Opale
316 pages
Français

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Description

Stéphane Lefebvre Opale Policier Gagnant du Prix du polar 2009 Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com Copyright © 2009 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-81950-013-1 À mes parents NOTE DE L’AUTEUR L’action de ce roman se déroule pour l’essentiel à Boulogne-sur-Mer. Quelques libertés ont été prises dans la peinture de la ville et de ses institutions. Ceci est délibéré. Les événements, comme les personnages, présentés dans ce livre sont fictifs et leur ressemblance avec des faits réels ou avec des personnes existantes, ou ayant existé, serait purement fortuite. Adepte d’un langage plus vivant et plus spontané, le narrateur de ce roman prend parfois (et ce, malgré mes remontrances) quelques petites libertés avec la syntaxe. Je m’excuse par avance auprès des lecteurs que cela pourra déranger. REMERCIEMENTS Toute ma reconnaissance à Valérie Lefebvre, Frédéric Sauton, Maëla Jaouen, Sylvain Peyruqueou, Martine Berger, et Agnès Dal Bianco qui y ont cru avant moi. 1 C’était un peu comme des couleurs trop liquides sur la palette d’un peintre parkinsonien. Ou un caméléon qui aurait découvert par hasard la masturbation. Difficile à dire.

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Informations

Publié par
Date de parution 20 juin 2010
Nombre de lectures 3
EAN13 9782819500131
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Stéphane Lefebvre
Opale
Policier
Gagnant du Prix du polar 2009




Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com
Copyright © 2009 Editions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-81950-013-1

À mes parents
NOTE DE L’AUTEUR

L’action de ce roman se déroule pour l’essentiel à Boulogne-sur-Mer. Quelques libertés ont été prises dans la peinture de la ville et de ses institutions. Ceci est délibéré.
Les événements, comme les personnages, présentés dans ce livre sont fictifs et leur ressemblance avec des faits réels ou avec des personnes existantes, ou ayant existé, serait purement fortuite.
Adepte d’un langage plus vivant et plus spontané, le narrateur de ce roman prend parfois (et ce, malgré mes remontrances) quelques petites libertés avec la syntaxe. Je m’excuse par avance auprès des lecteurs que cela pourra déranger.
REMERCIEMENTS

Toute ma reconnaissance à Valérie Lefebvre, Frédéric Sauton, Maëla Jaouen, Sylvain Peyruqueou, Martine Berger, et Agnès Dal Bianco qui y ont cru avant moi.
1

C’était un peu comme des couleurs trop liquides sur la palette d’un peintre parkinsonien.
Ou un caméléon qui aurait découvert par hasard la masturbation.
Difficile à dire.
C’était le vent, en tout cas, qui décidait des mélanges au gré des nuages et des trouées qu’il faisait défiler devant le soleil.
Le mouvement qu’il imprimait aux vagues émeraude de la mer du Nord se prolongeait jusque dans les terres. Les oyats se balançaient sous ses caresses ; la moquette épaisse d’argousiers, d’aubépines et de sureaux ondulait ; une herbe légère frissonnait plus loin, dans les prés. Ensemble, ils avaient entamé une étrange sarabande rythmée par la clarté et les bourrasques. Une ola naturelle de verts qui se confondaient et se dissolvaient à l’ombre, pour se repousser dans un réflexe et s’intensifier dans leur coin quand les rayons les frappaient.
La Côte d’Opale s’amusait avec ses contrastes.
Au fond, les blancs dansaient sur les falaises de craie.
Ça se fritait pas mal aussi dans le ciel. Les gris et les bleus. Anthracite contre azur.
À voir ainsi chaque élément se mettre en place, le rituel s’initier, je sentais poindre ce flot de sensations familières et agréables. L’excitation qui précède la satisfaction. Le plaisir d’attendre le plaisir.
La Kangoo frémit également, secouée davantage par les rafales que par la beauté du paysage. Son horloge digitale affichait un 17 h 35 d’un turquoise uniforme. Il me restait une vingtaine de minutes avant le début de la cérémonie.
– Y a un parchemin à me faire près de Wissant. Un couple qui se remarie pour fêter ses 70 ans de vie commune. Mairie, église, sandwiches et mousseux à la salle des fêtes, et tout le tralala. C’est pour qui ce coup-ci ? avait demandé Jib entre deux bouffées.
«  Parchemin  » était une appellation jibienne contrôlée. Un raccourci efficace et de bon goût désignant un papier sur les seniors, un lectorat à choyer tout particulièrement tant la survie de L’Éclair Boulonnais en dépendait. Mais Jib avait beau avoir le sens de la métaphore, entre le loto quine des anciens combattants, le voyage à Lisieux, et le nouveau centenaire de la maison de retraite, les palpitations n’étaient pas vraiment du bon côté et les volontaires pour couvrir ces événements capitaux ne se bousculaient pas. Comme d’habitude, chacun s’était subitement concentré sur une tâche vitale. La fouille approfondie de son sac pour Nicole, la lecture des Inrockuptibles , sourcils froncés, pour Christophe, et le dessin d’une fresque sur la couverture de son calepin Rhodia pour Pierre-Antoine. À trop les observer, j’avais baissé les yeux un quart de seconde trop tard et croisé le regard amusé de Jib. C’était pour ma pomme.
Heureusement l’orage s’annonçait sur Wissant, et cet arc de cercle entre les deux caps était un endroit idéal. La pluie allait assurer une nouvelle ration de jours heureux à ces tourtereaux recordmen et, je l’espérais, me donner quelques bons clichés.
Un premier roulement, encore lointain, venu d’Angleterre résonna.
La Kangoo m’adressa un clignement orange et une onomatopée synthétique. Certaines de ses congénères, mieux élevées, savaient déjà dire bonjour ou au revoir. Un jour, leurs calandres souriraient, leurs phares pleureraient, et elles gémiraient en les lustrant. Oh oui comme ça, encore, oui, sur les ailes, hummm .
Avant de descendre vers la plage, je commençai par quelques images d’un ciel divisé et d’une eau fripée qui m’offraient gratos des Mondrian géants. Le sentier serpentait sur une centaine de mètres avant de s’ouvrir entre les rochers, la terre battue cédant doucement la place au calcaire et aux galets. Je n’avais pris ni baskets ni bottes et mes mocassins m’en voulaient déjà en apercevant les flaques et les débris échoués. J’aurais peut-être l’air con à l’église avec des algues sortant des pompes.
Floc, floc, floc. Bonjour, Robin Mésange, grand reporter à L’Éclair Boulonnais. Floc, floc, tous mes vœux de bonheur.
J’étais le seul à prendre cette direction. Tous rentraient se mettre à l’abri. La mer se rétractait, un bambin écarlate et son épuisette trop grande couraient après ses parents en laissant un message codé sur le sable humide, et les pêcheurs de moules remballaient. Ils s’étaient scindés en deux tribus distinctes tout droit sorties d’un bouquin de Lévi-Strauss : les « bottes-ciré-seaux assortis » consciencieux et disciplinés et les « espadrilles-T-shirt », plus farouches avec leurs sacs-poubelle.
Même les loups de mer regagnaient leur foyer. Ils étaient deux à faire la course en parallèle avec leur tracteur tirant leur embarcation, dans un remake haletant de La fureur de vivre , on the beach. Cette fois, James Dean ne sauta pas en marche. Il s’arrêta à ma hauteur, laissant son adversaire filer droit vers la jetée et balancer des teufs-teufs moqueurs.
Il avait pris un petit coup de vieux, Jimmy. Son visage poupin s’était buriné et des poissons volants avaient clairsemé son sourire. De chaque côté des tempes, deux mèches raides, jaune pâle, jaillissaient d’un bonnet rouge en laine étanche piqué au commandant Cousteau.
– Vous devriez faire gaffe, vous savez. Y a rien de tel que la plage pour s’attraper un éclair sur le coin de la figu…
Sa voix, aussi calleuse que la main qu’il agitait devant lui, se perdit dans un grondement menaçant et il ponctua cet avertissement en dressant un index épais comme un de mes mollets.
– Oui, merci du conseil. Je prends juste deux trois photos et je remonte.
Le marin me jeta un regard interrogateur puis redémarra avec un haussement d’épaules. Encore un de ces foutus touristes.
En guise de plaque d’immatriculation, je crus apercevoir le chiffre 550 peint grossièrement sur l’aile arrière du tracteur vrombissant.
Chaque enfance fourmille d’anecdotes, de sottises, de réflexions candides et de gamelles en vélo que les parents égrènent comme des chapelets lorsqu’ils se sentent vieillir. Mais un fait d’armes, un exploit, ou une grosse bêtise, sort toujours du lot.
Le mien datait de mes quatre ans, d’une nuit de septembre où la comptine que je chantonnais les avait réveillés.
Savez-vous planter des choux, à la mode, à la mode…
Quoique ma mère ne m’en ait plus parlé depuis bien longtemps.
Je me souvenais encore parfaitement des éclairs me permettant de mémoriser le trajet de ma chambre à la porte d’entrée, leur fréquence quasi stroboscopique, du craquement de l’avant-dernière marche, de mes pantoufles à tête de souris sur les losanges du carrelage, des poignées cuivrées trop hautes dans cette vieille demeure, et du tabouret en formica pour atteindre le verrou. Le médecin avait mis ça sur le compte de la fièvre et des bouffées délirantes. Peut-être. Quand j’y repense, je me sens plutôt attiré par cette violence et cette colère, hypnotisé par ces flashs illuminant jusqu’aux motifs de mon couvre-lit, par les déchirements du ciel et les crépitements inouïs sur la vitre comme des millions de grains de riz soufflés dans des millions de crayons Bic transformés en millions de sarbacanes. Je voulais sentir cette puissance, la partager.
Je devais chanter depuis un bon moment, mais la pluie battante et le tonnerre couvraient le son de ma voix. C’est à la fin de l’orage que ma mère m’avait entendu.
Ils m’avaient retrouvé assis en indien au milieu de la cour, le pyjama de Goldorak détrempé, collé à la peau. Même pas peur.
On les plante avec le nez, à la mode de chez nous…
Bien campé sur la grève, le blouson plaqué dans le dos, j’étudiais le décor, l’apprivoisais. S’en faire un allié. S’y fondre. Les masses imposantes se répondaient en négatif et transformaient leur côte à côte en face-à-face. À droite, le cap Gris-Nez abrupt et sombre, un brin grossier, au pied duquel les vagues venaient se faire mousser, et de l’autre côté, le Blanc-Nez, plus majestueux et bourgeois, exploitant à fond le privilège de sa couleur.
Séparés par une langue de sable arrondie tel le jeu de cartes dans la main du magicien, chacun affichait fièrement sa coquetterie géologique et s’avançait pour défier les éléments.
Je cadrai large sur le Gris. Les mouettes et les sternes se nichaient dans les anfractuosités pour échapper à la tourmente, des touffes téméraires de choux sauvages et d’arméries se risquaient sur des corniches instables, en arrière-plan, le soleil résistait encore sur Boulogne.
J’alternais les prises avec un Minolta, un autofocus maintenant démodé, et un Nikon D3, un numérique dernier cri à peine moins cher que le cœur artificiel dont Jib faillit avoir besoin à la vue de la facture.
Le ciel trépignait de plus en plus.
Les premières gouttes s’écrasèrent sur mes épaules pendant que je glissais vers l’autre falaise. De ce côté, les nuages avaient fini leur puzzle et bouché les derniers trous bleu

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