Les Pendoirs de Picardie
258 pages
Français

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Les Pendoirs de Picardie , livre ebook

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Description

« Les cordes étaient là, usées, oscillant doucement sous l’effet du vent qui s’engouffrait par moments par les grandes portes du hangar. Les tabourets étaient en place, en attente d’un nouvel arrivant. La routine de sa vie familiale basculerait en même temps que le tabouret. »
Une tradition picarde bousculée par le monde moderne, un audit d’entreprise qui tourne à l’enquête policière, un amour malmené par la vie.
À coups d’images picardes, d’ambiances finement rendues, de rencontres avec des personnages originaux, d’humour parfois grinçant, l’auteur nous entraîne de rebondissements inattendus en lieux étranges, d’instants de suspense en moments magiques.
Une histoire de fuites devant la vie, de destins qui se croisent, s’emmêlent, s’éloignent pour mieux se retrouver, pour se livrer des clés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332717436
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-71741-2

© Edilivre, 2014
Citation


Le but de l’existence humaine est d’atteindre le ciel sur la terre.
James REDFIELD
Les pendoirs de Picardie
 
 
Depuis quatre jours, le compte à rebours a commencé. Je l’ai déclenché jeudi matin avec ce coup de téléphone que je n’avais plus imaginé donner un jour.
Je roule maintenant depuis bientôt deux heures et les souvenirs resurgissent aussi vite que les bornes kilométriques.
Parmi toutes les images de notre passé commun, de tous ces instants colorés d’émotions fortes et diverses, je ne sais laquelle me vient en premier, bien avant toute autre.
Ça va me faire drôle de revoir Judith.
Jeudi
Je viens de terminer mon plan d’audit en fixant l’heure de l’incontournable réunion de clôture à dix-sept heures, et la fin de l’audit à dix-sept heures trente. La nuit sera alors en train de tomber au moment où je quitterai l’entreprise pour remettre le cap sur Paris, à deux grosses heures de voiture même en bénéficiant d’une large portion d’autoroute. Et je savoure à l’avance mon futur départ, inscrit maintenant dans le marbre de ce plan de mission qui sort en ronronnant de mon imprimante.
Cette fois-ci, une mission pour le compte d’une imprimerie, située dans la Somme. Une entreprise spécialisée dans la réalisation de documents de type listing carboné et d’imprimés institutionnels, tout au moins pour l’essentiel de l’activité, avec l’État comme client apparemment majoritaire à plus de 30% du chiffre d’affaires, des imprimés de type CERFA, sans doute.
Assis à ma table de travail, des images d’une Picardie que je connais mal, auxquelles s’ajoutent celles aperçues ici ou là dans des magazines se superposent à mes idées grises. Le regard perdu derrière les baies vitrées sales de ce grand séjour qui me sert aussi de bureau, je chemine au bord d’un voyage intérieur et mélancolique. Du bout de rocade que j’aperçois, monte le bruit assourdi du flux des voitures. Les cris des gamins, dans la cour du collège, quelques étages sous mon balcon, s’imposent pour donner au tableau une couleur de vie plus organique.
C’est au moment où je terminai la lettre d’accompagnement standard adressée au Représentant de l’Entreprise , que des images de Judith vinrent se superposer à l’écriture de ce courrier type que je connais par cœur, car trop souvent répété. Peut-être au souvenir de ce week-end pluvieux que nous avions passé tous deux ensemble dans la Somme, à Amiens, il y a quatre ans de cela.
Nous avions quitté Paris un samedi matin, à la recherche de dépaysement, après avoir tiré au sort une des fiches descriptives du classeur ATLAS des Villes et villages de France . C’était Amiens. Ce n’était pas si loin, et les cinq ou six images entourées de texte, sans doute soigneusement choisies par l’éditeur, nous avaient décidés à un départ immédiat. Amiens ou ailleurs, l’important c’était de s’évader.
Aussi loin que je me souvienne, j’affectionne de partir à l’aventure, à la découverte de ce qui m’entoure, comme ça, soudainement. Même en bas de chez moi, comme appelé par un besoin vital et impérieux. Aussi, mes amis me considèrent-ils depuis toujours comme un expert en tourisme micro local, un explorateur de l’inédit dans le banal, un traqueur de l’image que l’on ne perçoit pas au premier abord.
Tout en rassemblant les documents de préparation de cette mission, éparpillés sur la moquette autour de mon bureau comme autant de papillons épuisés, des images fugitives de Judith continuaient à surgir en moi : ce week-end à Amiens, et quelques bribes de souvenirs que je croyais à jamais oubliés retrouvaient une matérialité surprenante. Comme des choses inutiles redécouvertes avec surprise dans son garage, alors que l’on pensait bien les avoir jetées. L’impression en est la même : dérangeante.
C’est au moment où je donnai par accident un coup de pied dans cette bouteille entamée de Foster’s, vestige de la soirée d’avant-hier, que me vint la curieuse envie d’appeler Judith, maintenant, comme par inadvertance, contrariant ainsi ma relation peu commune avec tout ce qui peut ressembler à un téléphone.
A genoux, nettoyant la moquette, comme un archéologue dans ses fouilles, je continuais à mettre à jour mentalement les souvenirs de notre vie de couple.
Allez savoir pourquoi, autant je sais facilement enterrer les choses, aussi aisément je sais les exhumer, et c’est sans grande difficulté que je retrouvai le numéro de portable de Judith, dans un vieil agenda au fond d’une boite à cartes postales.
Les téléphones, e-mails et autres innovations galopantes assimilées n’ont jamais eu ma prédilection dans ma relation avec les autres. Je préfère ce contact humain direct, terriblement tangible, dans lequel je suis pourtant largement perfectible…. Mais grâce aux progrès des technologies de communication, et sans doute aussi à la fidélité étonnante de ses abonnés, clients, ou esclaves (je ne connais pas la terminologie relative à ce sujet…), j’eus la surprise d’entendre Judith décrocher, à l’instant où mon pied écrasait un apéricube égaré là.
– Oui allô ?
– Judith ?
– Oui.
– C’est Stéphane.
Je n’allai pas plus loin, je n’avais pas idée d’une suite, l’expérience devant s’arrêter là.
– Tiens ! Bonjour toi ! Toujours vivant ? Tu t’es acheté un téléphone ?
Curieusement, je n’ai pas de téléphone portable, pas même pour mes activités professionnelles ; juste une messagerie à mon cabinet et une assistante d’une autre époque, pas plus qu’un répondeur à la maison, où je passe peu de temps.
La spontanéité de Judith et le son joyeux de sa voix contrastaient toujours avec son regard qui semblait perpétuellement triste. Cela me surprit à nouveau, comme quand on retrouve un vieux réflexe.
La décision de se revoir à l’occasion de mon déplacement à coté d’Abbeville fut, j’imagine, immédiate, et c’est avec peine que je me rappelle les quelques phrases que nous nous sommes échangées. La sélectivité de ma mémoire m’étonnera toujours.
– Alors, comment fait-on pour se retrouver mardi prochain ? avait relancé Judith.
– … Je n’en sais encore rien, mais maintenant que je viens de retrouver ton numéro de téléphone, je t’appellerai après ma première journée d’audit. On trouvera bien comment faire….
Cela me laissait le temps de réfléchir et de rafraîchir mes souvenirs, mais aussi celui de m’interroger sur les motivations de ma démarche, qui m’échappaient encore.
– OK, tu m’appelles !
– Je t’embrasse – Bye !
Cela avait été court, et tout aussi efficace qu’inattendu. Facile même. La plasticité de la réalité ne cessera de m’étonner… ainsi que sa sensibilité aux petits évènements, comme pour les systèmes chaotiques en physique.
Je me rends compte que j’ai toujours alterné des périodes de chaos et d’autres d’une inertie redoutable, et je ne sais pas sur quoi s’arrêtera mon choix, pour peu que ce mode de fonctionnement s’arrête un jour.
Quelques mois après notre week-end à Amiens, Judith avait décidé d’aller consommer notre rupture là-bas, et s’y était finalement installée.
Elle travaillait maintenant comme serveuse dans un bar à bières sur les bords de Somme, m’avait-elle appris. Je me souviens aussi qu’elle m’avait dit s’être mariée voilà plus d’un an… On verrait ça mardi soir.
 
 
Lundi
J’étais descendu à l’hôtel de la gare.
Fatigué par le jour déclinant, j’avais quitté la nationale pour faire étape avant de poursuivre vers Abbeville, le temps de prendre un café ou un demi de Ch’Ti. Et j’avais décidé de rester ici.
Un panneau m’avait invité à quitter la route pour m’engager sur celle qui conduisait à ce gros bourg ramassé autour de son clocher, se détachant comme un pieu noir enfoncé dans le ciel gris. Le village s’était replié sur lui-même à l’écart de la nationale et de son flux de camions usés. La Somme, que longeait une voie ferrée venant et allant on ne sait où, s’épanchait tout alentour en de multiples étangs.
Je passai la porte de ce qui semblait être un de ces bars de campagne, typiques de la région, signalé par une enseigne lumineuse de La Semeuse accrochée au pignon, à la manière d’un phare guidant les marins. Un regard aux autochtones rassemblés au comptoir, et à ceux jouant avec des cartes jaunies autour d’une table en formica, me donna la désagréable sensation de débarquer ici comme une incongruité citadine perturbant la vie locale.
Le comptoir avait une couleur vert d’eau usée, comme dans un souvenir de mon enfance, quand j’avais dû escalader un tabouret à barreaux pour espérer atteindre une possible limonade attardée là-haut.
L’ambiance était paisible, sans cette musique omniprésente que les patrons de nombre de bars parisiens se sentent obligés de diffuser pour attirer la clientèle. Ici, pas de brouhaha, seulement des voix claires se détachant les unes des autres. Ici, on vient pour se rencontrer, pas pour boire un verre entouré de sa solitude ou des barrières que l’on élève autour de soi pour se protéger, faire le fier ou marquer sa différence.
En les regardant discuter, l’accent picard me semblait taillé sur mesure pour être porté avec ces vieux bleus de travail usés et ces gâpettes. L’ensemble du décor affichait une cohérence manifeste. J’avais l’impression de faire tache avec mon costume et cette sacoche en cuir qui ne me quitte jamais, et depuis trop longtemps.
Je commandai un demi. Le patron me le servit comme ça, sans sous bock à même le zinc poli.
J’étais fatigué par la route en cette saison et par la sourde inquiétude qui règne en moi, comme à chaque fois à la veille d’une mission, même bien préparée.
La nuit se répandait déjà, sournoisement. La brume se levait en même temps que la lune et la lumière des réverbères de l

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