Métro Berri-UQAM
79 pages
Français

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Description

Un après-midi gluant, typique d’un été torride montréalais, la station de métro Berri-Uqam écrase d’humidité.
Centre nerveux du réseau de métro de la Société de transport de Montréal, c’est ici que tout commence. Et que tout se termine.
Une explosion.
Qui et pourquoi ?
Des personnages qui auraient tous les motifs du monde de perpétrer cet attentat se dévoilent dans les pages. Le dénouement surprend.
Avec ce suspense, Denis-Martin Chabot nous propose un style bien différent auquel il nous a habitués.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2021
Nombre de lectures 31
EAN13 9782898311475
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Interruption de service
La chaleur étouffante d’août s’engouffre dans les tunnels du métro de Montréal.
Dans les années 60, les concepteurs français, craignant que les usagers gèlent en raison des grands froids canadiens, avaient installé des chaufferettes dans les trains, qui n’ont jamais été utilisées. Ils n’avaient toutefois pas prévu de système de refroidissement, ni dans les wagons ni dans les stations. La Société de transport de Montréal, la STM, a, depuis, improvisé de la ventilation en des points stratégiques tout le long du réseau. Elle soulage à peine les passagers les jours de canicule alors qu’ils doivent subir l’air ambiant humide et irrespirable.
Passe toujours l’heure de pointe du matin, quand les gens sont frais lavés, mais au retour à la maison, le soir, l’odeur de transpiration de certains est suffocante.
À 17 heures, en pleine heure de pointe, les voyageurs qui s’entassent le long du quai de la station Berri-UQAM font tous les efforts possibles pour ne pas se regarder. Se voir suffit amplement. Évidemment, cela n’inclut pas les couples ou les amis qui font la navette ensemble vers leur domicile.
Parmi eux, on retrouve des employés de bureau qui viennent de quitter leurs gratte-ciels de verre et de béton, des commis de boutiques et de magasins, des ouvriers et des étudiants. Oui, des étudiants, car certains suivent des cours pendant la session d’été.
Des passagers fatigués par leur longue journée de travail ! Ils n’ont d’autre désir que de rentrer chez eux, s’asseoir sur le balcon ou dans la cour, une bière froide en main.
Une annonce retentit :
« Attention, une panne de train cause un ralentissement de service sur la ligne verte. Attention, ralentissement de service sur la ligne verte. La STM vous remercie de votre compréhension. »
Un murmure se hisse dans l’air lourd dans lequel se distingue l’exaspération des usagers devant cette énième panne dans la même semaine. Les wagons utilisés sur la ligne verte sont les plus anciens du réseau. Ils datent du prolongement des années 70 pour accommoder l’affluence engendrée par les Jeux olympiques de 1976. Leur ventilation inadéquate les transforme en saunas roulants. La STM a récemment acheté de nouvelles voitures, mieux aérées, mais toujours pas climatisées. Seulement quelques-unes circulent sur la ligne verte.
La station Berri-UQAM est le centre névralgique du réseau, reliant trois lignes par un vaste labyrinthe complexe de couloirs souterrains, sur quatre niveaux. Le plus profond mène à la ligne jaune qui se rend à Longueuil sur la Rive-Sud. L’étage au-dessus sert à la verte, circulant entre l’est de la ville et l’arrondissement LaSalle dans l’ouest. Puis, sur un autre plus haut, l’orange passe au-dessus, connectant le nord de la ville et même la ville de Laval. Enfin, un palier supérieur, juste sous la rue, sert d’accès à la station, reliant l’Université du Québec à Montréal — justifiant d’ailleurs l’acronyme UQAM ajouté au nom de la station —, la Grande Bibliothèque et la place Dupuis. Plus de 12 millions de personnes passent par ses tourniquets chaque année, ce qui en fait la plus achalandée du système.
C’est probablement la station la plus laide aussi. Les petites pastilles grises couvrant ses murs lui donnent une allure de toilette sale et poussiéreuse. Le tout est accentué par l’éclairage au néon qui fait que tout ce qui pénètre son enceinte perd son éclat. Il donne un teint verdâtre et maladif aux usagers au regard déprimé.
Dans cet éclairage blafard, personne ne remarque plus le magnifique vitrail de Pierre Gaboriau suspendu au-dessus des voies de la ligne verte en direction est. Cette œuvre rend hommage aux fondateurs de Montréal, dont Jérôme Le Royer, sieur de La Dauversière, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, et Jeanne Mance. L’histoire s’oublie ainsi dans la négligence du patrimoine.
« Attention, le service est rétabli sur la ligne verte. La STM vous remercie. »
Soudain, comme s’il voulait se rappeler à la mémoire des passagers qui l’ignorent depuis trop longtemps, le vitrail vole en éclats. La déflagration est digne d’un coup de tonnerre d’un orage violent d’après-midi, mais apprécié, venant rafraîchir l’air en fin de journée de canicule.


Frustration
Vasilis Kostas, changeur du métro, n’a aucune raison de rabrouer la passagère qui lui demande quelle direction du métro prendre pour se rendre à la Place des Arts. Il n’en a aucune, si ce n’est qu’il déteste son travail et qu’il est particulièrement de mauvais poil.
— C’est écrit sur l’affiche, là ! Vous ne savez pas lire ?
Fait chier !
Comme plusieurs confrères, il se venge sur la clientèle. Il choisit précieusement ses victimes. Il ne s’en prend qu’aux gens qui lui semblent sans défense. Les personnes âgées sont sa cible de prédilection. Viennent ensuite les femmes frêles aux allures craintives. Puis les gens qui semblent souffrir d’un quelconque problème de santé mentale. Bref, il y va pour ceux qu’il estime pouvoir intimider facilement. Quand d’autres lui résistent, il force la voix et les menace d’expulsion. Toutes les raisons sont bonnes pour abuser de son autorité.
Comment a-t-il appris à exprimer sa virilité dans la domination des autres ? Un mystère ! Ou peut-être pas, car les courants machos trouvent toujours écho dans les cours d’école, le sport et les tavernes. De nos jours, on dirait que les réseaux sociaux en sont le terreau le plus fertile.
Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie, dit-on !
Des amis d’enfance racontent que Vasilis était un type très distrait et très maladroit quand il était gosse — il l’est encore de nos jours, mais à un moindre degré. Il trébuchait facilement. Il s’est cassé une jambe en tombant d’un… trottoir. Il s’est ouvert plus d’une porte d’armoire en plein visage pour se retrouver avec un œil au beurre noir. Combien de fois s’est-il coupé en tranchant des légumes au couteau de cuisine ! Ça le frustrait tellement qu’il en rageait pendant des heures après. Des jours, même ! Et il l’exprimait jusqu’à l’école, à la cour de récréation ou dans les corridors, où il s’en prenait à tout ce qui était différent.
Vasilis serait-il aussi le produit du machisme que certains affublent à son pays méditerranéen d’origine, la Grèce ? Pourtant, il n’a pas été élevé dans des traditions sexistes. Sa mère et son père, Grecs de deuxième génération, bien adaptés aux valeurs d’égalité des sexes qui prévalent dans le monde, lui ont donné un bon exemple.
Finalement, Vasilis est le produit de… Vasilis. Il est devenu macho, sexiste et raciste par lui-même. La haine, ça s’attrape comme un virus d’influenza. La preuve : la montée de l’extrême droite et de son populisme dans le monde. L’élection récente de Donald Trump aux États-Unis, que Vasilis admire, en est un exemple. Tout comme celle de Jair Bolsonaro au Brésil.
La gauche, les féministes et le mouvement gai sont un complot pour… Pour quoi encore ?
Il ne sait pas.
Ce n’est pas important. Un complot est un complot.
Vasilis n’a pas d’arme à feu, mais il s’oppose aux lois qui en contrôlent la possession. Il croit sérieusement au recours à la violence, mais à défaut de nos jours de pouvoir en faire usage comme certains le souhaiteraient — on ne peut plus frapper sa conjointe ou ses enfants, ni quiconque en général, comme dans le bon vieux temps —, il sait user de l’intimidation. Des paroles méchantes et du sarcasme aussi !
Il est d’humeur massacrante parce que la semaine précédente, la STM lui a refusé sa demande de retraite anticipée dont il voulait se prévaloir en vertu d’un programme très lucratif. La STM a offert des indemnités de départ à ses employés dans le but de réduire sa masse salariale. À la surprise de son service de ressources humaines, l’offre a été plus populaire que prévu. Trop même ! À la fin du processus, une poignée seulement d’entre eux ont été acceptés. Lors de l’annonce du programme, la direction avait pourtant expliqué qu’un nombre très limité d’indemnités serait disponible et qu’elle se réservait la discrétion de choisir les élus. Elle ne s’attendait pas à autant de mécontentement, sauf peut-être de la part de Vasilis, qui n’en est pas à ses premiers esclandres envers son employeur.
L’an dernier, l’employé au tempérament aussi bouillant que le climat méditerranéen d’été dans le pays de ses aïeux, la Grèce, avait été réprimandé pour avoir tenu un langage ordurier envers un client qui lui avait tenu tête. L’altercation faisait suite à une simple demande d’information de la part d’un touriste marocain égaré. Le tout avait été enregistré en vidéo sur un téléphone intelligent par un témoin qui l’avait diffusé sur Instagram. L’incident était devenu viral en quelques heures.
— Je ne suis pas guide touristique, calvaire ! Câlisse -moi patience et va voir le comptoir infotouriste à deux coins de rue d’ici.
— Mais monsieur, je ne comprends pas.
— Fais de l’air, sacrament . Tu ne vois pas que je suis occupé ?
— Je vous demande pardon. Je veux seulement me rendre avec ma famille à la Ronde…
— Tu n’as pas compris, hostie de minable ! Va voir sur la carte, là, sur le mur, tu vas voir où ça se trouve, avait lancé Vasilis en pointant le plan du métro sur le mur d’en face.
L’homme et les siens avaient obéi.
— Ciboire d’Abdoulah qui vient poser des bombes chez nous ! avait-il poursuivi assez fort pour que ce soit capté par le téléphone du témoin. Et tu es mieux de payer, maudit voleur d’Ali Baba ! Puis il avait lancé à plus haute voix encore : Tu pourrais peut-être sortir ton tapis volant, ça irait plus vite !
L’histoire s’était déroulée un dimanche matin. Vasilis était furieux de devoir travailler un weekend. Il déteste ça. Pourtant, c’était son tour, comme le prévoyait son horaire de travail.
Heureusement que le syndicat est là pour le défendre, sans quoi Vasilis aurait été mis à la porte depuis belle lurette. Par contre, avec cette affaire

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