Mes nuits avec Bowie
127 pages
Français

Mes nuits avec Bowie , livre ebook

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127 pages
Français

Description

« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. » Le Petit Prince , Antoine de Saint-Exupéry   À Cat, À Domi, S OMMAIRE Titre Exergue Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Chapitre 23 Chapitre 24 Chapitre 25 Chapitre 26 Chapitre 27 Chapitre 28 Chapitre 29 Chapitre 30 Chapitre 31 Chapitre 32 Chapitre 33 Chapitre 34 Chapitre 35 Chapitre 36 Remerciements Rosalie Lowie Collection Copyright 1 Ça aurait dû être un jour comme les autres. Malgré mes tentatives avortées de contrer le cours des choses. Régulièrement, j’avalais du bout des lèvres des mélanges de riz noir, gingembre, huile de noix de coco pour déclencher la fièvre (en vain). Je frappais mon nez pour provoquer d’hypothétiques saignements (en vain encore). J’allais respirer le dégueulis ou les selles de mon chat pour me faire vomir (les haut-le-cœur me crispaient, mais pas au point de dégobiller). Le tout orchestré en cachette, sur de pseudo-conseils dénichés sur Internet, mais irrémédiablement voués à l’échec. En dehors des larmes de rage désespérée qui me nouaient la gorge et giclaient au coin de mes yeux. Du haut de mes seize ans, je n’étais pas grand-chose dans ce monde immense.

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Date de parution 05 mai 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782819506980
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

« On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »
Le Petit Prince , Antoine de Saint-Exupéry

 
À Cat,
À Domi,
S OMMAIRE
Titre
Exergue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Remerciements
Rosalie Lowie
Collection
Copyright
1

Ça aurait dû être un jour comme les autres.
Malgré mes tentatives avortées de contrer le cours des choses. Régulièrement, j’avalais du bout des lèvres des mélanges de riz noir, gingembre, huile de noix de coco pour déclencher la fièvre (en vain). Je frappais mon nez pour provoquer d’hypothétiques saignements (en vain encore). J’allais respirer le dégueulis ou les selles de mon chat pour me faire vomir (les haut-le-cœur me crispaient, mais pas au point de dégobiller). Le tout orchestré en cachette, sur de pseudo-conseils dénichés sur Internet, mais irrémédiablement voués à l’échec. En dehors des larmes de rage désespérée qui me nouaient la gorge et giclaient au coin de mes yeux.
Du haut de mes seize ans, je n’étais pas grand-chose dans ce monde immense. Cette prise de conscience me rongeait les sens. Mes bras potelés n’avaient pas la force de stopper la vague puissante ou de détourner le courant. L’existence ressemblait à un spectaculaire mascaret dans le prisme de mes lunettes de myope. Balayant tout sur son passage, à commencer par moi. Les images du mur de neuf mètres de la rivière chinoise Qiantang, propulsée à près de quarante kilomètres à l’heure à contre-courant, hantaient mes cauchemars. J’étais engloutie en deux temps, trois mouvements.
Pourtant, tout avait bien commencé dans ma vie.
Dotée d’une nature simple et joyeuse. D’une âme bienveillante et généreuse. D’un esprit vif et curieux. Entourée d’une famille farfelue et aimante. Mon problème (qui n’en était pas un pour moi, mais le devenait à cause des autres) résidait dans mon physique replet (certains diraient «  potelet  » ou «  grassouillet  » ou «  bien en chair  » ou encore «  obèse  »). Manque de bol, j’étais aussi miro, d’où des lunettes aux verres épais juchées sur mon nez. La paire, que j’avais choisie à cause de sa couleur rouge pétard, était trop grande pour mon visage, elle accentuait mes oreilles décollées et glissait fréquemment. Beaucoup s’en moquaient et, au début, je n’y prêtais pas attention. Je m’en fichais. La chance m’était donnée de pouvoir discerner l’univers en deux modes : impressionniste ou réaliste. Je pouvais à loisir, en fonction de mes envies ou de mes humeurs, en ôtant puis remettant mes lorgnons, changer d’atmosphère, de tonalité, de précision, de focale. Mais les méchants quolibets ou les railleries finissaient par écailler ma bonhomie originelle. Et ces derniers mois, les coups de canif se répétaient. Mon cuir s’attendrissait, l’agneau rosissait sous les assauts de cette bande d’odieux abrutis. Je saignais sous les meurtrissures endurées au lycée, à filets minces, méandreux, entre les plis épais de mes chairs.
Bien évidemment, j’enfouissais mes douleurs angoissées. Je faisais mine d’encaisser, de ne rien laisser paraître. J’étais plutôt douée pour arborer le masque lisse du bonheur ou de la belle indifférente. D’autant que, tournée vers les autres, je ne faisais pas trop cas de mon ego. Nombril bien enseveli dans mon ventre dodu. Mais, à la longue, ça s’avérait pénible. Je m’effritais lentement de l’intérieur.
D’un soupir, j’ai repoussé mon humeur maussade pour me concentrer sur l’instant et tendre l’oreille. Par-delà les ronflements de mon chat (un énorme matou orange) vautré de tout son long sur les draps, on grattait à la porte.
– Romy ?
Un ange maternel est apparu dans l’entrebâillement, auréolé d’une couronne de lumière.
Plissant un front surpris, j’ai cherché du regard mon radio-réveil qui trônait d’ordinaire sur ma table de chevet. Je me suis penchée sur le côté pour voir s’il s’était fracassé au pied du lit. Parfois, dans mes nuits agitées, je gesticulais tant et si bien que mes bras faisaient tout valdinguer, les objets, mon oreiller, le chat. Mais rien. Pas plus que mon portable avec la coque en plastique doré.
– Romy chérie, a-t-elle répété, alors qu’un sourire radieux lui mangeait la moitié du visage.
Concentrée, je sentais bien un truc étrange dans son expression ou la tonalité de sa voix. Un «  je-ne-sais-quoi  » d’inhabituel, même si elle restait, envers et contre tous, une tornade d’excentricité, par nature imprévisible.
– On a tenu un conseil de famille.
– Ah bon ? Quelle heure est-il ? Je ne trouve plus mon radio-réveil.
– Huit heures trente.
– Bordel, je suis en retard pour l’école !
J’ai hurlé, repoussé les draps sur mon chat. Il a bondi hors du lit, les poils hérissés, en feulant d’effroi. Une montée de stress m’a irradié les tempes alors que mon cœur s’emballait.
– Non, a fait calmement ma mère. T’inquiète !
– Non ? ai-je répété hébétée.
– J’ai prévenu la directrice qu’il y avait un léger contretemps.
– Tu plaisantes ?
– Pas le moins du monde.
– Mais j’ai un contrôle de maths ?! Je vais me faire défoncer.
C’était terrible cette fâcheuse manie de vouloir ardemment quelque chose, de le désirer plus que tout, de le rêver chaque nuit, de promettre ses saints, la terre entière, d’être prêt à se damner pour l’obtenir, à mentir, voler, tuer même, pour soudain, quand le vœu s’exauçait, lui barrer la route les paupières closes, la respiration en suspens sur un déni total, la main sur la poitrine à la limite de l’arrêt cardiaque. Alors (Dieu seul savait pourquoi), on le refusait du plus profond de soi. La réalité dérobée, imméritée, avait la saveur coupable du délit ou de l’improbable délice auquel on ne croyait plus.
– Tu vas faire l’école buissonnière.
– Ah ?!
– Nous décrétons être en vacances à partir d’aujourd’hui et pour le temps qu’il faudra. J’ai travaillé d’arrache-pied au salon pendant les fêtes de fin d’année. Un peu de repos me fera le plus grand bien et rien de tel qu’une trêve pour tous se retrouver.
Ma famille s’avérait peu conventionnelle (je le savais depuis des lustres ; on me serinait au lycée que nous étions tous zinzins), et ça n’était pas la première fois que l’un d’eux décidait ou réalisait quelque chose de pas ordinaire. J’y étais habituée pourtant, mais j’arrivais encore à me faire surprendre.
– La directrice est d’accord ? ai-je fait en clignant des yeux sceptiques au travers de mes loupes.
– Oh, elle  ! a-t-elle minaudé. Je lui ai dit que tu étais souffrante. Elle n’y a vu que du feu.
– Vraiment ?
D’un revers de la main, elle a balayé la question. Ma mère éludait les sujets qui la chatouillaient ou l’embarrassaient, avec une facilité déconcertante.
– Mon tél. Tu sais où il est ?
– Dans le coffre-fort, avec les autres et ton radio-réveil.
Bouche bée, je l’ai dévisagée alors qu’elle ouvrait la fenêtre sur l’hiver exquis. Ce pâle lundi de janvier diffusait une fraîcheur mordante. Les poules caquetaient dans la bassecour, ignorant les fanfaronnades sporadiques du coq qui peinait à se faire respecter. Un des chiens aboyait son désœuvrement. Les branches d’arbres défeuillées frissonnaient.
– On va vivre hors du temps, s’isoler de la violence du monde à laquelle d’ailleurs on ne peut pas grand-chose, mettre sur pause la frénésie des réseaux sociaux.
– Génial !
J’ai sauté hors du lit, après un ultime instant d’incrédulité. Une onde de bien-être a alors déferlé dans ma poitrine, réchauffant mon petit cœur malmené. J’ai déposé mon plus beau sourire sur mes lèvres charnues. J’irradiai soudainement d’un feu ardent. Plus besoin de vains stratagèmes pour repousser l’école et rester douillettement à la maison.
Cette journée avait la saveur des jours heureux. Ça n’avait pas de prix.
2

Elle avait rencontré mon père (le biologique) à un feu de la Saint-Jean sur une plage des Landes. Alors en vacances chez des cousins (enfants de bonne famille et noceurs dès que les adultes avaient le dos tourné), la soirée s’annonçait allégrement alcoolisée (il était bien connu que la bourgeoisie aimait s’encanailler). Des pétards circulaient de bouche en bouche, pendant que les bouteilles de gin, de vodka et de bière tintinnabulaient dans les fumées blanches. L’été festif étincelait dans les regards humides. La musique tambourinait, s’entremêlait à la rengaine soyeuse des vagues. Les rires bruyants et les conversations animées criblaient la nuit étoilée d’une joyeuse humeur contagieuse. Les flammes jaunes se dressaient hautes vers le ciel, ondoyaient, crépitaient.
Gisèle Lherminet se trémoussait, pieds nus dans le sable. Elle ondulait les hanches, arrondissait les épaules, courbait ses mains gracieuses dans le flamboiement. Muée en danseuse de flamenco le temps d’un morceau d’électro envoûtante. Elle avait trop bu, mais son alcool se dévoilait musical, langoureux. Il y avait ceux qui piquaient du nez, s’écroulaient de sommeil sur la plage. Certains avaient le verbe haut, la tristesse ou l’énervement chevillés au cœur, à deux doigts d’en découdre pour des motifs qu’ils oubliaient aussitôt. D’autres étaient d’intarissables moulins à paroles de tout et de rien, poètes d’un soir de lune. Et lui, mon père (le biologique), avait l’alcool amoureux. L’émotion l’avait saisi en apercevant la danseuse. Puis l’excitation en l’enlaçant pour la faire virevolter sur la plage. Gisèle avait ri, tourbillonné, ri encore, à gorge déployée. L’air de l’Atlantique saupoudré de la morsure du brasier lui avait rosi les joues, le front, les cuisses. Elle exhalait la beauté brute de l’innocence. Elle se souvenait vaguement qu’il était blond et trapu. Elle avait ri encore. Puis, épui

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