MORT DERRIERE LE MUR
35 pages
Français

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Description

Une adolescente raconte la mort de son frère jugé à la Libération pour collaboration. Elle raconte le long calvaire de la famille, l’attente atroce et puis l’exécution dans une aube froide, à jamais présente.Dans ce court récit tout est dit des sentiments humains, de l’amour et de la pudeur à le nommer, de l’espoir et de la révolte, de l’horreur de toute mort préméditée.Un témoignage unique, d’une écriture sobre et ardente, pour décrire l’indicible de la douleur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9791095453086
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mort derrière le mur


Du même auteur :
Aux franges de l’éveil. Pierre Chave, Vence, 1987
(Avec des lithographies de Théo Tobiasse)
Mort derrière le mur. Albin Michel, Paris, 1993
Songe noir. Laure Matarasso, Paris, 1994
(Avec des eaux fortes et des aquarelles de Gérard Morot-Sire)
Ciel cassé. Editions Tipaza, Cannes, 1997
(Avec des lithographies de Gérard Eppelé)
L’Envers du monde. La pointe Badine, Nice, 1998
(Aves des eaux fortes de Michel Joyard)
Et si vous étiez Musset… Les Editions Varia
Montréal, 2000
Visages nus, Editions Mélis, Nice, 2000
(Préface d’André Verdet)
Sept heures d’absence. Les Editions Varia
Montréal, 2002
L’Homme de Berlin. Editions du Losange, Nice, 2006
Pour l’Amour de Chair. Editions du Losange, Nice, 2006
La femme clandestine. Editions du Losange, Nice, 2009
La mère de Pierre. Editions du Losange, Nice, 2010
Le Syndrome de Stockholm. Editions du Losange, Nice, 2011
Dance for love. Editions Sudarène, 2015
L’Homme de Berlin (réédition). Editions La Gauloise, Nice, 2016
Le Voilier Bleu. Editions La Gauloise, Nice, 2017


Marie-Agnès COUROUBLE
mort derrière le mur
Roman
Les Editions La Gauloise
Hors série


Maquette de couverture INNOVISION
Crédit photos FOTOLIA
Tous droits réservés pour tous pays
Copyright 2017 – Les éditions La Gauloise
2474 avenue Emile Hugues, 06140 Vence
ISBN : 979-10-95453-82-6
ISSN : 2607-9666
Mort derrière le mur


PRÉFACE
Marie-Agnès Courouble traite avec délicatesse et pudeur un sujet tabou. Soixante ans après la fin du conflit on n’ose à peine en France aborder un fait incontournable de notre histoire : la collaboration. La peur règne encore, peur de mal dire, peur d’être soupçonnée de complaisance, peur d’être mise au pied du mur à son tour.
Pour Marie-Agnès, la douleur et la rédemption sont ailleurs. Son récit n’a pas besoin de grille de lecture. Son frère a été fusillé en janvier 1946, accusé de collaboration. Un salaud... Pour la gamine de l’époque et plus tard la femme, la question ne se pose pas. Son frère, elle l’admirait, elle l’aimait, même si parfois il l’agaçait. Ce jeune homme, Henry, toute la famille l’adorait, le gâtait. Pour s’exonérer de tout reproche on prenait comme bouc émissaire les maladies qui ravageaient son corps souffreteux. Mais Henry, par romantisme pervers, par conviction, par amour, par aveuglement choisit la mauvaise route, celle qui va le conduire contre le mur par une brumeuse matinée d’hiver.
Marie-Agnès, à 15 ans, est trop jeune pour intervenir, trop âgée pour se refuser à compter les marches qui conduisent son frère en enfer. Comment en est-il arrivé là ? L’auteur ne s’appesantit pas, ce sont les dernières heures qui l’obsèdent et plus nous avançons en sa compagnie, plus il nous fascine nous aussi, spectateurs d’un drame qui pourrait être le nôtre.
Mort derrière le mur était la première partie de cette narration sèche et tendue où le pathétique joue en sourdine.
L’homme de Berlin pourrait être considéré comme une variation inutile sur le même thème. Il n’en est rien. Avec L’homme de Berlin, le projecteur se fixe sur un protagoniste resté dans l’ombre, l’ami allemand d’Henry, Heinrich Schulz.
Dès le mois de janvier 1946, Heinrich écrit à la mère d’Henry, c’est le début d’une longue correspondance à sens unique : la mère ne répond jamais. Elle ne répond pas mais elle lit, elle découvre l’amitié profonde qui liait son fils à ce jeune Allemand sensible et cultivé. Pourquoi Heinrich écrit-il, pour demander pardon ? Il sait qu’il ne l’obtiendra pas. Pour se flageller d’avoir conduit à la mort son ami, son seul ami ? Par soucis de rédemption ?
Marie-Agnès ne nous livre pas la clé, ou plutôt elle laisse planer une explication : Heinrich, au-delà de l’horreur et de la mort elle-même, tente l’impossible pari d’un amour où le mot fin n’apparaîtrait jamais.
C’est avec une grande sobriété de moyens et d’écriture que Marie-Agnès Courouble nous fait partager le tête-à-tête de deux solitudes. Pas de pathos, pas de dialogue, rien sinon la ligne invisible reliant deux êtres que tout devrait séparer et qui découvrent que le souvenir du malheur vaut mieux que l’indifférence et l’oubli.
Raoul Mille


*
Il neige. Les fleurs sont lourdes. Le ciel a les tons de la détresse.
Je songe à raconter une histoire vraie, peu glorieuse, l’histoire de la mort de mon frère.
J’hésite, on a tout écrit sur la guerre. Mais elle m’étouffe. Je me méfie de moi.
Il faut vraiment que je m’exorcise.
Il neige depuis dix heures, des heures blanches.
Je sais que je fléchis, mes défenses s’écroulent. Je dirai tout.
Pourtant j’ai peur des mots. Mes mots inventent. Il faut livrer les faits.
Tout reprendre depuis le début.
Il faut que j’accepte de redevenir très jeune.
Alors j’entends mon frère.
Il entre, il boite, j’ai reconnu son pas dans le couloir, il rejoint notre table familiale, il est en retard, ma mère réchauffe ses plats.
Il entre, chaque fois je le découvre.
Oh oui ! Il est beau, intelligent, drôle. Il nous raconte sa plaidoirie et les derniers incidents du Palais. Je suis subjuguée, éblouie.
A la cuisine ma mère s’occupe de lui.
Il ne l’épargnera pas. Depuis sa maladie ma mère lui pardonne tout.
Henry est un infirme. Depuis des années on le soigne à la neige carbonique. Voyages à Paris, professeurs, décapage des coudes, des genoux, des pieds.
Notre salle de bains est condamnée chaque matin.
J’entends le bruit de sa fourchette, il la tient avec deux doigts, il la pose délicatement.
Il a des croûtes sur chaque phalange.
Je vois ses mains décharnées sur le volant de la voiture.
Il boite et nous l’oublions. Souvent sa lenteur m’agace mais la vivacité de son esprit m’excite. Je suis petite et je l’écoute.
Jusqu’à la guerre. Elle fait irruption comme une fête, confuse, bruyante.
L’arrêt des classes, la sirène que la nuit exaspère, la radio continuelle, les tranchées creusées très vite en face de la maison, j’ai peur, quelque chose a changé, les retards d’Henry se prolongent, sa verve m’étourdit, il commente les événements d’un ton qui nous alerte.
Est-ce qu’il commence déjà à nous trahir...
Les sirènes hurlent, nous courons dans les caves, à peine déclarée, la guerre fait tressaillir la ville, un orage vibre au ciel, les bombes sifflent tout près, je ne m’amuse plus du tout. Il faut partir.
L’exode, un été brûlant, d’autres caves et d’autres tranchées, des granges où nous nous replions pour la nuit, où l’angoisse me tient éveillée. Mon père y circule tranquillement, il nous rassure et plaisante.
Puis des parcs somptueux, des châteaux, les chambres y ont des odeurs de pomme.
La guerre m’enivre. Je profite des lits très hauts, des draps de toile fine et des édredons.
Ma mère guette le courrier. Trois de mes autres frères sont partis à bicyclette vers des camps hypothétiques.
Henry conduit la voiture, ses mains sont vieilles, je ne les vois plus, sa voix me suffit, elle m’emplit, elle est passionnée.
La chaleur nous écrase. C’est la moisson. Le tracteur est un insecte qui bourdonne sous ma fenêtre, je voudrais le rejoindre, je voudrais m’asseoir sous les arbres, regarder mon frère qui boite, il a une belle jeune femme à son bras, il rit, il s’est fait des amis, le soir je les entends chanter dans le jardin.
Mon frère me fascine. Ses histoires sont inépuisables.
Les Allemands ne sont plus loin ? Il hausse les épaules, il nous rassure, il écarte le danger comme on chasse une guêpe.
Nous les guettons. Je reste plantée au portail, je surveille l’arrivée des chars, j’ai envie de danser sur la route.
Les nouvelles sont contradictoires, le Limousin s’affole et mon grand-père prend des « dispositions ». Toute cette partie de la France vit dans l’attente, un peu à bout de souffle.

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