Les Amants de Lamalou
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Les Amants de Lamalou , livre ebook

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Description

Lamalou-les-Bains, station thermale des Basses-Cévennes dans l’Hérault, en 1907. La Villa Fontenay héberge des prêtres curistes qui viennent soigner leurs rhumatismes aux thermes. Dirigée par Mademoiselle de Fontenay, sa fondatrice, et par le père Bouzigue, la Villa va connaître un mois de juin très agité. Elle va devenir le centre d’une vengeance terrible, conçue et réalisée par une femme effacée mais déterminée, Émilie Chavardès. Pendant que les vignerons en colère grondent dans la plaine de Béziers, la paisible station thermale s’enflamme au rythme des opérettes d’Offenbach jouées au théâtre municipal.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juillet 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332768261
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-76824-7

© Edilivre, 2014
Chapitre 1
« La femme dont le cœur rêve n’a pas de sommeil ; chaque jour elle se lève avec le soleil. »
Eurydice dans Orphée aux enfers , musique de Jacques Offenbach, livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy.
Quand Violette Aizeux prit le chemin de Combes, le soleil était à peine levé. Les brumes montaient de la vallée. On entendait rouler les galets du Bitoulet, le torrent qui traverse Lamalou. L’orage de la veille avait donné beaucoup d’eau et le cours d’eau habituellement si mince était gonflé comme un serpent repu. Il menaçait le bourg construit sur sa rive droite. Il en était ainsi à chaque pluie violente. Le barrage de l’Horte, en amont, n’était qu’un projet et les habitants de la vallée s’en remettaient à Dieu quand le Marin déployait sa fureur de pluie et de vent au printemps et à l’automne.
Nous étions en juin. Violette connaissait le parcours de Lamalou à Combes par cœur. Elle aurait pu le couvrir les yeux fermés. Une longue montée à travers les terrasses plantées de vignes, puis avec l’altitude, apparaissaient les céréales et enfin la forêt de châtaigniers. Violette n’aimait guère ce passage assombri par les feuillages épais. Alors elle baissait la tête et songeait aux leçons qu’elle dispenserait dans la journée. C’est qu’à peine sortie de l’école normale de Montpellier, elle avait été affectée dans ce fin fond de l’Hérault entre les monts de l’Escandorgue et ceux de l’Espinouse. Il n’y avait pas plus isolé que Combes dans le département et c’était la hantise de toutes les normaliennes sortantes que de se retrouver au pied du mont Caroux * . Heureusement, le train passait par Lamalou dans son périple entre Bédarieux et Castres. Il s’y arrêtait pour déverser son lot de curistes. Et au retour de Castres, il chargeait ceux qui avaient terminé leurs soins et regagnaient les grandes villes du Languedoc ou poursuivaient vers le nord, jusqu’à Paris pour certains. Violette empruntait les trains de la compagnie des chemins de fer d’Orléans et du Midi pour rentrer à Béziers où vivaient ses parents. Lamalou était une station thermale réputée, dotée de plusieurs bains, de nombreux hôtels, de meublés et de pensions de famille. Le casino faisait le plein les soirs de spectacle lorsque la troupe permanente donnait des opérettes. Violette logeait chez mademoiselle de Fontenay qui tenait une pension de famille respectée, la villa Jeanne d’Arc. En face de la pension, se tenait la villa Fontenay, un grand bâtiment carré de deux étages que la généreuse demoiselle avait fait construire pour héberger les prêtres qui souhaitaient traiter leurs rhumatismes à Lamalou.
Violette était bien loin des thermes dans sa classe unique de Combes. La solitude lui pesait. Mais la vue magnifique sur la vallée de l’Orb qui s’offrait à son regard depuis les fenêtres de l’école la distrayait sans fin. Ses élèves étaient peu nombreuses et sages. Du cours préparatoire au certificat d’études, elles étaient une vingtaine à fréquenter l’école publique. La classe des garçons, à peu près aussi nombreux que les filles, était tenue par Hector Billanges, jeunes instituteur lui aussi, natif des Cévennes de la Lozère et heureux de se retrouver dans l’extrême sud de ces montagnes au climat difficile et au relief tourmenté. Du sommet du Caroux, facilement accessible par son flanc nord, on voyait la Méditerranée, dominée par le mont Saint-Clair de Sète. Béziers la vineuse semblait à portée de main.
Violette et Hector s’entendaient bien. Ils passaient les récréations à bavarder de pédagogie (« Ah ! L’enseignement de la division, quel casse-tête ! »), de politique en ces temps agités du côté de Montpellier, de Béziers et de Narbonne. Les vignerons grondaient, atteints de plein fouet par la crise. Les deux jeunes enseignants tenaient ensemble la petite cantine, sous le préau de l’école. Ils y accueillaient les enfants venus de trop loin pour rentrer chez eux déjeuner. Ces derniers apportaient leur fricot, généralement un peu de lard salé avec quelques châtaignes bouillies. Violette leur offrait la soupe de légumes qui mijotait sur le poêle de sa classe toute la matinée. L’odeur de cette cuisson se mêlait à celle de l’encre et au parfum des quelques fleurs que les élèves les plus attentives avaient cueillies sur leur chemin vers Combes.
Violette parcourait les derniers cent mètres avant l’école quand elle croisa Emilie Chavardès qui descendait de Douch. Elles se saluèrent d’un signe de tête. Emilie n’était pas bavarde. Elle était pressée de rallier Lamalou où elle travaillait au service de mademoiselle de Fontenay dans la villa des prêtres curistes. Les deux femmes se connaissaient mais n’avaient jamais échangé davantage qu’un bonjour ou un bonsoir.
Emilie empruntait le même chemin que celui parcouru par Violette. La descente était plus rapide que la montée et elle fatiguait les genoux d’Emilie, robuste comme bien des femmes des Cévennes méridionales mais qui approchait de la quarantaine. Elle avait de bonnes jambes, entraînée qu’elle était dans sa jeunesse à suivre les vaches ou les moutons. A quinze ans, après avoir obtenu son certificat d’études, elle fut placée dans une ferme à quelques kilomètres de Douch, son village natal. La ferme de l’Espinouse sise aux sources de l’Agout sur les hauts plateaux inondés par le parfum des aubépines au début du mois de juin. Les hauts plateaux à l’herbe grasse bonne pour le lait. Elle avait bien aimé ces quelques années où elle vécut isolée avec les fermiers qui l’employaient, les Crouzet. Affectée à la garde des bêtes aux beaux jours, elle passait ses journées dans les prés avant de raccompagner autour de six heures les animaux vers l’étable où elles seraient traites. L’hiver, on dormait beaucoup, pour économiser la chandelle. Les journées étaient occupées par les travaux de vannerie. Les paniers plaisaient beaucoup aux curistes de Lamalou qui les achetaient à bon prix, sans barguigner.
C’est à cette époque qu’Emilie avait croisé le chemin du père Castanhier, alors affecté à la paroisse de Cambon. Elle se rendait chaque dimanche à la messe avec la famille Crouzet au grand complet. Tout endimanchés, le père, la mère, les deux garçons et la fille. Le grand-père avait trop mal aux jambes pour parcourir les six kilomètres entre la ferme et le bourg où se trouvait l’église. On aurait pu atteler la charrette mais la jument était bien vieille et on économisait ses forces pour les travaux des champs. Le grand-père Crouzet, veuf depuis quelques années, était sourd comme un pot mais avait conservé l’œil égrillard et Emilie n’aimait pas trop rester seule avec lui à la ferme.
Emilie devinait maintenant les toits des premières maisons de Lamalou. Elle n’était pas en avance et hâtait le pas vers la villa Fontenay. La lessive l’attendait. Les draps des pensionnaires avaient été changés ce matin et elle allait les descendre avec sa brouette jusqu’au lavoir situé au fond du jardin. Entouré de peupliers et de saules, c’était un endroit charmant surtout l’été par les fortes chaleurs. Il était moins charmant quand il fallait passer des heures à battre le linge, le savonner, le battre à nouveau, le rincer et l’étendre. En dépliant un drap, Emilie aperçut un bout de papier qui tombait sur les pierres plates bordant le lavoir. Elle s’empressa de le ramasser car elle était curieuse de nature et elle savait que les bons pères qui logeaient à la villa n’étaient pas tous des saints. Loin de là. Elle déplia le papier plié en quatre et découvrit le portrait d’un jeune homme réalisé au crayon de bois. Le portrait était un peu maladroit mais suffisamment réaliste pour qu’Emilie reconnût Claudio. Un sourire victorieux aux lèvres, elle replia le portrait en quatre avant de le fourrer dans la poche de son tablier. Emilie était heureuse comme ces chasseurs qui voient le gibier s’approcher ou qui trouvent au petit matin un lièvre pris dans le collet qu’ils ont tendu la veille.


* Le x se prononce.
Chapitre 2
« Pourquoi suis-je troublée ainsi ? Je suis troublée comme s’il allait se passer quelque chose d’extraordinaire, de fatal. » Hélène, La belle Hélène, musique de Jacques Offenbach, livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy.
Emilie en avait fini avec la lessive. Au clocher de l’église, voisine de la villa Fontenay, sonnait l’angélus de midi. Trois séries de trois tintements puis une volée des cloches. Cette sonnerie marquait l’heure du déjeuner. Les prêtres avaient prié dans la petite chapelle construite au sein même de la villa Fontenay et dont le chœur dépassait étrangement du bâtiment. C’était comme si la chapelle était rentrée dans l’immeuble au cours d’un accident ou comme si elle en sortait par une excroissance géométrique. Quoi qu’il en fût, les prêtres appréciaient de pouvoir prier dans leur pension. Tous suivaient ici une cure pour soigner leurs rhumatismes. Les plus agiles logeaient au second étage accessible par un large escalier aux marches de pierre, aisé à monter ou à descendre pour qui disposait encore d’une mobilité certaine. Les chambres étaient alignées de chaque côté d’un couloir sombre car à peine éclairé par une petite fenêtre donnant au nord. Les huit pensionnaires du second étage partageaient un seul cabinet de toilette. Les waters, comme on disait pudiquement pour ne pas employer un mot plus vulgaire, se trouvaient sur les paliers des escaliers. Le...

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