Quiterie
190 pages
Français

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Description

Intrigué par la rencontre inattendue d'une vieille dame à l'allure de miséreuse, le narrateur part en quête de l'identité de cette personne dans son village natal, mais ne peut réunir que des bribes d'informations. Il cherchera à la rencontrer et elle lui remettra un récit qui raconte son histoire, lui laissant le soin d'en faire ce qu'il voudra après un délai de vingt ans. Qui est-elle vraiment ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 mars 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334111263
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-11124-9

© Edilivre, 2016
Dédicace


Je dédie ce livre à
Mon épouse Weixin,
Ma fille Emilie,
A mes petits enfants, Emma et Alexandre.
Quiterie
 
 
Septembre 1962
Je venais d’être victime d’un accident de voiture qui m’avait valu un mois de convalescence. J’avais quitté Paris sans regret, me réfugiant dans la ferme familiale corrézienne où ma mère était ravie de retrouver son enfant unique parti exercer sa profession de postier dans la capitale. Je ne pouvais accomplir aucun effort physique jusqu’à ma guérison complète. Cela me convenait, car je n’avais jamais eu d’attirance particulière pour les travaux de la ferme. J’ai gardé un souvenir amer de ces travaux forcés pendant les vacances scolaires d’été de ma jeunesse qui coïncidaient avec les tâches immuables de cette saison : la fenaison, la moisson.
Le choix de l’été pour les grandes vacances scolaires a été fait pour permettre aux agriculteurs de disposer d’une main-d’œuvre gratuite, mais indispensable, la mécanisation n’étant intervenue qu’après 1960 et plus que timidement en Corrèze ! Je me revois, âgé d’une douzaine d’années, grimpé sur la charrette tirée par deux grands bœufs, sous une chaleur étouffante, noyé dans une poussière odorante dégagée par les énormes fourchées de foin déposées par mon père et mon grand-père qui m’ensevelissaient et me transformaient en un épouvantail grisâtre avec mon chapeau de paille me laissant une marque blanche sur le front. Je tassais le foin avec mes pieds munis de sandales et mes jambes nues, piqué par les tiges sèches de fétuque et les feuilles de quelques graminées particulièrement agressives ! Ce n’était rien à comparer avec l’étape suivante, le déchargement dans le fenil où en plus régnait la chaleur de l’enfer, chaleur dispensée par le foin préalablement accumulé et le toit d’ardoises de la grange chauffé à blanc par un soleil impitoyable. Trois semaines environ d’un travail intense, parfois interrompu par un orage. Il fallait alors se dépêcher de faire des meules arrondies, bien peignées pour que la pluie ruisselle en surface en épargnant la plus grande partie du foin presque sec. Le lendemain, si le soleil était revenu, on étalait à nouveau ce foin pour qu’il sèche. Si la pluie se prolongeait, pendant le ramassage s’ajoutait une odeur de moisi fort désagréable.
Heureux enfants des villes qui n’étaient pas soumis à un tel régime, pensais-je. J’ignorais alors qu’ils avaient, eux aussi, des contraintes tout aussi déplaisantes que les miennes, parfois pires. Seuls les enfants des riches disposaient de vraies vacances.
L’autre tâche qui elle, me convenait était de garder les vaches au « pacage », une prairie sauvage qui n’était jamais fauchée où poussaient des ajoncs et des bruyères en bordure d’un ruisseau. Muni d’un livre, je m’évadais dans l’histoire, oubliant de regarder les animaux. En fait, c’était plutôt eux qui me gardaient. Ma chienne qui m’accompagnait, la plupart du temps faisait le nécessaire pour qu’une téméraire n’aille pas goûter les récoltes du champ attenant. Je me souviens de quelques « engueulades » paternelles lorsqu’une partie du troupeau s’attardait dans le champ d’avoine. Au mois de novembre, mon père ramassait des fougères et des bruyères qui allaient servir de litière aux bêtes de l’étable, pour épargner le faible stock de paille. Monter dans la charrette pour les tasser, même chaussé de bottes, relevait du supplice. Les bruyères égratignaient les jambes nues. Les vaches de la ferme se couchaient sur une couche de ces plantes, mais elles, elles avaient un cuir qui les protégeait ! Après usage, cette litière alimentait le tas de fumier qui ornait le devant de chaque étable, se bonifiant après fermentation pour nourrir la terre lors des labours, l’engrais naturel de l’époque. Le « curage » des vaches, expression consacrée en Limousin pour enlever cette litière enrobée de bouses et d’urine dégageait une odeur persistante qui prenait à la gorge. Mais une fois épandue dans les champs ou les prés, elle perdait rapidement son odeur. Le lisier des cochons, lui dégage une odeur acide persistante qui pénètre même dans l’habitacle des voitures qui passent à proximité ! Qui n’a pas connu cette expérience !
J’ai gardé le souvenir de la corvée de ramassage des pommes de terre ou des topinambours. Les machines dévolues au ramassage de ces tubercules n’étaient pas encore inventées ou si elles existaient outre Atlantique, elles n’avaient pas encore traversé l’océan ! Les topinambours servaient de base pour la nourriture des cochons après cuisson dans un immense bac ! C’était la tâche dévolue à ma grand-mère, la Françoise. Je hais ces tubercules : je n’aime pas leur goût douçâtre et le sentiment d’humiliation qu’ils me valurent ! Je vous le conte afin que vous aussi puissiez rire de moi.
Un souvenir cuisant est toujours présent dans ma mémoire : c’est l’un des plus anciens. Un dimanche de septembre – oui on me faisait travailler le dimanche – c’était jour de fête au village. Je devais avoir sept ou huit ans, toute la famille s’était attelée au ramassage de ces fameux topinambours, moi y compris. Ayant plus envie d’aller à la fête que de ramasser ces tubercules, je mettais une mauvaise volonté évidente à accomplir ma tâche : mon père s’en rendit compte et me fit quelques réflexions qui n’eurent que peu d’effets. Au bout d’un moment, il sortit son couteau qui, en bon paysan, ne quittait pas sa poche, me le tendit et me dit :
– Va couper une fine baguette de noisetier dans la haie.
Tout heureux d’échapper à ce travail fastidieux et salissant, je pris le couteau et me précipitait pour exécuter son ordre. Je pris mon temps pour choisir un rejet bien droit, le coupait bien soigneusement, l’effeuillait et le rapportait à mon père avec son couteau soigneusement replié. Il me dit : « merci », rangea son couteau et prit la baguette, la regarda attentivement et me dit : « c’est très bien » et avant d’avoir discerné son intention, il m’administra un coup sur l’arrière des cuisses : « maintenant, tu vas les ramasser ces topinambours ! ».
Le coup n’était pas très violent, mais s’il me laissa pendant quelques minutes qu’une trace rougeâtre sur ma peau nue, il grava une cicatrice indélébile dans ma tête puisque je peux vous la narrer près de soixante ans plus tard. Je me précipitai en pleurant dans les jupes de ma mère alors que je voyais poindre sur les visages de mes grands-parents et de mes géniteurs un sourire narquois. Ma mère passa sa main dans mes cheveux et me dit :
– Va ramasser sinon ton père va t’en donner un autre !
Tout en pleurant, je me remis à l’ouvrage, vexé de m’être laissé ainsi piéger. Cela a eu une conséquence inattendue : les topinambours sont devenus un légume ancien auréolé d’une aura écologique que l’on retrouve sur les étals des supermarchés, mais j’ai toujours refusé d’en acheter. Est-ce le souvenir cuisant de cette journée ou d’avoir associé topinambours et nourriture pour les cochons, le fait est que je hais les topinambours bien que mon signe astrologique chinois soit le cochon ! En fin d’après midi, le travail achevé, ma mère m’emmena à la fête, mais elle n’eut pas la saveur des autres fêtes du village de mon enfance.
Mon père, André, a disparu depuis des années, mais outre cette fois-là, c’est la seule où il a porté un coup sur moi. Je garde une image en mémoire : lui devant son attelage, une aiguillade sur l’épaule, longue tige bien droite de noisetier de près de trois mètres où l’on insérait à un bout un mince clou sans tête et qui servait à piquer légèrement l’attelage au niveau des cuisses arrières pour les inciter à avancer plus vite, sa chienne Finette grimpée sur la charrette mordant doucement le haut de la queue des bœufs toutes les fois qu’ils ralentissaient le pas. Autant que je me souvienne, ils portaient les noms de Rouge et de Mouton. Ce dernier était une bête paisible travaillant à la voix alors que le Rouge était un cossard et un peu sournois ! Il fallait le solliciter sans cesse et Finette avait particulièrement l’œil sur lui, le gratifiant de son coup de dent quand il avait tendance à freiner l’attelage. Je revois ces bêtes puissantes, de race limousine avec une robe rouge orangée, liées ensemble par un joug en bois dont les longues lanières en cuir s’enroulaient savamment autour des cornes épaisses et des chevilles du joug. Taillé dans une seule pièce de bois pour sa solidité, il était adapté à la morphologie des bœufs, disposant en son milieu d’un anneau de cuir tressé permettant d’insérer le timon de la charrette ou des matériels agricoles tractés comme les charrues et les herses entre autres. Mon père n’a jamais utilisé un tracteur et il a été un des derniers agriculteurs du Limousin possesseur d’un tel attelage. Revenant d’un champ par la route, une voiture s’arrêta. Un homme muni d’une caméra le filma. C’était les actualités régionales de Limoges et il a figuré dans le générique des informations régionales du soir pendant des années. L’apparition durait aux alentours d’une seconde, mais je crois qu’il en éprouvait une certaine fierté !
Cette parenthèse tournée, je reviens à ma convalescence. Passé les trois premiers jours où je me reposais toute la journée, le beau temps de cet automne m’incita à reprendre, doucement, un peu d’activité physique. Je sortis mon vélo de la remise, un vélo mixte de couleur corail que je n’avais pas utilisé depuis des années, le nettoyais et réparais un pneu crevé avec l’intention de faire quelques promenades à l’allure d’un facteur, même pas celle d’un cyclotouriste. Le relief très vallonné du Limousin s’avéra assez pénible et la première sortie d’une

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