Le Spectateur
148 pages
Français

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Description

Axel, un jeune psychiatre un peu snob et fort solitaire, se retrouve confronté à Alexandra, une reporter aussi mystérieuse qu'ambiguë. Tour à tour agacé, désarçonné, intrigué par la jeune femme, il finira par en tomber violemment amoureux, jusqu'à l'obsession, jusqu'à la folie...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 avril 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332924698
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-92467-4

© Edilivre, 2015
Dédicace


Pour Jean-Jacques et Birol.
Citation


« Roxane : L’âme, c’était la vôtre !
Cyrano : Je ne vous aimais pas.
Roxane : Vous m’aimiez !
Cyrano : C’était l’autre !
Roxane : Vous m’aimiez !
Cyrano : Non !
Roxane : Déjà, vous le dites plus bas !
Cyrano : Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas. »
(Edmond Rostand, « Cyrano de Bergerac », Acte V, scène 5.)
Le spectateur
 
 
Ce fut mon dernier été de tranquillité.
Le 10 août, je finis mes dernières consultations sans trop de hâte, puis je rentrai chez moi parachever mes valises. Le lendemain, accompagné de ma mère, nous prîmes le TGV jusqu’à Saint-Raphaël. André, le concierge de mon père, que j’ai toujours connu nonagénaire, vint nous chercher à la gare pour nous conduire une vingtaine de kilomètres plus à l’est, à la villa Iolanda que les Ramaz occupaient tous les étés depuis 3 générations.
Fernando, mon grand-père, l’avait acquise après avoir fini ses années dans l’armée d’occupation. Après 5 années à tronçonner du Bosch, puis 4 basées dans la Ruhr à les « dés-Hitlériser » (comme il avait coutume de le dire si poétiquement), il était revenu à la vie civile, totalement désenchanté et n’a sincèrement retrouvé qu’un semblant de sérénité qu’au tout début des années 50. Ma grand-mère lui apprit tour à tour les vertus du tango, de Georges Guétary et du dolce farniente des dimanches matin et des jours de congés. C’est ainsi que naquirent trois petits Ramaz. Mon père Antonio en était l’aîné.
Je n’ai guère connu ma tante Clara, partie vivre Dieu seul sait où avec son amant du moment. Mon père ne m’a jamais dit qu’une seule phrase à son sujet. « Tu sais, c’est une fille comme ça … ». Adolescent, j’ignorais ce qu’étaient les filles comme ça et m’abstenais de tout questionnement à ce sujet.
Mon oncle Francesco mourut quelques mois avant ma naissance. De lui, on ne disait guère plus qu’au sujet de ma tante Clara, si ce n’est que c’était un garçon bien et qu’« heureusement, de nos jours, la médecine avait fait des progrès ». On me donna Francesco comme second prénom, en mémoire du cher défunt. Le premier fut un caprice de ma mère : dans un grand élan de romantisme qui lui ressemblait peu, elle me prénomma Axel, comme Axel Fersen, l’amant de la reine Marie-Antoinette dont ma mère avait lu la biographie durant ses derniers mois de grossesse.
Mes parents ont toujours été des gens sans simplicité, voire mondains avec les adultes, tandis qu’ils demeuraient taciturnes et évasifs à l’égard de leur enfant. Tant que je n’eus pas atteint l’âge de raison, soit 21 ans révolus dans la tête de mon père, je fus traité avec un respect un peu condescendant et une distance non négligeable. Pour mon père comme pour ma mère, l’éducation se faisait à l’école, lointainement supervisée par ma gouvernante. Je n’avais que deux obligations. La première étant de ne jamais ramener de mauvaises notes, tâche dont je m’acquis avec plus ou moins de facilité. La seconde était de faire preuve de respect à l’égard de ceux qui m’avaient mis à monde.
Comme mon père et mon grand-père avant moi, je rentrai très officiellement dans le bal mondain des « Ramaz and Co », tel que je le surnommais intérieurement, durant ma troisième année de médecine. Une soirée fut donnée en mon honneur. J’ignorais si je devais ressentir de la gratitude ou une certaine gêne.
Le culte du secret, la classification rapide entre les gens à fréquenter et ceux à ignorer ainsi que le spectacle de quelques effondrements semi-publics de femmes de diplomates, d’un sémillant sénateur et d’un ivrogne notoire (bien que ténor du barreau) me plongèrent dans d’intenses introspections quant à la vérité intrinsèque du monde de faux-semblants qui m’entourait. C’est ainsi, je pense, que me vint ma vocation de psychiatre.
J’obtins le droit d’exercer en 2009. J’étais quasiment autonome financièrement parlant depuis le milieu de mon internat mais totalement désarmé face aux univers qui ne m’étaient pas familiers. Je n’avais guère de camarades si ce n’est Terence Hillary, le joyeux radiologue gay qui devint mon grand copain dès qu’il renonça à me poursuivre de ses avances. Je me pris aussi d’affection pour Orhan Köse, un rhumatologue d’une cinquantaine d’années, que je prenais sans doute à tort pour un vieux sage mi-sunnite, mi-byzantin. Tous deux ne cessaient de me bousculer lors de nos conversations tantôt graves, tantôt légères. L’amitié m’était aussi un sentiment totalement neuf.
C’est ainsi que chaque été, je quittais le monde du réel pour une quinzaine de jours, afin de m’abandonner à la quiétude surannée de la villa Iolanda.
 
 
Ma mère me demanda pour la quatrième fois depuis notre départ de la ville si je n’avais pas oublié de prendre deux cardigans de rechange, car les soirées pouvaient être fraîches et ma gorge était fragile. Je la tranquillisai en lui assurant que je n’avais rien omis, tout en prenant soin de baisser la voix d’un ton. André conduisait et il n’était pas de mise de parler à tessiture normale devant les subalternes.
Mon père et mon grand-père nous attendaient sur le porche. Ils me firent l’accolade à laquelle j’étais habitué et tous deux embrassèrent distraitement ma mère. Tout geste superfétatoire aurait été considéré comme un manque total de retenue.
Nous nous mîmes à table, je mangeai l’entrée, le plat et le dessert avec une lenteur qui me parut inouïe et je bus mon café sur la terrasse tandis que ma famille s’entretenait des travaux de toiture à réaliser avant la fin de l’automne.
A la fin du repas, je pris poliment congé et j’allai voir le vieil André.
– Alors, mon p’tit Doc, ça ne vous fait pas du bien, de revenir à la Iola ? Ici, au moins, vous serez tranquille. C’est pas la ville, ici…
– Oui, c’est apaisant. Cela me change beaucoup de ma vie quotidienne à l’hôpital.
– Vous repartez quand ?
– Dans deux semaines.
– C’est court pour des vacances. Z’êtes jamais fatigué avec tous ces fous ?
Je ne répondis pas.
Je me sentais de moins en moins en vacances et de plus en plus en résidence surveillée. Et je n’avais quitté la ville que depuis une grosse douzaine d’heures.
 
 
Cependant, cette quinzaine de jours fila à la vitesse de l’éclair.
Je dormais près de neuf heures par nuit, sans compter la sieste d’une heure et quart que je m’accordais après déjeuner. Je passais la matinée dans une petite crique isolée de la masse touristique, où je demeurais immobile, allongé au soleil, me baignant prudemment dès que la chaleur devenait trop accablante. Je n’éprouvais aucune honte, dans cette gracieuse solitude, de mon corps un peu court et de ce ventre qui n’avait jamais été plat. En fait, je pense que je n’avais jamais vraiment songé à mon apparence physique. A l’hôpital, mon seul souci esthétique était la coordination de mon veston avec mon pantalon ainsi que l’adaptation adéquate à la saison en cours. Ma fonction m’avait épargné le port de la blouse blanche. Dans le Var, je n’avais même pas à y songer. Quand nous avions des visites, ce qui au fil des années devenait de plus en plus rare, ma mère me disait ce que je devais porter et je m’exécutais promptement.
Les après-midi se passaient sous la tonnelle de la Iolanda. Si nous étions seulement en famille, je lisais tous les livres que je n’avais pas eu le temps d’aborder durant l’année écoulée, tandis que mon père et mon grand-père allaient à la pêche ou jouaient au minigolf. Parfois, ma mère apparaissait et me demandait invariablement « C’est bien, ce que tu lis ? » sans nullement se soucier de la réponse.
Quand nous recevions, je restais calme et silencieux devant ces couples d’âge indéterminé que ma famille accueillait tels des princes exilés. Je m’éclipsais dès que mon temps de présence réglementaire était écoulé.
Deux ou trois fois par semaine, en fin d’après-midi, après une douche rapide, j’empruntais la voiture de mon père et filais jusque Nice ou Vintimille. Les soirées en solitaire à Nice étaient réservées à la contemplation des touristes de base sur la Promenade des Anglais, celles de Vintimille étaient consacrées à Graziella, une serveuse italienne d’un bar non loin de la plage.
Dès que Graziella me voyait, elle hochait de la tête, comme pour me dire que je n’avais guère changé depuis l’année précédente et qu’elle m’attendrait près de la digue une fois son service terminé. Nos conversations monosyllabiques me convenaient parfaitement, mais nos étreintes furtives dans la voiture paternelle me laissaient plus confus que satisfait.
Mon expérience des femmes n’avait jamais été différente. Il y avait bien eu cette fille, sur les bancs de l’université, qui prit ma virginité comme on vole à la tire et qui en eut fini avec notre relation son forfait sitôt accompli. Ce fut ma première peine de cœur et j’en tirai un certain plaisir à la faire durer. Quelques infirmières n’étaient guère farouches mais il m’aurait déplu de me comporter comme certains de mes collègues qui, bien que mariés, ne se gênaient pas pour plonger dans le gynécée des paramédicales, surtout si elles étaient jeunes, avenantes et dénuées de tout lien sentimental. Mes collègues féminines étaient toutes avec des hommes bien , comme elles disaient, et je n’en avais pas remarqué une qui n’arborait pas fièrement le solitaire des fiançailles ou l’alliance du sacro-saint mariage. Je fus pourtant pendant quelques mois l’amant d’une cancérologue au caractère doux et égal que je quittai à regret quand je me rendis compte que son fiancé était un vieux camarade de classe. Néanmoins, je lui dois des instants graves, intenses, passionnés. Cette liaison fit naître en moi de no

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