Madame... s il vous plaît...
274 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Madame... s'il vous plaît... , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
274 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Traversée tout entière par l'obsession du double, cette histoire d'amour et de mort tisse, autour d'une mystérieuse femme fatale en mal de son enfance, une toile invisible où chacun risque de se perdre. Les vies d'un sculpteur de renom, d'une jeune étudiante, d'un écrivain paumé et de bien d'autres s'en trouveront à jamais bouleversées. Mêlant contes et nouvelles, poésies, lettres, journaux intimes, ce roman très personnel abolit les frontières entre le rêve et la réalité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 juin 2015
Nombre de lectures 15
EAN13 9782332930095
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-93007-1

© Edilivre, 2015
La petite fille
D’aucuns, sans doute, auraient utilisé le métro ou le bus. Moi, je préfère marcher. Et puis, j’aime ces nuits d’hiver naissant, quand le brouillard léger s’étale, estompe chaque ligne d’un soupçon de mystère. Bercée de loin en loin par quelques tremblantes lumières, la ville s’endort en pointillés. Par la magie insaisissable de ce flou artistique, l’image brutale que le jour impose, acquiert alors comme un cachet d’eau-forte. Dans cet instant s’éveille un monde subtil d’équivalences où fusionnent enfin la couleur et le son : tonalités, nuances se retrouvent, s’unissent pour un nocturne en bleu et noir, des variations subtiles d’or et de gris, une symphonie concertante pour étoiles et croissant de lune. Me revient en mémoire « bleu et argent », une toile de James Abott Mac Neil, découverte l’an dernier à la Tate Gallery… Mélancolique traversée de la sensation pure à l’organisation structurée d’un univers imaginaire… « Bleu et argent »… C’était aussi le chatoiement des yeux de Pierre…
Le pont s’étire à la nuit dans le froid humide. J’avance sans hasard et bien emmitouflée.
« Madame… S’il vous plaît… »
Une petite fille a pris ma main. Je pose mon regard sur elle.
« Madame… S’il vous plaît… »
Elle semble si jeune, si frêle. Surprise de la pâle candeur de son visage ; étrangeté de sa brusque présence sur ce pont à cette heure tardive… Aussitôt je pense à quelque apparition, aux caprices du froid, à l’emprise immodérée de certaines idées chaotiques… Ferme les yeux ! Respire lentement, profondément… Le pont réapparaîtra vide et froid comme il n’a jamais cessé d’être. Les yeux clos, j’avance plus posément. Je sens sous mes pas couler le fleuve large et sombre. J’entends battre mon cœur calme et détaché. Encore quelques instants, une ou deux précieuses minutes, et je retrouverai la présence de mes seuls pas sur l’asphalte glacé.
Mes paupières se relèvent. La petite a disparu. Je ne peux retenir comme un vague sourire. Arrêtée, je m’accoude aux pierres gelées du parapet. Les eaux lourdes charrient, inexorables, des reflets d’encre. Invite à l’oubli… Dérive… Pourtant j’ai la mémoire qui brûle ; je me souviens de l’avenir. Je suis un peu lasse et je me laisse aller. Depuis combien de temps, combien de jours, d’années, me suis-je abandonnée à ce flux imprévisible ? Glisser en riant, se laisser porter, parfaitement disponible… Je perçois le froid vif sur mes tempes, perfide, précis. Une douleur lente s’installe, tout d’abord sourde puis lancinante. Je n’aurais pas dû m’arrêter… Je secoue la tête. Je ne crois pas aux fatalités, aux destins implacables. D’ailleurs je ne crois en rien. A vrai dire, je ne me suis même jamais posé ce genre de question. Je vis bien, libre de tout souci, de toute envie, totalement indépendante. Le temps, pour moi, n’existe pas ou depuis si longtemps… Je collectionne simplement les cailloux, les recettes de cuisine, les billets de train, d’avion, de parking, ainsi que de rares objets miniatures et le visage de quelques amants qu’il m’arriva de mouler dans le plâtre. Et puis il y a le carnet… le carnet bleu… Une couverture rigide pour faire propre… D’un tissu chaud entre les doigts, pour faire lourd… Ce carnet, je l’ai acheté il y a plusieurs années déjà dans une foire à la brocante… C’était à X…… Une petite ville sans importance dont j’ai désormais oublié jusqu’au nom… Il m’avait plu et je ne sais pas résister à ce qui me plaît. J’avais hésité longuement sur l’usage que je pourrais en faire. Un carnet bleu, bleu sombre, large presque comme un cahier. Depuis, il ne me quitte presque jamais. A l’intérieur, pêle-mêle, des croquis, des adresses, des numéros de téléphone, jetés là, sans ordre, au hasard des voyages… Parfois je le feuillette sans raison, simplement pour me souvenir d’un lieu, d’un visage, d’une odeur, d’un parfum… J’aime les rencontres… Toutes les pages sont numérotées. C’est le seul indice de classement mais il ne sert rigoureusement à rien. Je palpe la poche intérieure de mon manteau. Mes doigts trouvent l’étoffe particulière. Il est là ! Une sorte d’assurance me revient…
Quel froid sur ce pont ! Je devrais rentrer et dormir. Demain… demain… Les voitures se font de plus en plus rares. Bientôt les piétons n’existeront plus. Le gel dessine de petites étoiles sur le trottoir. Je m’évertue à marcher les pieds bien à plat pour éviter de glisser. Comme c’est beau cette brillance du givre et cette multitude de formes imprévisibles qui se créent en un instant et disparaissent tout aussi vite pour renaître différentes quelque part ailleurs… J’ai un faible, depuis toujours, pour les miniatures, les petits détails à la perfection étonnante. Sans cesse ils me surprennent et je passe des heures à les découvrir. Ils me ravissent. Dernièrement, chez un vieil antiquaire de la rue Bonaparte, j’ai déniché une exquise petite maison de verre, une sorte de cube transparent avec des murs, des portes, un toit, par lesquels la lumière entraîne le regard. A l’intérieur, une scène de repas entre amis, semble-t-il, dans le cadre doucereux et feutré d’une salle à manger bourgeoise du 19 ème siècle. A première vue, les convives n’ont rien d’original. Pourtant, très vite, je peux distinguer que ce sont en fait des moustiques autour d’une table ronde. Au milieu de la table, un bouquet de fleurs mauves. Les assiettes sont bien remplies. L’un des moustiques fume un énorme Havane. C’est sans doute le maître de maison puisqu’il porte des pantoufles. Le bout de son cigare est rouge, d’un rouge très vif, très chaud. J’ai tout de suite aimé cette miniature pour un tas de raisons qui n’étaient point toutes obscures… Une question de souvenirs…
Pourquoi en douter ? Ma vie s’écoule pleine et agréable. Nul désir inassouvi, aucune envie insatisfaite… Depuis le premier jour je suis très bien avec moi-même. Nous nous entendons à merveille et sommes parfaitement d’accord sur tout, même si quelques fois nous devons discuter…
Je marche un peu plus vite, pressée par le froid toujours vif. Demain je prendrai un taxi. Je revois l’assommante soirée, noyée de bulles, dans laquelle je m’étais si stupidement aventurée. J’y connaissais tout le monde et pour cela, sans doute, l’ennui me fut si vite insupportable. Je suis encore à sourire en souvenir de mon départ précipité, lorsque mon regard s’arrête sur une petite forme, assise là, sur le parapet, à quelques mètres. Une petite forme frêle, comme dénuée de toute attache. Une robe légère sur un corps mince et fragile. Blondeur des cheveux, tremblement de l’image. Elle est si jeune, si douce, si calme…
« Madame… S’il vous plaît… »
Elle s’est mise debout et me tend la main. J’aurais pu faire comme si…
« Madame… S’il vous plaît… »
* * *
Le vent… Quelle idée…
Bien sûr qu’il est mort… Depuis longtemps…
Zoltan
La soirée (1)
Aujourd’hui, Zoltan Pollock est véritablement ce qu’il convient d’appeler un homme comblé.
Rien ne désignait pourtant le jeune enfant fragile au succès qu’il connaît depuis plusieurs années. Se souvient-il encore de la petite forge paternelle à l’entrée du village ? D’aucuns pourront penser que c’est là, marqué très tôt par le goût d’un travail achevé, qu’il puisa l’essentiel de sa vocation, au contact étroit de la matière brute. Certains, saluant avec respect ce technicien exceptionnel, ne manqueront pas d’évoquer, sans sourire mais avec déférence, l’Ecole Nationale Supérieur des Beaux Arts de Paris et l’atelier du bon J.B. Rien ne remplacera jamais les vertus indispensables d’un enseignement rationnel et structuré, dépositaire sacré de la culture établie… S’il admire en secret les Maîtres de la Renaissance, c’est bien loin des académies que Zoltan a su glaner un peu partout ses leçons. Il ne renie pas les influences de Picasso, de Laurens, Duchamp-Villon ou Brancusi mais il intègre sans exclusive les arts africains ou les options d’un Gabo, d’un Pevsner… Il n’appartient à aucune école en vérité. Ce n’est pas le fruit d’une volonté, mais plutôt celui du hasard et la conséquence évidente d’un individualisme chronique. Il n’aura sans doute aucun héritier. Plus tard, on parlera de lui en évoquant peut-être l’abstraction géométrique, la schématisation expressive, une recherche permanente de la plénitude des formes alliée au souci constant de la lumière. De tout cela il n’en a cure. Tout est beaucoup plus simple et il sourit de ces esthètes diplômés qui décortiquent, autopsient à loisir l’œuvre de tout créateur reconnu. Après ce genre d’opération, avant même, l’homme est déjà mort ! Cela ne sert à rien ! Jamais il n’a cru un seul instant à l’analyse et il se méfie de ces faux artistes qui expriment en réalité leur absence de talent au travers d’invraisemblables justifications, d’absurdes charabias ésotériques, faussement intellectuels et savants… Une œuvre ne vaut que par ce qu’elle est, par l’émotion qu’elle suscite. Tous les discours sont inutiles. Ils ne servent qu’à salir la vérité, à tenter vainement de masquer le vide. Zoltan ne s’est jamais interrogé pour découvrir ce qu’il voulait dire, révéler ou transmettre. Il ne veut rendre compte que de la vie, de ce qu’il juge essentiel, l’espace et le temps, accordant à la ligne sa propre force d’expression, au-delà du volume, intégrant l’espace comme une composante essentielle de sa création.
Sans trop avoir compris comment, sans l’avoir véritablement recherché, il a connu très vite une réputation solide. Les commandes se sont accumulées, toujours plus importantes, toujours mieux payées… Il a su comme personne, avec talent, génie peut-être, transformer chacune de ces nouvelles contraintes en un problème q

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents