Occhi
422 pages
Français

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Description

Oscar Occhi a un don qu’il juge parfois bien encombrant. Il le met au service d’une agence de privés atypiques chapotée par Monique. Elle veille sur eux comme sur ses propres enfants. Occhi est son préféré, mais c’est le plus difficile aussi. Il est imprévisible et aime un peu trop les enquêtes qui sortent des sentiers battus.


Pourtant, il ne s’attendait pas à ce que celle qu’on allait lui proposer le mène aussi loin ; jusque dans les profondeurs insondables de Paris qu’il croyait pourtant connaître comme sa poche. Mais qui est vraiment ce vieil homme qu’il doit retrouver ? Comment sa disparition peut-elle être liée au célèbre et retentissant assassinat de Pierre Goldman, le 20 septembre 1979 ?


Monique n’est pas au bout de ses surprises.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 juin 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414086603
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-08658-0

© Edilivre, 2018
Occhi Première partie
1 Le rendez-vous
Il m’a donné rendez-vous dans un bar qui sent le tabac froid ; un de ces rades miteux dont on se demande comment il fait même pour survivre. Si peu de clients, le loyer à payer, un salaire au minimum à verser. Comment est-ce possible de tenir ? À moins de se nourrir d’alcool ou pire, de sodas.
La patronne est une blonde pulpeuse, elle porte une robe à motifs géométriques et des poches sous les yeux, son regard fixe le vide ; comme dans une mise en scène de Fassbinder.
Je suis en avance. J’ai peur d’être en retard, toujours. Il me faut du temps pour prendre la mesure des choses. Au moins quand j’arrive avant, j’ai le temps de m’habituer. J’ai besoin de ce moment de solitude.
Deux clients sont avachis au zinc, immobiles, reluquant leurs verres comme s’ils avaient peur qu’ils disparaissent. Deux hommes à l’âge incertain, trop de litres au compteur ont flouté leur physionomie. Leur fixité donne au bar l’aspect d’un musée Grévin décadent. Derrière eux, les tables en aluminium luisent faiblement de leur reflet maussade. L’assise et le dossier des chaises sont lardés de lacets de plastique multicolore, on dirait une vieille cuisine des années quatre-vingt. Je sens leur élasticité précaire sous mes fesses. Rompant brièvement le silence je commande une bière, blonde aussi. La nuit tombe.
J’attends. Au bout d’une demi-heure et quatre pintes je commence à trouver le temps un peu long. Je deviens curieux. Il a dix minutes de retard.
Parfois je déteste attendre mais l’alcool m’aide à rester patient. Il me plonge dans une torpeur chaude. Le rythme de mon corps se moule dans le temps et l’espace comme dans un cocon de ouate réconfortante, et j’observe. Le moindre événement devient distraction. L’un des gars du bar se frotte mécaniquement le haut des cuisses avec les paumes des mains, son pantalon est tout usé à cet endroit. Le regarder chercher à évacuer son malaise de cette manière me distrait. Pourquoi fait-il ça ? Il doit répéter ce geste depuis des années, son dos en est voûté, ses mains calleuses, j’en devine la corne au bruit râpeux qu’il produit, un bruit de papier de verre. Quelle fêlure dans sa vie a provoqué ce rituel ? À chaque toc son traumatisme, je sais. La curiosité m’aiguillonne ; il fait quoi l’autre ? Je prends sur moi pour attendre calmement, être impatient serait comme un aveu de faiblesse.
Un jeune type entre. Je suis alerté par le carillon de la porte, comme un réveil qui m’extirpe de la léthargie du matin. Merde, j’ai trop bu.
J’avais imaginé qu’il serait grand, beau et fort, une sorte de Largo Winch. Ou mieux, la réplique de Treize. Il est tout le portrait de Patrick Dills : blond, les cheveux filasses, maigre, une petite moustache ourle ses lèvres pincées. Ses yeux globuleux et ronds se dissimulent derrière ses lunettes dont les verres anciens, teintés et sales reflètent la lumière blafarde du rade.
Il s’avance directement vers moi ; sa détermination contraste avec son corps malingre.
– Occhi ?
– Oui… Pills ?
Curieux nom quand j’y pense : mauvaise bière et faux tueur, tout un programme.
– Je vous en prie, asseyez-vous. Vous buvez quelque chose ?
– Une bière aussi, ça ira.
– Deux bières s’il te plait Nadine.
J’ai fait connaissance. Les tenanciers de bars constituent une des sources les plus riches de renseignements si l’on sait s’y prendre. Pour ma profession c’est essentiel.
– Je vous écoute.
J’ai assez attendu.
– Voilà… comme je vous l’ai dit au téléphone, mon grand-père a disparu… J’avais l’habitude de lui rendre visite tous les samedis après-midi. Mais samedi dernier, la porte était fermée. Depuis, pas de nouvelles… je suis inquiet.
Son corps ne trahit pas son état, il est parfaitement immobile, comme s’il avait pris la mesure du rade, immédiatement, à la façon d’un caméléon. Il est bizarre ce type.
Il s’arrête un instant, puis enchaîne, sans prévenir.
– … Tous les samedis on jouait au billard. Au billard français. Mon grand-père disait que l’américain, c’est pour les brutes trop ivres pour viser juste. L’américain, en tapant fort, on arrive toujours à en mettre une dans un trou. Pour le français, il faut de la finesse et de la géométrie ; l’esprit de Descartes… c’était ces mots… Bon, passons. Mon grand-père est un homme de traditions. Mais à part ça, je ne sais finalement pas grand-chose de lui…
– C’est-à-dire ?
– J’ai été élevé par une famille d’ « accueil », comme on dit. Et j’ai eu la chance que la mienne le soit vraiment, accueillante. Ils habitent le Limousin. Des gens braves mes parents. Des gens simples. Des fermiers. Ils vendent leur lait – ils sont à la retraire maintenant, mais mon père continue encore un peu, c’est sa vie – dans le temps on avait quarante vaches, elles avaient toutes un nom…
Il débite ses phrases d’un rythme un peu saccadé, reprenant à peine son souffle. Il a dit ça d’une traite, comme on déverse un trop-plein. Il a besoin de parler. Enfin, c’est ce que je me dis, parce que c’est pas ce que je lui ai demandé. Je sais pas où il veut en venir.
– … C’est marrant, j’ai entendu récemment que des scientifiques anglais avaient montré que donner un nom à une vache augmente sa production de lait. Les vaches aussi ont besoin d’amour. C’est une leçon que devraient méditer tous ces DRH obtus qui pensent que c’est par la seule pression que la mamelle du travail produit. Un travailleur en fait, n’est pas bien différent du pis de la vache, il a aussi besoin qu’on le cajole pour avoir du rendement.
Il est pas heureux dans son boulot, ça sent le vécu. Il s’arrête un instant avec l’air de me sonder, mais mon silence l’invite à reprendre, y’a des gens qui ont peur des silences.
– … Ils font des études sur n’importe quoi les Anglais. Un groupe de chercheurs a aussi mesuré qui de celui qui court le plus vite possible sous la pluie, ou au contraire marche normalement, se fait le plus mouiller, à distance égale…
– Ça doit être à peu près pareil, non ? Mais celui qui court prend davantage d’eau dans la figure, alors que l’autre, c’est sur le haut du crâne. Donc il faut mieux ne pas se presser lorsqu’on porte des lunettes…
J’ai dit ça plus pour avoir l’air d’écouter qu’autre chose. Ma réflexion le rend pensif, à mon grand étonnement. Puis il finit par acquiescer.
– Oui, vous avez raison. L’étude n’a même pas été aussi loin. En fait la quantité d’eau reçue est strictement la même.
Il y a un truc qui va pas. Décidément ce type est étrange… il a quelque chose d’improbable, comme ce bar. À moins que ce soit moi, je suis à côté de mes pompes. Heureusement, il a l’air d’avoir envie de parler, de se raconter, je lui laisse l’initiative, ça m’arrange.
– Enfin, pour revenir à l’exploitation de mes parents, ça marchait bien, on s’en sortait à peu près. Une vie en quasi autarcie. On avait nos poules, nos canards, y’avait un p’tit lac à côté de la ferme, un fâcheux lac…
Il dit ça avec un air drôle.
… On cultivait nos céréales pour nourrir les bêtes. Un travail à plein temps. Mais j’aimais bien cette vie, j’étais heureux ; enfin moi… mes parents je ne sais pas. J’étais libre de faire ce que je voulais. Mon père faisait tout seul, les vaches et les cultures, ma mère s’occupait des volailles et de la maison. Il ne nous demandait pas d’aide. Je dis « nous » parce que j’ai une sœur, Manon, elle a un nom prédestiné comme disait mon grand-père, j’ai jamais compris pourquoi il disait ça… Moi j’aidais quand je pouvais, j’aimais bien les bêtes, les champs, la nature simple, mon père. Il faisait ce qu’il avait à faire, toujours sur le même rythme, jamais malade. Il ne parle jamais ou presque, ne s’énerve jamais…
Je regarde les fesses de Nadine évoluer avec maestria au milieu du mobilier jauni, ballet lascif sur une scène de perdition. Le rade s’est un peu rempli finalement, du coup elle est tenue de s’activer. Le brouhaha monte crescendo et le flot des paroles de Patrick se noie irrémédiablement dans les vagues de l’excitation du soir et les effets de l’alcool. Mes oreilles cèdent toujours le pas à mes yeux, c’est mon problème, j’écoute moins que je ne regarde, je devrais faire le contraire, mais Patrick me submerge de son ton monocorde. Il est lancé. Il doit se dire que plus il m’en dit plus ça m’aidera, ou que je fais aussi psy… Remarque, c’était presque mon boulot autrefois. En tout cas je ne bois pas que ses paroles, je sais plus trop où on en est. Lui n’a pas touché à sa bière. Ça y est, dehors il fait nuit noire.
… Je n’ai jamais su pourquoi ils nous avaient accueillis, s’ils pouvaient avoir des enfants de façon naturelle, nous n’en avons jamais parlé à la maison. C’est des gens pudiques mes parents. Mais pour eux, cela ne faisait pas de différence. En tout cas je n’ai jamais eu l’impression de ne pas être leur enfant, je veux dire, leur enfant naturel, comme dans une famille normale quoi. Il paraît que j’ai été recueilli très tôt, à l’âge de deux ans.
– Et Manon ?
Il faut que je m’intéresse.
– Un an après, je crois.
– Connaissez-vous vos parents… biologiques ?
Faut quand même que je fasse mon boulot. Puis j’étais sur le point de décrocher complètement, alors avec quelques questions je me remets dans la course.
– Mes parents m’ont toujours assuré tout ignorer, et je les crois. Mon grand-père devait savoir, mais il n’a jamais rien dit. Il y a une semaine et demie, il m’a appelé. Il voulait me donner quelque chose d’important.
– Important ?
– « Important », c’est le mot qu’il a employé. Toujours ces mots bruts, sobres. « Important », ça peut vouloir dire n’importe quoi. J’ai imaginé qu’il voulait me révéler qui étaient mes parents « bi

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