Les nuits de Portinfern
64 pages
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Les nuits de Portinfern , livre ebook

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Description

Le commissaire spécial ROMBAL, alias « Le brigadier gris » est convoqué par le major Lamberty, dans son appartement de Béthune, pour lui demander d’enquêter sur des faits mystérieux se déroulant au Manoir de Portinfern, sur l’île de Jersey où il vit la plupart du temps avec sa femme, surnommée « La Dame de Portinfern » et de nombreux domestiques.


D’abord, ce fut la mort d’une gouvernante, écrasée par la chute d’une porte de l’enceinte.


Ensuite, la rupture des câbles du pont au moment où la voiture de la Dame y pénétrait.


Puis, de menus incidents.


Le commissaire ROMBAL ne voit là guère plus que des malheureux hasards, mais il va changer d’avis quand, en quittant le bureau de son hôte, un lourd tableau accroché au mur lui choit sur la jambe.


Après une courte hospitalisation, il décide de poursuivre sa convalescence au grand air iodé de Jersey... afin de se plonger dans l’ambiance, pour le moins étrange, de Portinfern...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791070037829
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COMMISSAIRE ROMBAL


LES NUITS DE PORTINFERN

Par
E. L. RICHARD
I

Whisky ?... Si ! Goûtez, il est bon ! De l'Écossais… Premier ordre !...
Monsieur le Major, la goutte me torture ; vous comprendrez ma discrétion.
Et Rombal retira tout de suite son verre.
Le soir d'avril, piquant et doux, entrait par la large fenêtre qui donnait sur le quai de Béthune.
Mais je vous écoute !... reprit le commissaire spécial après avoir bu une gorgée de ce whisky fameux, je vous suis…
Eh bien ! Voici, dit M. Lamberty. Ma femme, la Dame de Portinfern, comme on dit chez nous, a tenu à ce que je vous voie et vous consulte… Nous avons, depuis quelques années, éprouvé des… mettons, incidents fâcheux dans notre maison. Ils sont trop répétés pour n'être que des accidents. Une volonté perce dans la constance de ces faits préjudiciables à notre tranquillité et peut-être à notre existence… Ouais ! Monsieur le Commissaire spécial. D'abord, ce fut notre fidèle Élodie Dupont, la gouvernante de ma femme, qui mourut, surprise un soir par la chute d'une porte massive de l'enceinte de Portinfern, à Jersey.
« Ensuite, ce furent les câbles supportant le petit pont suspendu qui relie Portinfern à l'îlot de Breck qui se rompirent, juste au moment précis où la voiture de la Dame y pénétrait…
« Fort heureusement, Ophir (c'est le prénom de la Dame !) avait quitté le siège un peu avant… Une enquête judiciaire ne révéla rien…
« D'autres faits, moins graves, il est vrai, ont suivi ceux-là…
« L'ensemble, n'est-ce pas ? est troublant !...
Le major allait d'une fenêtre à l'autre. C'était un grand bonhomme, au crâne ras, le teint rouge. Fils d'un consul de France à Jersey, d'origine normande, il avait servi dans l'armée anglaise. Il avait le grade de major, lorsqu'il quitta l'uniforme pour épouser une femme plus jeune que lui de quinze ans, une Dame – seigneuresse – d'un Manoir (1) , à Jersey, et vassale du roi d'Angleterre qui est toujours duc de Normandie, comme on sait.
Dans l'appartement du quai de Béthune, les Lamberty vivaient, durant une partie de l'hiver, quand ils n'étaient pas à Londres pour les cérémonies. Dès le printemps, ils regagnaient leur Jersey.
Rombal regardait ce grand corps traverser en trois enjambées le vaste cabinet, aux boiseries du XVIII e siècle, orné de hauts cadres où les Seigneurs et les Dames de Portinfern, en grand apparat, regardaient vivre l'humanité sans lustre de 193… Ici, le premier de la lignée – une interprétation d'un élève de Gros – là, la visite du duc de Normandie, roi d'Angleterre, en 1915, par un certain Abadie, de l'atelier Gustave Moreau.
Le major s'arrêta soudain :
Ah ! Monsieur le Commissaire spécial, vous vous demandez peut-être quel intérêt nous a poussés, la Dame et moi, à vous importuner de cette suite d'incidents, vous, homme de Paris, sceptique et accoutumé à des drames logiques… Ouais !
Rombal fit un geste qui voulait dire :
« De quoi vous inquiétez-vous ? J'ai l'habitude d'entendre des histoires de toutes les sortes ».
Moi, Roch Lamberty, je n'ai pas accoutumé de perdre mon temps en bavardages. C'est qu'il y a autre chose, monsieur le Commissaire spécial !... J'ai peur que l'accumulation de ces faits n'influe sur la santé… spirituelle de ma femme. Tenez, elle a voulu partir tout de suite, sans attendre la date fixée de notre retour, sans attendre même que je sois dégagé de vingt invitations, d'autant de rendez-vous. J'ai dû rester, moi ! Ah ! Ah !
« Je dois vous confirmer, sir (2) , en passant, ce que je vous ai dit par lettre. La Dame de Portinfern et moi avons, chez le Premier Président de la Cour d'Appel, rencontré le Docteur Louis, médecin légiste. Lui ayant fait part de nos inquiétudes, il a bien voulu nous conseiller de vous appeler. Ouais !
« Le commissaire Rombal, nous a-t-il dit, a l'habitude de ces imbroglios-là. S'il voulait étudier le vôtre, le débrouiller… Car vous avez tout intérêt à voir clair… etc. »
« Telle est la raison qui m'a imposé la démarche que j'ai faite, et je vous ai prié de venir… Par malheur – je vous l'ai déjà dit –, ma femme est partie pour Jersey dès vendredi. Elle n'a pas pu résister à la dernière en date des émotions que le sort nous a imposées, je veux dire, l'incendie qui a ravagé sa chambre.
Un incendie ?...
Monsieur le Commissaire spécial, le feu s'est déclaré, le croiriez-vous, dans un fauteuil, un rideau s'est enflammé ensuite. Cela paraît tout simple ! Si Gory n'avait été là… ! Eh bien ! Essayez, vous, d'allumer un siège, essayez de mettre le feu à une tenture ! C'est difficile comme tout !...
Qui est Gory ?
C'est le frère de lait de la Dame. Ils ont été élevés ensemble à Guernesey. Il nous suit en voyage, s'occupe du bagage, etc. Nous l'appelons le page.
Rombal avait pris un cigare dans une boîte ouverte sur la table et il le fumait doucement, en fermant à demi les yeux. Il était évident que ce milieu, nouveau pour lui, était gâté par un goût accusé de l'excentricité sinon par la folie. Ce major l'amusait ; il ne parvenait pas, cependant, à le passionner.
Il toussa :
C'est la fumée, dit-il doucement.
Le commissaire Jean-Marc Rombal avait alors cinquante-cinq ans. Il vivait, après une belle carrière remplie d'aventures assez dangereuses, philosophant sur son métier, écrivant parfois quelques souvenirs que Ludovic Buet publiait dans le Grand Journal. Il voyageait de temps à autre avec le Chef de l'État, accompagnait les ministres importants, les hautes personnalités étrangères, mais il ne s'occupait guère des enquêtes banales. On l'appelait, par aventure, au ministère de l'Intérieur, lorsqu'on se souvenait de lui, pour le consulter sur quelque affaire difficile. Il fallait que ce fût le Docteur Louis, vieil ami de trente ans, avec qui il avait fait ses débuts dans les enquêtes, qui l'y engageât, pour qu'il eût accepté l'invitation de M. Lamberty. Il savait d'ailleurs qu'il pouvait escompter des honoraires très estimables.
Le major parlait toujours. Il expliquait sa vie au Manoir de Portinfern : huit mois par an, parmi vingt serviteurs – vingt-trois exactement – des fermiers, des amis, Français, Anglais, Jersiais, dans cette Jersey, île du Soleil comme l'on dit en Grande-Bretagne. Il répétait les faits, redisait les circonstances, rapprochait des mots, des phrases, citait des noms : le régisseur Bertin-Lefaur, la servante de la Dame, Adélaïde et Pierre Gory, le « page ».
Êtes-vous sûr de vos domestiques ? demanda Rombal, pour endiguer ce verbiage.
Absolument ! Tous Jersiais ou Bretons ! Pas un Normand !... Qui sont plus ouverts, mais moins solides.
La Dame de… Portinfern est bonne pour eux ?
Quelle question ! Je ne tolérerais pas, sir, une attitude hautaine dans ma maison… Notre noblesse, monsieur le Commissaire, n'est pas maniérée. Elle vit près de la terre. Elle a de la race, non pas de la morgue. Nous ne sommes pas Anglais, mais Normands !
Bon ! Bon ! Madame Lamberty viendra-t-elle bientôt ?...
Ouais ! Dites… la Dame de Portinfern ! Si elle reviendra ? Ah ! Pas si tôt ! Je vous l'ai dit.
Eh bien ! monsieur le major, je penserai à loisir à ce que vous m'avez fait connaître. Nous nous reverrons. Ne passez-vous jamais près de la gare Saint-Lazare ? J'ai là mon bureau… Et, lorsque je me serai fait une idée…
« Je dois vous dire qu'au premier abord tout cela me paraît… comment dire ? un peu singulier… Quant à y découvrir un dessein criminel… Hum ! Pour user de ces termes… il faut être sûr, vous savez !...
Vous serez étonné de ma modération…
Attention ! Ne soyez pas obsédé ! Ne vous forgez pas des idées simplistes !... Je ne vous serai vraiment utile qu'après avoir parlé avec madame… avec la Dame de… de Portinfern… avec les domestiques aussi…
« J'aimerais aussi connaître le plan du manoir.
Le Commissaire spécial jeta son cigare dans une potiche chinoise qui servait de cendrier et se leva.
Encore une larme ?... Premier ordre ! Ouais !
Merci ! Merci !
Rombal se dirigea rapidement vers la porte, suivi par le major.
À très bientôt… À très…
Il n'acheva pas. Comme il écartait la portière, l'énorme tableau où l'on voyait le Seigneur de Portinfern, accueillant le Duc de Normandie, roi d'Angleterre, à la Crique, en 1915, chut avec un grand bruit.
Rombal fut renversé. Le cadre massif l'avait atteint au genou.
Pas mal ! grogna-t-il en essayant de se relever. Pas mal !... Je suis obligé de convenir qu'il y a ici de la suite dans les idées.
« Monsieur le Major, j'ai quelque chose de cassé là-dedans ; je demeure étendu sur le tapis. La plaie n'est pas ouverte… Rendez-moi le service de téléphoner à la Préfecture de Police. Qu'on envoie une ambulance ! Vite ! Vite !...
Et il serra les dents.
Le major, frappé de stupeur, fit un effort, courut vers son bureau où se trouvait le téléphone.


(1) Manoir, résidence du seigneur dans les îles anglo-normandes qui, en plein XX e siècle, sont sous le régime féodal. Il y a un Manoir dans chaque paroisse. [Retour]
(2) On parle français, normand et anglais, à Jersey. Et les trois langues se mêlent parfois dans la bouche des habitants. [Retour]
VIII
...

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