Mortelle créance
204 pages
Français

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Description

« La pestilence est à son paroxysme. J'aperçois dans un coin de la pièce, éclairé par un rai de lumière passant entre les panneaux des volets clos, un corps allongé sur un lit. Nicolas ouvre brusquement les volets et la fenêtre, n'apportant qu'une bouffée d'air frais. L'homme est couché sur le dos, dans un vêtement de travail de laine brune, les mains croisées tenant un éventail noir sur le ventre ». Dans ce troisième roman, Adémard de Prensac est chargé de résoudre une énigme à Sarlat : on peut imaginer qu'en mai 1643, les braises des guerres de religion y sont encore brûlantes... et les meurtres monnaie courante.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 septembre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342056211
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mortelle créance
Esteben Castilhac
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Mortelle créance
 
Ma vengeance est perdue
S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue.
Jean Racine (Andromaque IV, 4)
I
Le seize mai 1643.
Je sommeille, une nuit sans lune. Un frisson sur ma peau, des bruits d’ailes à la fenêtre, frémissements dans les branches.
Dans la nuit d’encre le silence se fait, annonçant la nouvelle d’une renaissance. Les toits noirs de la rue se bordent de pourpre, découpés comme une dentelle au théâtre d’ombres.
Ses doigts caressent le petit cercle moiré sur ma poitrine, à l’abri des tentures cramoisies. Accoudée sur les coussins, Lisa me fixe de ses prunelles azurées, esquissant sur ses lèvres un léger sourire. La voûte étoilée lentement se panache d’une pâle lueur vers l’orient. Le pont Marie semble flotter sur les vapeurs blanches qu’exhalent les eaux noires de la rivière, telle une Jérusalem céleste. Le soleil levant, vibrant, surgit alors du néant et submerge de son incandescence ce paysage étonné qui s’ébroue et s’anime à nouveau. Alors, un large faisceau mouvant de mille poussières d’or inonde la chambre.
 
— Tu as eu beaucoup de chance, Adémard ! me dit Lisa, embrassant ce petit disque nacré sur ma peau au milieu de ma poitrine.
— Oui, il était écrit que je devais m’éblouir encore de ces matins dorés, où tout paraît suspendu… Mais trêve de poésie, est-ce la chance ou mon jaque et l’épaisse lanière de cuir de mon baudrier qui ont ralenti ce plomb ? Il ne s’est enfoncé que d’un pouce et demi dans ma poitrine certes, mais m’a brisé trois côtes, et choqué le cœur en me coupant violemment la respiration. J’ai perdu alors connaissance. Ensuite, je ne me souviens plus de ce qui s’est passé !
— Ensuite ? Heureusement que Nicolas est accouru aussitôt pour t’apporter les premiers soins !
— Il m’aura ainsi sauvé la vie, comme toi !
— Tu as une curieuse façon de t’attacher les amitiés !
— Je te promets d’y prendre garde à l’avenir ! lui dis-je dans un éclat de rire.
— Tu prends la vie avec trop de désinvolture Adémard. On ne peut vivre continuellement le nez dans les étoiles, d’autant que tes enquêtes t’exposent particulièrement !
Un voile de consternation assombrit son regard et je pouffai à nouveau.
— Par ma foi, j’appelle de mes vœux une bonne affaire bien scabreuse où faire parler ma rapière !
Furieuse de ma légèreté, elle me poussa violemment hors du lit, me faisant rouler bruyamment, nu comme un ver, sur les carreaux froids.
 
Au sortir de la chambre, servi sur la table du petit salon, un copieux déjeuner que nous honorâmes avec gourmandise ! Jeanne, déjà occupée à l’organisation de la journée, traversa rapidement la pièce en nous souriant.
— Déjà levés ?
 
Je quittai la rue Saint-Paul pour rejoindre Notre-Dame. En ce premier jeudi de mai, un gros soleil dardait, seul dans l’azur, un Paris ralenti et festif. Les badauds paraissaient moins pressés et semblaient déambuler, nonchalants, dans cette douceur printanière, se dirigeant vers l’île Notre-Dame.
Rue Saint Antoine, les flâneurs étaient déjà plus nombreux. Arrivés rue de la Taillanderie, ces petits ruisseaux devenaient une grande rivière. La densité des promeneurs les obligeait à se serrer déjà sur les trottoirs. Je serpentais avec Flambeau, passant les chaises à porteurs, les voitures et autre fiacres immobilisés. Le pont Notre-Dame était totalement encombré et la foule s’écoulait avec difficulté.
J’arrivai enfin sur le parvis de la cathédrale et retrouvai un bataillon de mousquetaires. Le capitaine lieutenant était là, en grande tenue. Pourpoint rouge bordé d’or recouvert d’une cuirasse en plastron, large écharpe de soie blanche descendant sur la hanche, chausses bleu nuit rehaussées d’or retombant sur de hautes bottes de cuir. Sous son feutre empanaché, une perruque brune bouclée couvrait un large col de dentelle.
S’adressant à deux officiers :
— Messieurs, comme nous vous l’avons indiqué, cette procession en l’honneur du légat du pape, le cardinal Barberini, doit se dérouler selon le strict protocole ; vous borderez le cortège de part et d’autre de son éminence, afin de maintenir la foule à distance respectable. Nous ouvrirons la marche.
Chacun ayant pris ses ordres, s’en est allé retrouver son escadron.
— Suivez-moi ! nous enjoint le capitaine lieutenant.
Avec un cavalier léger armé d’un mousquet qui attendait là, nous prenons place à ses côtés, à une trentaine de pas de la tête de la procession. À cette occasion, j’avais revêtu la casaque bleue frappée de la croix d’argent.
 
La foule est dense maintenant sur le parvis. Du haut de ma monture, j’aperçois des marchands ambulants, qui proposent ici et là, de l’eau, des pâtisseries, des souvenirs, se frayant un chemin dans cette foule compacte, pour répondre aux appels des chalands.
D’autres, plus discrets, se faufilent, coupant de-ci ou de-là des bourses bien garnies à des bourgeois enrubannés occupés à regarder ce cortège bigarré. Tout cela dans un tintamarre de chants, de cris et de rires.
Soudain la grande porte centrale de la cathédrale s’ouvre lentement. Un grand dais rouge à franges d’or porté par quatre pénitents blancs s’avance. Le cardinal dans sa pourpre, coiffé de son large chapeau à glands, progresse, suivi par deux de ses évêques en soutanes violettes, rythmant son pas de sa crosse d’or. De chaque côté une rangée de pénitents noirs encadre des prêtres en aubes blanches portant de nombreuses bannières aux couleurs vives qui s’agitent doucement sous la brise. Suivent les princes de sang et les membres de l’aristocratie dans leurs tenues aux teintes lumineuses richement brodées ; les rubans de couleurs et les longues plumes chamarrées de leurs feutres tourbillonnent dans l’air tiède. Puis derrière, se déverse le petit peuple de Paris sortant du grand portail central béant de Notre-Dame, au son des chants liturgiques et des litanies. Alors, le silence gagne progressivement la foule sur le parvis et la procession s’ébranle. Avec le capitaine lieutenant, telle la proue d’une nef, nous fendons cet océan humain qui s’écarte sur notre passage. Certains se signent, d’autres s’agenouillent. Cette multitude auparavant dissipée tombe soudain en dévotion et en recueillement. Le cortège suit ainsi le quai des orfèvres, puis s’engage sur le Pont Neuf. La foule recouvre tout, certains imprudents même sont juchés sur le parapet. Lentement, nous avançons sur le quai Bourbon, puis le quai du Louvre, et la procession s’arrête place du Louvre devant les fenêtres royales. Sous les chants des litanies, le cardinal après une bénédiction s’incline et lentement reprend sa marche. Pendant toute la lente déambulation du retour, le cardinal bénit la foule qui se signe aussitôt. La procession retrouve bientôt le grand porche de la cathédrale qui l’engloutit entièrement. Les lourdes portes ferrées se referment alors et la cérémonie se termine au son puissant et majestueux de l’orgue en plein-jeu.
 
Dehors, après un moment de silence, la foule retrouve progressivement sa frénésie, ses bruits de voix, de chants, de cris et de rires. Sur elle, court soudain un chuchotement, un murmure sibyllin, qui prend doucement de l’ampleur, pour devenir une rumeur sourde qui éclate à nos oreilles comme un coup de tonnerre :
« Le roi est mort ! Le roi est mort ! »
Puis, telle une rivière remontant à sa source, cette foule bruyante, progressivement se morcelle, se disloque, s’estompe, chacun rejoignant ses foyers.
Après un regard interrogateur, le capitaine lieutenant ordonne :
— Rentrons rue du Bacq, allons tirer cela au clair !
 
Dans le grand salon de l’hôtel des mousquetaires, on s’affairait déjà ; des officiers alertés s’étaient rassemblés. Un envoyé du cardinal Mazarin attendait. Dès notre arrivée, il sollicita une entrevue avec le capitaine lieutenant qui le reçut sur l’instant. Ils passèrent tous deux dans le cabinet de travail. Après trois quarts d’heure d’entretien, le capitaine lieutenant revint seul.
— Messieurs, aujourd’hui quatorze mai mille six cent quarante-trois, le roi est mort !
Après un moment de silence, nous nous écriâmes tous ensemble :
— Le roi est mort, vive le roi !
Le capitaine lieutenant reprit :
— Je veux trente mousquetaires prêts à partir pour Saint Germain dans une heure. Ils participeront à l’escorte de la dépouille royale, de la reine et du jeune roi !
Ils quittèrent tous aussitôt le grand salon.
— Adémard, vous accompagnerez cette escouade, vous veillerez tout particulièrement à la protection du jeune roi et de la Régente !
Quelques heures plus tard, le petit régiment de mousquetaires arrivait au Château-Vieux de Saint-Germain-en-Laye. Nous y rejoignîmes les autres escortes dans la grande salle d’armes.
 
Le lendemain matin, le cortège s’organisa. Un grand nombre de chariots, de voitures, chargés de meubles et autres effets royaux, ainsi que le grand carrosse doré du roi défunt, tiré par six chevaux, s’alignèrent. Ce grand dérangement était protégé par d’innombrables hommes en armes : fantassins, mousquetaires et gardes suisses. La reine et le jeune souverain prirent place dans leur voiture sous des « Vive le roi ! Vive le roi ! ». Puis le long convoi s’ébranla.
 
Sur la route de Paris, c’est un soleil chaud, rayonnant, dans un ciel pur, qui s’était levé ce matin-là, faisant rutiler les ors des voitures royales et des harnais richement ornés. Sur notre passage, les hommes et les femmes se signaient, s

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