Les Nouvelles Frontières
280 pages
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Les Nouvelles Frontières , livre ebook

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Description

Tout comme son soldat de rêve, un « Greyback » de la guerre de Sécession, qui vient hanter son sommeil, AM va devoir sortir de sa torpeur ou y laisser sa peau. Une sombre histoire de prélèvements ADN qui tourne mal, sa rencontre avec Elisha vont le mener à travers son pays en quête de témoins. Des « ombres » vivant en marge de la société qui vont croire en lui et le sacrer prophète. Ensemble, ils partent à la conquête de la vérité, d'un territoire, et surtout d'eux-mêmes. D'étendues vastes et désertiques, la nature va se rétrécir autour d'eux et les pousser au plus profond de leur intimité jusqu'à l'île prisonnière de l'hiver où tout pourrait recommencer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 novembre 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342058369
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Nouvelles Frontières
Sophie Ferré
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Les Nouvelles Frontières
 
 
 
Un vieil Indien explique à son petit-fils que chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent bataille.
 
Le premier loup représente la sérénité, l’amour et la gentillesse.
 
Le second loup représente la peur, l’avidité et la haine.
 
« Lequel des deux loups gagne ? » demande l’enfant.
 
« Celui que l’on nourrit » répond le grand-père.
Sagesse Amérindienne
 
1
Petit matin tiède et calme sur la campagne. À croire que les Suisses avaient décidé du temps qu’il allait faire. Neutre.
 
Il était bien trop tôt pour A.M. qui n’avait plus l’habitude de se lever avant le soleil, même si bien souvent il était déjà à demi-conscient à cette heure essayant d’éviter de penser à toutes les autres aubes, et à Elle.
La plupart du temps il essayait de comprendre ses rêves qui l’emmenaient régulièrement sur les champs de bataille. Étrange pensait-il pour un homme qui n’avait combattu dans aucune guerre de se retrouver plongé au cœur de luttes violentes. Il était un soldat qui traversait les époques et les continents et qui finissait toujours par tomber sous les baïonnettes, les balles, les flèches, les coups de couteau d’un autre soldat.
La nuit dernière, il avait tenu le rôle d’un « greyback », un sur le million ayant participé aux combats de la guerre de Sécession, et apparemment un conscrit, le nœud serré qui lui brûlait le ventre le lui indiquait ce matin gris et humide le long de la Big Black river. Il participait à une des batailles de la campagne de Vicksburg dans le Mississipi en ce mois de mai 1863. Ulysses S. Grant et son armée fédérale du Tennessee marchaient sur eux alors en retraite. C’était bientôt la fin. Mille huit cents hommes furent capturés, mais pas lui qui comme à chaque fois mourait la tête tournée vers le ciel dans un dernier souffle où il pensait à Elle. C’était à ce moment précis qu’il se réveillait, hébété, angoissé, en colère de ne pas pouvoir contrôler cette partie de sa vie. Son but ces dernières années avait été de ne faire qu’un avec sa douleur quitte à laisser filer le reste. Là, c’était comme si l’homme dans ses rêves le trahissait en la lui volant. Il savait que ses années d’intérêt pour l’histoire alimentaient ces épisodes nocturnes. On pouvait les qualifier d’érudits. Lieux, dates, noms, actions, tout était juste. Sa mémoire en dépit de ses excès restait fiable. Sa croix à porter, il se souvenait de tout.
 
Il avait lutté et pris goût à l’alcool, pouvait citer des dizaines de noms de somnifères, anxiolytiques et plantes pas toujours légales, avait passé des nuits devant ses séries préférées en espérant que les aventures de héros plus cassés que lui le soulageraient ou lui apporteraient une solution. Il n’était pas taillé pour devenir un baron de la drogue ou un tueur en série. Son automédication avait engendré quelques dépendances tenaces.
Beaucoup de ses amis et collègues, surtout femmes, avaient pensé qu’il était à sauver. Ils étaient en mission. Il avait dû leur paraître brutal et égoïste quand il les avait rejetés parfois physiquement, ou ignorés. Ils étaient comme des points flous dans son champ de vision, et il souhaitait qu’ils le restent. La haine était apparue : « Tu ne la méritais pas. Je me demande comment elle pouvait te supporter. » Il s’était fait traiter de « Sale gros con de macho. Lâche social ». Une vraie galerie de monstres. Un ami zélé l’avait bastonné un soir. Il s’était retrouvé la tête dans le caniveau avec l’arcade sourcilière ouverte et un œil façon meurette. Il s’était laissé faire comme son soldat, ne pouvant faire face. Du statut de victime, il passa à celui d’ennemi public. Il avait fui.
Sur les conseils d’un moine bouddhiste qui lui avait promis le retour express du sommeil, de la paix de son esprit libéré des toxines alimentaires du monde moderne, il avait même jeûné pendant quelques jours. Les urgences l’avaient recueilli avec huit de tension, son âme le torturant de plus belle. Parfois, il allait passer quelques jours chez son beau-frère et sa femme près de la mer. Les seules personnes d’avant qu’il voyait encore. Il avait toujours apprécié Mark qui bien que très différent physiquement et de caractère de sa sœur la lui rappelait de par son énergie et le recul qu’il prenait par rapport à la vie. Avec eux il n’y avait jamais de cette fausse joie dont les autres avaient voulu l’abreuver, ils ne prétendaient pas penser les uns à la place des autres. Ils étaient juste ensemble, et ça fonctionnait bien ainsi. Quand son esprit était occupé, ils le laissaient être là près d’eux. Et puis Mark savait comment lui faire comprendre doucement quand il allait trop loin et qu’un simple regard porté sur lui révélait des nuits trop courtes et imbibées en l’appelant Dude quand il descendait l’escalier le matin pour venir prendre un café bien noir. Il était alors temps de couper un peu cette barbe et ces cheveux qu’il portait aux épaules et qui avaient fini par grisonner la quarantaine passée. Un été qu’il était resté avec eux, ils avaient essayé de le sevrer de toutes substances. Il s’était davantage brisé et avait laissé surgir une dose d’agressivité difficilement gérable. Leurs vies menacèrent de sombrer dans le chaos le plus total. Aucun d’entre eux ne le souhaitait. D’un commun accord, ils étaient allés à la supérette locale faire un plein de boissons. Il s’était excusé, ils en étaient restés là.
Leurs neveux avaient en quelque sorte été leurs enfants de substitution. Sa nièce avait continué à lui envoyer des cartes postales d’où elle voyageait, pour son plaisir, ses études, maintenant son nouveau travail au Canada. Il avait gardé ses clichés cartonnés dans une boîte. De sa première carte adressée de colonie à la neige quand elle avait six ans, à sa dernière il y avait de cela quelques semaines postée de Calgary lui annonçant son embauche, lui demandant d’être le parrain de son bébé à venir, lui proposant de lui rendre visite. Il devait se secouer, et irait avec son frère. Comme avant quand ils partaient tous les quatre avec Elle. La voir les quitter avait été difficile à vivre pour eux deux qui n’étaient alors que des jeunes adolescents pleins de vie et de force. Le tonton qu’ils connaissaient s’étiolait petit à petit avec elle. Un sentiment nouveau était apparu, la gêne. Celle qu’ils ressentaient en sa présence ne sachant quoi faire et quoi dire pour le soulager. La sienne vis-à-vis de ces deux jeunes êtres qu’il aimait tant, mais dont il devait s’éloigner pour ne pas les abîmer. Ils se côtoyèrent chez leurs parents où le petit cercle s’était agrandi avec les copains, les copines et les petits amis.
 
Son nerf optique était comme une corde tendue, et son mal de crâne était de retour. Il se demandait si les coups de crosse du fusil Sharps portés à la tempe de son soldat de rêve n’étaient pas réels. Il devait prendre rendez-vous chez un ophtalmologiste depuis des semaines car ses verres de lunettes ne lui convenaient plus, mais comme toute chose pratique dans son existence cela traînait.
Il baissa un peu le volume du morceau de Cat Power « Silver Stalion » qu’il avait choisi pour une de ses compilations. Il aimait vraiment cette artiste avec sa voix à la fois puissante et douce qu’ils avaient vue en concert à ses débuts. Les sorties s’enchaînaient à cette époque, restaurants, concerts, expositions, repas entre amis. Ils avaient choisi d’habiter en ville pour cette raison. Sans enfant, c’était une situation idéale. Ils se sentaient libres, se délectaient de l’effervescence urbaine.
Après, tout cela lui parut inutile. Il vendit leur appartement, partit à la campagne dans un coin silencieux, et laissa tomber son poste de formateur. Il aimait toujours les autres, mais il ne savait plus comment fonctionner avec eux. Cela l’épuisait et l’engloutissait davantage. Les longs trajets en voiture pour se rendre aux archives devinrent une routine agréable. Même si le plus souvent il était vaseux le matin, il aimait voir les changements de la nature au fil des mois. C’était devenu son repère temporel. Parfois, il apercevait un cerf ou un renard dans un champ et il s’arrêtait pour l’observer. Il enviait leur savoir inné. Chaque stimulus avait sa réponse enregistrée dans une banque de données ancestrales.
 
C’était apaisant de penser qu’il existait des êtres. dont la vie était certes précaire, mais le but défini. La survie. Le moindre bout d’insecte était mieux équipé que lui pour cela.
Il roulait à vitesse moyenne sur la petite route de campagne quand son téléphone sonna.

— Salut A.M., tu es debout ? En route pour la journée d’école ?
— Peter… C’est tout bon. J’ai dû garder la plaquette de présentation de la dernière session… Quelque part… Dans la voiture.
— Oh, on fait du zèle !
— Tu parles… Attends-moi à la cafétéria. On se prend un jus, OK ?
— OK, à toute.
 
Quand il était arrivé aux archives après un an d’errance, il avait douté que ce nouveau travail que Mark et Lily lui avaient trouvé par connaissance puisse l’intéresser suffisamment pour y rester. Il avait toujours choisi ceux qu’il avait occupés, s’était investi pour les obtenir. Le cap du retour à l’emploi, celui-ci en particulier, avait été difficile. Dans un sens, ce fut une aubaine d’avoir à traiter des documents à longueur de journées plutôt que des personnes au tout début. Son dossier médical lui permit d’obtenir un mi-temps, un volume de travail modéré qui lui d

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