Le Syndrome de Babel
152 pages
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Le Syndrome de Babel , livre ebook

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Description

Quelle est cette maladie mystérieuse, le syndrome de Babel, qui se traduit par la perte progressive de la parole ? Et pourquoi le déchiffrement des manuscrits de la mer Morte, vieux de plusieurs millénaires, éclaire-t-il le mécanisme responsable de notre maîtrise des fonctions complexes du langage ? Il y a urgence : le syndrome de Babel, comme une pandémie virale, est sur le point d’engendrer une catastrophe planétaire… Un homme d’affaires passionné d’archéologie, une généticienne et un « biohacker » adepte de la biologie de garage tentent d’élucider l’énigme. Un thriller archéo-biologique au rythme effréné. Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, est un spécialiste des maladies neuromusculaires. Le Syndrome de Babel est son premier roman.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738160430
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avertissement
De nombreux faits et personnages relatés dans cet ouvrage sont authentiques, mais ils ont été réunis au service d’un récit de pure imagination.
Le scénario ne reflète pas nécessairement les convictions personnelles de l’auteur. Il n’a qu’un seul but, permettre au lecteur d’entrer aisément sur le terrain de la science et de la réflexion philosophique.
© O DILE J ACOB , JUIN  2016 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6043-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Raymond, qui y a cru depuis le début. Et aux sept lecteurs de la première heure ; ils se reconnaîtront.
ÉPOQUE 1
De nos jours
Mystérieuse maladie

C’est un soir froid et gris. Un soir banal d’automne qui arrache les feuilles des arbres et les enterre, et où les soupirs, emportés par le vent, tourbillonnent au-dessus des toits de ce grand hôpital de province, ville dans la ville. Les lieux sont remplis de murmures, de larmes, de sourires et de peurs, et les âmes y naviguent vers l’espoir d’une vie réparée ou les rivages d’une mort plus sereine.
Le service que dirige le professeur Christine Taillant est le centre de référence pour les maladies neurologiques dans ce CHU multidisciplinaire, fleuron de la médecine locale. Les infirmières s’affairent dans le long couloir bordé de chambres d’hospitalisation de nuit. La mort qui rôde indifféremment se fait d’autant plus oppressante maintenant que la torpeur du soir est venue s’y infiltrer.
Sa dernière consultation à peine achevée laisse le professeur Taillant circonspecte dans la solitude de son cabinet. Elle vient de diagnostiquer une forme clinique nouvelle de trouble de la parole débutant à l’âge adulte, sans cause apparente. Ce cas est d’autant plus étrange qu’il semble se multiplier ces derniers temps. Or cette maladie n’existe pas. On n’en connaît que des formes génétiques touchant les enfants, pas ces manifestations sporadiques affectant des adultes.
Le bureau est spartiate mais l’espace est rempli de piles de livres aux titres énigmatiques pour les profanes. L’amoncellement de paperasse multicolore forme des mini-gratte-ciel où alternent aléatoirement photocopies de publications scientifiques, mémoires de thèses et rapports en tous genres. Ils jonchent le sol et empiètent même sur le bureau et une table voisine. Peu de matériel médical est visible car inutile dans l’intimité de ce bureau. Les examens sophistiqués se pratiquent ailleurs, dans le cadre d’un parcours du combattant long et pénible, de service en service. Un semblant d’humanité tente maladroitement d’atténuer l’austérité de l’endroit : quelques bibelots souvenirs de congrès internationaux, pas généralement du meilleur goût mais c’est toujours mieux qu’une plante qu’on n’a pas le temps d’arroser ; des photographies de rencontres professionnelles fixées au mur sont en passe d’être occultées par l’exubérante littérature. La lumière déclinante du jour rend encore plus mélancolique ce cabinet des tourments.
Comme si souvent, la journée a été rude pour Christine Taillant. Son expérience de trente ans de la neurologie clinique l’a amenée à prendre en charge une multitude d’atteintes, sensitives, motrices, cérébrales ou musculaires, dont l’hétérogénéité clinique (de simples tremblements non essentiels peu invalidants à des maladies neurodégénératives fatales) requiert une somme de connaissances très approfondies. Sa pratique quotidienne l’a aussi conduite à beaucoup d’humilité : autant la neurologie est complexe sur le plan diagnostique, autant les options thérapeutiques restent très limitées. Souvent les premiers signes cliniques d’une maladie neurologique ne sont visibles qu’après un processus dégénératif devenu irréversible. Lorsque la maladie consent à se manifester, il est déjà trop tard. On ne remplace pas un neurone qui meurt ; on ne peut que tenter de préserver ceux qui restent. Et les moyens pour y arriver manquent cruellement.
Le neurologue est un enquêteur rigoureux et obstiné, qui doit savoir manier avec la même virtuosité des tests simples de fonctions motrices et cognitives, des méthodes sophistiquées d’imagerie ou de quantification de l’activité électrique des neurones et des muscles, aussi bien que l’analyse de marqueurs biologiques ésotériques. La mise en commun de ces critères hétéroclites aboutit alors au verdict, tantôt rassurant, tantôt désespérant. Le second cas de figure est d’autant plus contrariant pour le praticien qu’il ne pourra même pas, devant la personne qui est venue la consulter, donner libre cours à la jouissance narcissique du diagnostic élucidé. Car, si pour quelques-uns de ces cas un traitement peut être mis en place, il sera au mieux imparfait. Pour les autres, il n’y a pas grand-chose à faire. Juste accompagner au mieux le malade et sa famille dans leur désarroi.
L’homme qui vient de quitter son cabinet semblait respirer la force de l’âge. La quarantaine bien bâtie, sans doute sportif dans sa prime jeunesse, il avait entamé d’une voix grave son dialogue avec la clinicienne mais avec des mots anormalement hésitants.
« Je… je viens vous [semblant rassembler des forces profondément englouties, il parvenait péniblement à exhaler le mot suivant]… VOUS VOIR ! [Les vocalises se stabilisent]… Car depuis plusieurs… [une nouvelle réserve d’énergie lui avait été nécessaire pour lui permettre de poursuivre sa phrase avec des intonations que l’on penserait consécutives à une consommation excessive d’alcool]… PLUSIEURS mois ! mais, je n’arrive pu à m’essprimer… cor… ectement… dur… très dur…
– Comment ces difficultés se manifestent-elles ? Avez-vous noté ce qui aurait pu les déclencher ?, lui avait-elle demandé.
– Les mots dans MA ! tête sont là… Mais du mal… à… ar… ti… cu… ler.
– Vous n’aviez aucune difficulté de parole auparavant ?
– Non… Aujourd’hui… pu… possibe… té… terribe. »
Très vite les noms de quelques pathologies et les causes possibles étaient venus à l’esprit de la neurologue. Syndrome de Turner, de Klinefelter, chorée de Huntington, AVC, canalopathie. La suite de l’interrogatoire et les tests lui avaient permis de les exclure tous. Pas d’antécédents familiaux d’apraxie, cette difficulté d’acquisition du langage. Pas de signes cliniques préalables. La piste de conséquences d’accident vasculaire cérébral était écartée : le dossier médical apporté par le patient mentionnait une récente imagerie par résonance magnétique du cerveau qui s’était révélée négative.
Une série d’épreuves de phonation avait mis en évidence une altération de la capacité à exécuter de manière instinctive les mouvements déterminés par la parole en chacun de ses gestes buccaux et faciaux. À l’atteinte de l’organisation mécanique de la parole s’ajoutaient des difficultés à contrôler la salive.
Peu à peu la neurologue s’était donc orientée vers une apraxie bucco-linguo-faciale. Cette maladie conduit à des difficultés d’élocution, notamment à la répétition de phonèmes isolés et à la mise en séquence des syllabes. Son patient devait projeter les gestes pour pouvoir les exécuter ; ils n’étaient plus automatiques. La lecture de textes simples qui lui avaient été soumis était lente. La prononciation des mots semblait quelquefois aberrante, par moments presque inintelligible, avec des mots parfois remplacés par d’autres (« am » pour « glace », « oua » pour « lapin », « b » remplacé par « p »). Au fur et à mesure de l’interrogatoire, la réduction verbale s’était aggravée, conduisant l’homme à des phrases minimales, à l’omission de mots et à une perte de la syntaxe. La parole était devenue de plus en plus monotone et le débit saccadé, entrecoupé parfois d’efforts surhumains pour prononcer le mot suivant.
L’homme en avait conscience et en souffrait. Il avait vécu cette consultation comme un calvaire. Se sentir régresser à 40 ans est une double peine : celle de la maladie qui frappe injustement, et celle de l’inexorable régression de ses facultés intellectuelles, arrachées par un destin glacial, aveugle et trop pressé. Il était professeur de français. Et le voilà maintenant réduit à passer des tests de langage que l’on imagine réservés à des enfants : répéter des mots, tenter de répondre à des questions simples, mettre les idées en ordre dans son esprit puis, si difficilement, dans sa bouche. Lui qui consacrait sa vie à transmettre son amour des belles lettres à ses jeunes élèves, se voyait désormais revenu au stade de la maternelle.
Le docteur Taillant, dans une apparente froideur contrastant avec la douleur sourde qui perlait sur les joues du patient, avait tenté de le rassurer en lui décrivant sa maladie :
« L’apraxie oro-faciale est une affection plutôt rare, mais qui habituellement frappe dès la première enfance car c’est une pathologie du développement cérébral et facial. Son origine est génétique et les enfants présentent des défauts d’apprentissage de la langue. Or vous avez non seulement eu un développement cérébral normal, mais vous avez même développé des aptitudes supérieures en matière de langage. Vous savez quels mots prononcer, vous en connaissez la forme sonore mais vous avez du mal à en programmer l’émission car vous n’arrivez plus à bien organiser la succession rapide des mouvements phonatoires et articulaires requis. Cette incapacité à bien articuler les mots n’est pas due à un problème purement moteur

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