N importe où hors du monde
258 pages
Français

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N'importe où hors du monde , livre ebook

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Description

N’importe où hors du monde met en scène une jeune femme, Anne qui se souvient de celle qui fut son amie d’enfance puis son amour d’adolescente, Nicole. Une enfance sans problèmes, mais où déjà se dessinent des oppositions, contre les adultes, entre les deux amies. À mesure que les années passent, l’affection évolue vers l’amour et l’attirance physique. Pour Nicole, l’amour c’est « pars avec moi », pour Anne « reste avec moi ». Aux conflits intimes s’ajoute l’attitude des adultes qui n’admettent pas une amitié particulière. Quelle sera la seule destination possible pour les deux amies ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 novembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414134786
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-13476-2

© Edilivre, 2017
Exergue

Maturité de l’homme ; retrouver le sérieux de ses jeux d’enfant.
Nietzsche
1
Un jour quelqu’un m’a parlé de toi. J’étais descendue acheter des oranges. En entrant chez l’épicier j’ai frôlé un homme. Il se tenait droit, me tournant le dos, offrant une main à la chute de la monnaie. Il avait les bras chargés. En se tournant il m’a bousculée, et tout aussitôt s’est écrié :
– Anne… ? Anne ! Quelle surprise !… Qu’est-ce que tu deviens ?
Ce devait être Paul, ou peut-être François. J’ai dit ce que je devenais, ce que je n’étais pas devenue. Une litanie de banalités a trouvé cause entre nous. Nous sommes sortis ensemble du magasin et avons marché d’un pas rapide, un pas qui demandait la trêve de notre entretien.
– À propos…
Il s’est arrêté au bord du trottoir, a incliné la tête et avec un sourire de salon m’a demandé :
– … Et Nicole ?
Un pigeon tout gris, gras et laid à donner des frissons, s’est détaché du bord de la fontaine.
– Elle est morte !
Je crois que c’était Paul. Il est resté un instant figé, puis a paru se souvenir qu’il tenait des légumes plein les bras et que sa femme l’attendait dans un tea-room. Au carrefour suivant nous nous sommes séparés. Il était déconcerté. Moi j’étais surprise. Je n’avais dit que cela : « Elle est morte ». J’ai regardé Paul s’éloigner, chercher les clés de sa voiture dans la poche de sa veste, ouvrir la portière, entasser les achats sur le siège arrière, refermer la portière et entrer dans le tea-room. Je pouvais deviner. Sa stupeur se lisait partout, jusque dans l’attitude des légumes laissés dans la voiture. J’étais au courant. Paul allait se précipiter sur sa femme. Il allait dire soudainement essoufflé comme si la nouvelle l’avait assailli au moment même où il la débitait : « Devine qui je viens de rencontrer ? »… « Tu sais ce qu’elle m’a dit ? » Sa femme dirait : « Nicole…, Nicole…, ce n’est pas possible… » Ceci bien sûr en admettant que sa femme ait connu Nicole.
J’ai sursauté. Nicole, c’était toi ! Je me suis surprise à penser à Paul de nouveau. Je te niais l’attention que je lui accordais. « Elle est morte. » Depuis longtemps déjà, j’ajoutais : « Et alors ? » Vraisemblablement j’avais oublié. J’ai tourné les talons et suis rentrée sans hâte. C’est en attendant l’ascenseur que je me suis souvenue. Je me suis souvenue que je n’avais rien oublié. Que mon amour n’avait pas réussi à t’arracher à la mort. Que mon amour t’y avait précipitée. Dans l’ascenseur, j’ai oublié de fouiller dans la poche de mon manteau pour préparer les clés. Je me suis retrouvée devant la porte, désœuvrée, stupide. Tu avais les cheveux roux, les yeux verts.
* * *
Cela arrive ! Cela m’est arrivé. Les farfadets, les lutins, les gnomes… Ils sont entrés chez moi. Ils ont entraîné avec eux les lieux, les plis des visages, les cris des dimanches, Blanche-Neige et les sept nains, et les bois terrifiants des contes. Tu as couru sur la plage. Tu courais sur la plage. Nous avions cinq ans. Ta voix stridente rejetait le cri des mouettes, et m’annonçait d’un ton à l’autre la valeur de tes escapades. Le crépuscule venait vers huit heures et nous oubliait. Un soir je t’ai dit :
– Allons de l’autre côté de la mer.
– C’est possible ?
Je t’aimais parce que le doute n’était jamais absent de ce que tu croyais, et parce que tu croyais tout ce que je disais.
– Oui.
– Comment ?
– En creusant un tunnel.
– En creusant un tunnel ?
– Oui, un tunnel sous l’eau, il traverse toute la mer et il ressort là-bas de l’autre côté.
J’ai levé un bras résolu, le doigt pointé vers l’avant, dans un geste qui évoquait le salut d’un sénateur romain. Tu t’es arrêtée de creuser. Tu as soulevé ta pelle en plastique d’où le sable a coulé dans une hémorragie lente, et tu t’es mise à considérer avec perplexité l’autre côté que l’on ne voyait pas. Un voilier quelquefois semblait s’y diriger. Tes lèvres ont bougé sans émettre de sons, et tes yeux ont bu, j’en suis certaine, tes yeux ont bu ce jour-là la couleur de la mer. Depuis tu as eu les yeux verts. Le soleil nous était offert comme une orange à son heure de crépuscule. Nous étions tous les soirs présentes à son coucher, et seules. Il s’offrait à nous, noyant ses désespoirs de roi dans la mer, et agrémentant les chaises longues, les parasols encore ouverts d’une tendre nuance rougeâtre où les ombres avaient la plus grande place.
– Creuse, avant qu’il fasse nuit.
Tu m’as assuré :
– On n’y arrivera pas. Pas ce soir.
Je t’ai convaincue qu’il fallait, il fallait y arriver ce soir, sinon…
– Sinon ce ne sera plus possible.
Je me suis retournée une fois, deux fois. On ne distinguait bientôt plus la pinède. La maison avait déjà sombré. En t’en apercevant tu allais te mettre à pleurer. Alors je n’ai rien dit et nous avons continué. Puis il a fait nuit tout d’un coup. On nous avait oubliées. J’ai eu peur de te le dire. J’ai eu peur que ce ne soit vrai. Nous ne distinguions plus l’ébauche de notre tunnel. Tu t’es enquise qu’une voix mal assurée :
– Ils ne viennent pas nous chercher ?
– Mais si, ils vont venir.
J’ai essayé d’imaginer la silhouette de ma mère débouchant de la pinède et nous tendant la main. Je n’ai rien vu. Tu t’es lamentée de plus en plus chevrotante :
– Ils ne vont pas venir ?
Je me suis mise à pleurer aussi en t’assurant :
– Mais si, ils vont venir.
Tu reniflais, aspirant les pleurs qui nourrissaient tes alarmes, et cela m’était un son si familier qu’il contenait une consolation pour moi, au point que je ne savais plus pourquoi ou de quoi je pleurais. La nuit s’est faite intègre, sans concessions. Dans le lointain, une lumière qui paraissait flotter sur l’eau nous a indiqué l’emplacement d’un bar. Nous étions captives de notre frayeur. Frayeur de quoi, Nicole ? Tu t’es mise contre moi comme un chiot qui cherche un refuge. Quelqu’un a crié dans une direction indéterminée :
– Anne ! Nicole ! Anne ! Nicole, où êtes-vous ?
Je t’ai dit calmement :
– Tu vois…
Dans les spasmes qui refusaient tes dernières larmes tu as laissé partir un « oui » légèrement sifflant et prolongé. Je t’ai senti sourire. J’ai imaginé la main retournée passant devant tes yeux, et j’ai aimé ce petit sourire que je ne voyais pas. Un sourire d’oiseau émerveillé, un sourire n’appartenant qu’à l’enfance et qu’on devrait appeler autrement. J’ai vu tes lèvres minuscules s’entrouvrir et ta bouche ressembler à ces corolles printanières et trop rouges que nous apprenions à dessiner.
– Alors, mes poussins ?
Ma mère nous a présenté ses deux bras dans une génuflexion. Nous l’avons assaillie en prenant garde à ne pas trop manifester notre bonheur. Elle nous a portées à tour de rôle sur le chemin caillouteux où nos sandales en plastique se tordaient toujours sous nos pieds. Et elle nous a offertes à l’assistance avec un cri de triomphe :
– Les voici !
La table était dressée sur la terrasse, pour que les moustiques puissent nous dévorer pendant que nous dévorions notre dîner. Mon oncle, mon père et mon cousin étaient attablés devant leur assiette vide, recouverte par les journaux et les « fumetti ». Ma tante, debout égouttait des feuilles de laitue dans un panier à salade. Elle nous a souri. Mon père a grogné :
– Asseyez-vous !
Et me fixant afin de me bien me faire comprendre qu’il me tenait pour la coupable :
– Vous n’êtes pas assez grandes pour rentrer toutes seules ?
J’ai secoué la tête. Tu as plongé le nez dans ton assiette en reniflant. Mon cousin, Antonio, un gros bêta de seize ans, a eu une lueur d’intérêt en nous voyant prêtes à fondre en larmes :
– Oh, elles ont pleuré… Elles ont eu peur ! C’est pas vrai !
Il a allongé les lèvres en tuyau, s’étirant comme le nez de Pinocchio, pour glouglouter :
– … de grandes filles comme vous !
Il avait soufflé dans le diapason. Aussitôt ma tante a offert son arbitrage :
– Antonio, tu es impossible… Jacques, laisse-les tranquilles.
Puis, à l’adresse de son candide mari :
– Et toi, tu pourrais faire l’effort d’abandonner ce journal le temps de manger, non ?
Ma mère souriait tantôt à l’une, tantôt à l’autre, mais le plus souvent à toi. Elle ne disait rien. Je crois qu’en ce temps elle ne craignait pas trop mon père. Antonio s’égosillait toujours avec à présent une voix de fausset. Il possédait une gamme inépuisable d’intonations et de répliques plus surprenantes les unes que les autres. Il n’était jamais semblable à lui-même, ce qui le rendait quelque peu effrayant et par là antipathique à nos yeux. Aplati sur la table, il poussait son museau sous notre menton, parodiant les dispensateurs de morale.
– Oh, mais vous n’avez pas honte…, des grandes filles comme vous ! Des filles qui pourraient bientôt aller danser…
Ma tante s’évertuait à crailler : « Assez ! Arrêtez ! Arrêtez ! » Ma mère de rire. Mon père et mon oncle, ayant reconquis leur naturel, feuilletaient le journal du soir, indifférents, intouchables, bénissant sans doute la pagaille qui leur rendait leur liberté. Je fixais Antonio d’un œil haineux. Alors, sans préambule, tu t’es levée, as fait le tour de la table, as passé sous le tablier de ma tante qui a failli s’évanouir de saisissement. Arrivant à la hauteur d’Antonio, tu l’as griffé avec méthode au bras, enfonçant tes ongles dans le muscle de l’épaule et marquant de quatre traînées rouges le parcours de l’épaule à l’avant-bras. J’ai vu tes lèvres se tordre sous l’effort et tes yeux étinceler à la vue du sang. Antonio a poussé un cri d’écorché. Il a allongé un bras pour te saisir. Tu t’es esquivée avec un hoquet de joie pendant que je m’étranglais à japper, les deux poings frappant la table :
– C’est bien fait…, c’est bien fa

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