, me permettrait de manœuvrer sans encombre la grande flèche de la grue.
Pourtant, petit à petit, je ne regardais plus mes notes. Je réprimai un frisson, voyant arriver cette bande d’éner­gumènes, qui, se rapprochant, m’apparaissait de plus en plus vindicative. Apercevant ma voiture stationnée à quelques pas l’autre côté de la rue, je traversai nonchalam­ment, (du moins je l’espérais), et me rassurai en songeant aux cent mètres restant à parcourir.
Cent mètres.
Mon répit fut de courte durée, le gringalet de la troupe emprunta une trajectoire identique en me fixant durement. Bientôt suivi par les autres, il me maintenait implacable­ment emprisonné dans son champ de vision.
Ils me coupèrent la route.
Maintenant ils sont là.
L’heure n’est plus à la simulation : sans avertissement le danger immédiat vient de prendre, possession des lieux, transformant l’air autour de moi en magma quasiment irrespirable.
« Tu vas où mec ? »
Quinze ans.
Il ne doit pas avoir plus de quinze ans. Des yeux vicieux, un sourire de fauve. Une haine palpable suintant de ses pores boutonneux. Son tatouage de serpent lui remonte du torse pour s’épanouir sur sa gorge, dans une posture si réaliste que le reptile semble prêt à l’attaque.
Effrayant.
Les autres derrière lui, sourient, sans rien dire, comme indifférents à la capture d’une proie si facile.
« J’ai fini mon boulot, les gars, et je regagne le bercail. Dure journée. »
A ma grande surprise, ma voix ne tremble pas. J’ai le ton ferme et assuré : après tout, ce n’est qu’une bande de gosses !
Je fais un pas, histoire d’afficher mon assurance, quand j’entends :
« Tss… tss, reste la ducon. »
Le balaise s’invite à la fête  : il entre à son tour dans la danse. Énorme, probablement deux mètres, le quintal, et un faciès d’adolescent tranquille.
Là, je me dis que c’est foutu. Je vais prendre une dé­rouillée, et me faire dépouiller de mes maigres possessions. Autant dire qu’à par un portable, pas grand-chose.
Je tente un dialogue :
« Écoutez les mecs, – je ne suis plus aussi convaincu par la fermeté de mes intonations – je ne veux pas d’em­brouilles, je veux juste rentrer chez moi. »
Le petit vicelard crache par terre, et secoue la tête :
« Alors qu’est-ce que tu fous dans le quartier ? Tu repères quoi avec tes cartes et tes plans à la con ? »
« Un passage pour une grande grue. Cette rue me paraissait au poil. »
Je n’ai pas vu partir le pied du gamin, mais je sens mes papiers s’envoler, arrachés de mes mains par une bourras­que violente soufflant du bas. Je regarde les feuilles conte­nant mes notes planer un peu, puis atterrir délicatement sur un morceau de pelouse pelée, jonchée de merdes de chiens.
Quand l’éclat de rire bestial s’échappant de la horde s’apaise, l’un d’eux gueule :
« Eh Lazare, la prochaine fois fais lui voler sa tronche à ce vieux débris !! »
Lazare ??
Son pied n’a pas semblé bouger, son mouvement s’est accompli avec une prodigieuse sveltesse, il a fouetté les papiers plus qu’il ne les a frappés, cependant j’en suis certain, s’il voulait m’écraser le visage, je n’aurais pas le temps d’esquisser le plus petit geste.
Calme, calme, je me dis, pourtant mon cœur s’emballe, ma gorge s’assèche comme un morceau de fer blanc, et une vilaine sueur perle sur mon front. Malgré des jambes tremblantes, je n’ai pas d’autre choix : je dois parlementer, le temps peut être qu’un hypothétique secours se manifeste.
Mais la cavalerie n’intervient-elle pas toujours trop tard ?
Telles des hyènes, l’odeur âcre de ma peur les excite. J’entends leur voix en fond sonore déversant des insultes alors je m’efforce de ne pas les comprendre, de ne pas réagir.
Surtout, ne pas laisser saillir la moindre aspérité, le moindre prétexte.
« Qu’est-ce que vous voulez ? Je n’ai rien sur moi à part un téléphone. Il vous intéresse ? »
Je suis pitoyable, mais mon esprit figé ne me propose aucune autre solution pour sauver ma peau. Je me connais, il n’est pas question de rendre les armes aussi facilement, mais quelles chances réelles ai-je de m’en sortir indemne ?
Gagner du temps.
Un autre prend la parole :
« On veut juste s’amuser un peu papy, on s’en tape de ton 06… Espèce de connard, tu crois que tu vas nous avoir avec ça ? J’ai même l’impression qu’il ne faudra pas te bousculer beaucoup pour obtenir ton code de carte de bleue ! »
Celui-là, c’est la première fois qu’il s’exprime, et je panique. Ce n’est plus un gamin, il doit avoisiner les vingt ans, sa peau noire est constellée de taches de dépigmenta­tion, et si ma situation n’était pas aussi grave, je le surnom­merais Panda…
Ce n’est pas le moment de jouer au malin…
« Je n’ai pas de carte bleue, je dis, je sors du boulot, je n’ai que mes papiers là » j’ajoute en désignant le bout de terre faisant office de toilettes pour chiens.
Panda se retourne vers les autres, hausse les épaules, puis s’adressant à Lazare :
« Qu’est-ce que t’en penses ? Et si on le foutait à poils ? »
Lazare a un drôle de petit sourire, puis, je ne parviens pas à analyser ce que je ressens le plus violemment : le crachat ou la gifle à pleine volée me propulsant deux pas en arrière.
« Tiens prend toujours celle-là en attendant ! » ricane le gamin.
« Défonce le Lazare ! Après on ira chez lui ! » braille le monstrueux.
Je suis secoué, ma joue me brûle, et je sens la salive visqueuse dégouliner lentement sur ma tempe, m’impré­gnant de son humiliation poisseuse. J’ai envie de dégueuler, je me retiens et j’essuie ce venin d’un revers de la main, en murmurant :
« Bande d’enculés. »
« Qu’est-ce qu’il dit le puant ? » siffle le troisième larron.
Cette fois c’est foutu, la violence à fait sa brutale appari­tion, et plus rien ne l’arrêtera. Je n’ai plus peur maintenant, et je suis gagné par une soudaine sérénité, le calme avant la tempête.
L’hallali.
Merde, c’est ici que je vais crever, sur ce trottoir, dans cette cité pourrie ?
En vacillant, je recule de deux pas, tandis que mes adversaires avancent de même, réduisant ainsi la distance nous séparant.
A portée de coups.
Lazare, un rictus dédaigneux aux lèvres, se met à sautiller sur place, très vif sur ses appuis, les mains légère­ment relevées.
Un cobra.
Je me décale légèrement sur le côté, et abandonne sur le bitume ma sacoche pleine de documents, encore accrochée sur mon épaule, oubliée.
« Oh ! Oh ! Crache Panda, on dirait qu’on va rigoler ! »
Perdu pour perdu, j’ai pris une décision suicidaire : me ruer sur le plus costaud d’entre eux pour tenter de l’étrangler.
Frapper le plus impressionnant. Toujours.
Je fixe le monstre, et je balance :
« Ramène-toi gros lard ! »
Je jure qu’à ce moment-là, je vois son regard changer.
Imperceptiblement.
Il doute. Une seconde. Une seule.
Assez longtemps pour déstabiliser Lazare, perturbé par ce léger flottement, le contraignant probablement à retenir le coup qui s’apprête à me décapiter.
Suffisamment pour que dans l’étrange silence s’insta­llant, on entende le crissement de pneus de la voiture butant violemment sur le trottoir d’en face.
Trop tard pour agir. La porte de la camionnette s’ouvre, et la voix de Dan Royackers claque comme un fouet :
« Bon Dieu qu’est-ce qui se passe ici ? Tout va bien Robert ? »
« T’arrive pile au bon moment, Dan, pile… » je bredouille.
Un bonheur stupide m’inonde, et j’étouffe un sanglot. Je suis sauvé, vivant, et finalement, pas si ridicule que ça au regard de mon amour propre, déjà bien chahuté.
Fracassé.
Pas anéanti.
D’un souffle, je laisse échapper la pression me compri­mant la cage thoracique, desserrant lentement l’étau broyant mon larynx, puis ma salive réhydrate peu à peu mes muqueuses asséchées.
Avant que le cataclysme ne se déchaîne, j’ai le temps de me demander : comment ai-je pu en arriver là ?
 
Six mois auparavant
1
« Vendre ?!! j’ai hurlé, m’étranglant à moitié, ce n’est pas possible ! Cette maison est tout ce qu’il me reste ! Bande de charognards ! Vous ne m’aurez pas aussi facilement !! »
J’ai raccroché violemment le combiné pulvérisant à demi le socle de l’appareil. Je m’en fichais, bientôt il ne m’appartiendrait plus, à l’image du reste du mobilier ayant survécu au désastre.
Ce n’était pas le premier huissier me mordant les fesses, mais celui-là avait vraisemblablement décidé de porter le coup de grâce. Je pensais m’en sortir et sauver le dernier vestige

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