Quand Maria chantait...
216 pages
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Quand Maria chantait... , livre ebook

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Description


Quand Maria Chantait...


Avec beaucoup de poésie l’auteur nous transporte dans un petit village de Calabre.


« Seulement quand elle peut, elle raconte qu’elle savait chanter, que le travail n’était que fatigue, qu’elle aimait le fils du compère et qu’elle sent la vie s’en aller en emportant un désir de chant inachevé. »


Dans des chroniques douces amères, il nous dépeint le quotidien de cette vie parfois dure. Avec « Le commerçant », nous découvrons un personnage fort malin, le jour où il piégea le maréchal des carabiniers qui se servait un peu trop allègrement à son goût dans le sac d’arachides ! Dans « L’éducation », une matrone enragée décide de corriger une bonne fois pour toutes un jeune garçon indiscipliné, mais les principes des adultes pour dresser les enfants peuvent se révéler parfois bien trop funestes.


En parcourant le siècle dernier avec l’espoir de conserver une humanité dans « l’économie monde », Sandro Taverniti donne à ses récits une couleur discrètement universelle. On imagine aisément d’autres petits villages, ces lieux d’où l’on émigre et vers lesquels la pensée nous entraine sans cesse

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 décembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414122639
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12261-5

© Edilivre, 2018
Titre original « Quando Maria Cantava… »
2000 aux éditions il Coscile, Castrovillari (CS)
Corso Garibaldi, 114 – tel / fax 0981.22632
e-mail : ilcoscile@aec.calabria.it
www.aec.calabria.it/ilcoscile/

Photo de couverture de Giuseppe Gozzi
Exergue

« Ceux qui n’ont pas de racines, et sont cosmopolites, s’en vont vers la mort de la passion et de l’humain : pour ne pas être provincial il faut avoir un village vivant en mémoire, vers lequel la pensée et le cœur retournent toujours de nouveau, et que l’œuvre de science ou de poésie remodèle en voix universelle. »
(E. De Martino, L’ethnologue et le poète )
Lieux
À l’auberge
Dans la taverne enfumée, des lanternes noires pendaient au-dessus de trois petites tables de guingois brinquebalantes sous les grosses cruches de vin décolorées.
À l’une des tables, depuis longtemps et avec toujours plus d’acharnement, des étrangers buvaient, pressant des morceaux de pain sombre sur les restes d’un hareng fumé. D’après les vêtements qu’ils portaient, ce devait être des charbonniers.
Le vigilant aubergiste se demandait comment et quand il réussirait à fermer la boutique, et par-dessus tout, à se faire payer la note.
Dehors, le temps se faisait plus mauvais ; de violentes rafales de pluie transperçaient un brouillard léger et glacé, les routes privées de pavement étaient désormais des bourbiers, la lumière du dernier lampadaire résistait étrangement au-dessus de la fontaine, en projetant des ombres multiformes. À force de boire, les étrangers élevaient la voix, les paroles à tort et à travers fusaient plus souvent, et, toujours moins crédibles, étaient les excuses cérémonieuses que le plus vieux d’entre eux adressait à l’aubergiste et aux autres clients.
De temps en temps, détachant la lanterne du crochet, un des charbonniers se penchait à la porte pour vérifier les mules attachées sous l’auvent et les fardeaux couverts d’épaisses bâches. En passant devant les deux autres tables, il disait qu’il contrôlait aussi dans l’intérêt de tous ceux qui étaient là, parce que si le chargement venait à manquer, ou Dieu nous en garde ! un mulet, ils auraient été obligés de se faire entendre, de se donner à faire, de… se retourner vers quelqu’un. Parce qu’ils étaient des étrangers, certes, mais des gens également rapides, qui savaient y faire et s’en sortir dans toute situation.
En s’asseyant, ils ne manquaient jamais, l’air menaçant, d’ajuster quelque chose à la ceinture, sous les courts blousons sombres, en lançant des regards torves et des sourires narquois alentour.
Un des métayers d’une table à côté, connu au village pour avoir beaucoup de bon sens et une peur rare, regardait tranquillement à travers la porte mal fermée, attendant qu’il s’arrête de pleuvoir pour rentrer, parce qu’il était déjà tard et qu’à l’aube il devait descendre à l’étable, mais aussi parce que ces étrangers désormais ivres de vin cherchaient des noises et il ne voulait en aucun y être mêlé, pour ne pas se compromettre.
Il était, par ailleurs, pratiquement à la fin de la moitié du toscan qu’il dégustait avec soin tout en aspirant lentement de la petite pipe d’argile noircie, quand une invitation de l’aubergiste non acceptée fit s’élever les voix, partir les premières insultes et renverser quelques chaises. L’aubergiste ne se laissa pas intimider, répondit du tac au tac, les invita à s’en aller et à payer l’addition et dit clairement qu’il s’étonnait du comportement tenu par des hommes de leur âge. Il avait à peine terminé, quand tournoyèrent les premiers coups de poing et qu’apparut un couteau entre les mains des étrangers qui gagnèrent rapidement la sortie.
La vue de l’aubergiste ensanglanté gisant à terre déchaîna une colère muette enragée chez le métayer. Il sortit à la suite des fugitifs s’emparant d’un gros joug à bœufs posé dehors contre une étable contiguë à l’auberge, et quand il les atteignit il en fit de la litière. L’homme était grand et très robuste et le joug très dévastateur quand il s’abattait vigoureusement sur les membres des malchanceux.
Un des charbonniers resta mort sur le terrain devant la fontaine pour un rien, une envie de se faire valoir, un exutoire à la violence accumulée pendant de longues années de la répétition de journées épuisantes, pour l’ennui, la famille éloignée, la volonté inavouée de ne pas payer l’addition du vin, la prétention de s’en sortir gratuitement et s’en retourner en toute sécurité dans les bois.
Le cadavre perdit longuement son sang que la pluie mêla d’abord aux couleurs de la terre des mines et ensuite emporta complètement.
Quand les policiers enlevèrent le cadavre, qu’un car transporta dans la lointaine maison, il ne resta aucune empreinte sur le sol et on discuta longtemps de ce que fut sa position précise.
Le récit oral rapporta une bravade punie de façon exemplaire, l’entreprise d’un métayer énorme et un sévère avertissement à rentrer tôt le soir… parce que la nuit ne réserve rien de bon aux honnêtes pères de famille.
L’auberge, tout de suite après, se fit un peu plus sombre et fut moins fréquentée.
Puis la fumée habituelle revint à travers les lanternes, tout comme le relent des harengs et les haleines acides lourdes de vin.
Un vieux à la barbe drue et blanche et avec une sempiternelle pelisse militaire attachée tant bien que mal autour du cou, postillonnant, et stimulé par l’offre de quelque verre, raconta pendant des années avoir été de cette soirée-là. Et clignant de l’œil concluait en s’exaltant : « Ça, c’était une époque ! Pour des hommes à poigne… Et aux conséquents attributs virils. »
Le métayer s’attira un respect éternel et purgea de nombreuses années de prison. Une fois dehors, il ne s’en repentit jamais ni ne s’en vanta.
Le proverbe, qui conseillait de « couper les pieds » aux étrangers, eut une confirmation supplémentaire et le village vécut plus fermé et plus uni.
« By lupus »
Le distingué comité d’organisation des fêtes patronales se convainquit, finalement, de la nécessité de restaurer les statues des saints, à commencer par les bois peints, en donnant naturellement la priorité au Très Saint Salvatore.
Le restaurateur travailla avec acharnement, et bien, afin de pouvoir rendre la statue à temps pour les festivités d’août et la population se rendit massivement à l’entrée du village se pressant aux bords de la route pour attendre le Saint et évaluer le travail effectué.
Comme on peut aisément l’imaginer, l’attente était grande. Les doutes se propageaient de ceux, nombreux, qui s’étaient opposés même au déplacement du Saint hors de l’église, évoquant de vieilles histoires de tentatives des fidèles des villages voisins de s’en emparer et soutenant que mieux qu’elle ne l’était déjà, la statue ne pouvait pas le devenir.
Mais la plupart étaient confiants et le comité, satisfait et sûr de recevoir une ovation unanime, pour une part, guidait le cortège d’autos accompagnant le camion qui transportait lentement la statue, pour une autre part, le torse bombé, prenait en charge les premiers rangs des villageois en attente, lançant de temps en temps de minutieuses directives et requêtes à la fanfare citadine.
Quand, du dernier virage au loin surgit le camion, un bourdonnement s’éleva, de prières vibrantes et d’exclamations admiratives.
Mais les questions parmi les commères ne tardèrent pas, sur les couleurs modifiées, moins brillantes, et sur la pâleur, en vérité très douce, du visage du Saint Salvatore, qui sembla moins solennel à certains, sans les joues roses et luisantes d’avant la restauration.
Dans le fil du cortège prirent forme, peu à peu, des idées plus équilibrées. On soutint que le Saint n’avait pas perdu solennité et beauté ; on argumenta que cela valait la peine de préserver une œuvre, qui même purement artisanale, était encore plus remarquable, maintenant qu’avait été révélée l’inscription 1779 sur le soubassement en bois de la statue.
Les festivités des jours suivants eurent plus de succès que d’habitude ; à la fébrilité de la compassion et de l’émotion de toujours s’ajoutèrent la curiosité et les disputes sur la restauration.
Tout se déroula avec bonheur jusqu’à l’apparition sur le mur extérieur de l’église d’un manifeste écrit à la main et signé « BY LUPUS » qui, sur le modèle de la chanson Bocca di Rosa 1 de De André, raillait la cérémonie de l’arrivée du Saint avec tout le village mobilisé, laquelle par un malheureux hasard s’était déroulée juste au-dessus de la décharge illégale de déchets.
Le tract provoqua une indignation indescriptible. Les discussions se firent vives et violacés les visages des fans du comité des fêtes. On cria au sacrilège et à la débâcle. Dans la participation insouciante et heureuse à la fête et dans l’identification positive du village, se révéla pour la première fois la puanteur d’un problème réel. Le grand gueuleton de la fête, de viande de chèvre et de pâtes fraîches maison, noyé dans le vin, dut couvrir, en même temps que l’émotion, une désagréable sensation de malaise.
En outre, l’auteur de « BY LUPUS » reste secret jusqu’à aujourd’hui : l’unique vrai secret du village !
1. NdT : Bouche de Rose.
Le phare
Même si quelquefois l’envie vient aux enfants d’aller visiter le phare, très souvent les parents les en dissuadent et presque toujours ils refusent de les accompagner.
Il est peu probable que les petits pleurent et se mettent en colère ; mais s’ils le font, c’est stérile car entre-temps la voiture a dépassé l’unique carrefour utile.
Chez les enfants subsiste quelque plainte, un bref dépit, une de ces sensations confuses qui finissent par leur donner une image non dicible de leur

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