Le Son du rouge
94 pages
Français

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Description

« Où te caches-tu belle ? Où es-tu passée ? Elle va te trouver ! Ténébreuse. Une muse pour chacune de ses pensées. Tu diriges ses bras, ses jambes, sa voix. Tu lui imposes des actes et des comportements insaisissables. Elle croit parfois, en un profond soupir, la laisser derrière ses pas. Mais la voilà resurgissant en elle. Une image, puis une autre saccadée. Puzzle violence. Des cris, des sons, des rires. Cruelle est sa mémoire. Méchante. Sans cette vipère, elle avancerait candide, fraîche mais sans espoir. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 mars 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342003222
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Son du rouge
Stéphanie Dreyfus
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Son du rouge
 
 
 
Pour Mo et toi, dear Ufo.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Partie I
 
 
 
I
 
 
 
Où te caches-tu, belle ? Où es-tu passée ? Elle va te trouver ! Ténébreuse. Une muse pour chacune de ses pensées. Tu diriges ses bras, ses jambes, sa voix. Tu lui imposes des actes et des comportements insaisissables. Elle croit parfois, en un profond soupir, la laisser derrière ses pas. Mais, la voilà ressurgissant en elle ! Une image, puis une autre saccadée. Puzzle violence. Des cris, des sons, des rires. Cruelle est sa mémoire. Méchante. Sans cette vipère, elle avancerait candide, fraîche mais sans espoir.
 
Petite est une balançoire. D’avant en arrière, sans poser le pied à terre. Sans main tendue pour vous pousser en avant, vous vous projetez en prenant de l’élan. Revenir sur ses pas, sur la pointe des pieds, pour prendre le recul nécessaire. Se propulser loin au-devant. Brasser le vent. Fixer un point imaginaire. Aucune lassitude n’interrompt ce mouvement répétitif. Les jambes en avant, la tête en arrière, avec pour seul lien avec la Terre, une corde qu’elle tient fermement. Évoluer vers le ciel. Plus vite, plus haut, dans un éclat de voix innocent puis strident avec le temps.
 
Petite est sur une balançoire, elle s’y berce doucement. Elle porte une paire de bottines rouges, bien rigolotes dans laquelle elle flotte. La sonnerie retentit, mettant fin à sa rêvasserie. Il est temps de rejoindre sa classe. Petite ne se précipite pas, pourtant elle trébuche et rencontre brutalement le sol. Les institutrices accourent et la portent dans l’enceinte de l’établissement. Elle regarde au loin sa bottine restée au sol. Un liquide chaud et épais remplit sa bouche et s’écoule sur ses doigts. On lui dit qu’il faut vite désinfecter tout ça. On l’amène à l’infirmerie. C’est à ce moment, je crois, qu’ils ont appelé Maman. Un peu plus tard, elle vint la chercher, affolée, en s’entendant dire qu’on n’avait pas idée de faire porter à une gamine des chaussures aussi grandes. Petite eut honte de sourire suite à cet incident, mais on lui assura qu’elle repousserait sa dent.
 
Les fêtes de Noël approchaient et tous répétaient le spectacle de fin d’année qu’ils présenteraient devant leurs parents. La sœur de Petite chantera toute seule Le Manteau rouge et noir et elle, elle jouera d’un instrument avec l’ensemble de sa classe.
Peut-être était-elle déçue le jour de la représentation de ne faire tinter qu’un petit triangle métallique car lorsque vint son tour, au beau milieu de la chanson, elle restait sans bouger. Le triangle n’émit aucun son, ce jour-là, au grand désarroi de son institutrice qui lui faisait pourtant de larges signes depuis la coulisse pour lui donner le signal.
 
Les vacances de fin d’année débutèrent dans les larmes. Celles de leur mère qui devait laisser ses deux filles, une semaine chez leur père. Suite au divorce demandé par leur mère, juste après la naissance de Petite, elle demanda la garde des enfants et l’obtint. Un assistant social, qui suite à un entretien qu’il avait qualifié de « délirant », avait décrété que madame avait besoin de consulter un psychologue. Cependant, le tribunal accorda tout de même la garde exclusive à la mère. L’avis de l’assistant social fut simplement mentionné en post-scriptum.
Le père n’eut qu’un droit de visite restreint, durant les vacances scolaires. Toutefois la mère, n’étant pas satisfaite de cette décision, refusa maintes fois à son ex-mari ses droits. Elle dut pourtant se plier à la décision du tribunal, dissuadée par un policier posté, un beau matin, devant sa porte.
Il faut dire que depuis le divorce, leur père était considéré comme un pestiféré. Il lui arrivait encore de passer à la maison pour voir ses filles et de tenter une discussion avec son ex-femme. Malheureusement, la discussion tournait court et des bagarres suivaient inévitablement. Tout objet rencontrant le regard de mère de Petite devenant une arme contre son père. Les trousseaux de clefs ou encore les grosses pommes bien vertes volaient dans la pièce et avaient pour seule cible le visage de son père. Parfois dans un élan désespéré, sa maman s’avançait près de la fenêtre et, menaçante, assurait qu’elle sauterait si son ex-mari ne disparaissait pas dans la seconde. Pour éviter de telles rencontres avec la femme qu’il avait jadis épousée, il ne monta plus chez elles et attendait seulement de rares fois devant l’école les joues roses enfantées. Cependant, la directrice de l’école maternelle, avertie par la mère qu’un « individu dangereux » pourrait un jour attendre ses filles devant le portail, savait comment réagir si elle apercevait l’homme en question. Elle avait pour ordre de garder les deux filles à l’intérieur de l’établissement et de prévenir leur mère de l’incident, puis d’attendre qu’elle vienne les récupérer.
Leur père, selon la maman, était à craindre cependant Petite se réjouissait de le retrouver pendant les vacances.
Les deux gamines passaient donc pour la première fois la moitié de leurs congés de Noël à l’autre bout de la ville, laissant leur douce maman à ses pleurs.
Le père s’était réinstallé chez sa mère et les enfants passèrent donc la semaine chez leur grand-mère paternelle. Le soir même de leur arrivée, ils virent depuis la fenêtre, la maman qui faisait le tour de l’immeuble à la recherche de sa chair, tel une bête aux aguets. Elle semblait fiévreuse. Petite la regardait discrètement derrière le rideau. Elle l’intriguait et ne pouvait se résoudre à la quitter des yeux. Son père lui demanda de se retirer de son observatoire alors elle s’exécuta à regret. La mère dut rester un long moment à espionner, espérant les apercevoir, avant de repartir à contrecœur. Elle refit le chemin à pied jusqu’à chez elle, sous la pluie, hagarde. Les bras vides.
 
La semaine s’écoula rapidement et vint l’heure du départ. La grand-mère et le père reconduisirent les petites chez elles. Heureuses toutes deux de retrouver leur maman, elles bondirent hors de la voiture et gravirent les deux étages de leur HLM familier, pour arriver essoufflées devant la porte. Celle qui leur avait tant manquée ne tarda pas à leur ouvrir.
Sitôt la porte refermée sur la sœur et Petite, elle les déshabilla pour les mettre sous la douche. Ses mains les frottaient avec une telle vigueur qu’elles leur faisaient presque peur. Elles regagnèrent leur chambre, encore humides de la douche, dans un silence anormal et paralysant. La mère paraissait tourmentée, assaillie par des émotions puissantes. Une tension se faisait sentir, le moindre mot l’irritait et semblait pouvoir provoquer l’irréversible.
Soudain, elle rompit le silence en questionnant insensiblement les enfants sur la semaine écoulée. Apparemment, elle ne partageait pas leur engouement et sans raison aucune, les gifla, puis les griffa. Son beau visage se transforma, ses traits s’allongèrent, sa bouche se tordit et Petite crut que ses yeux allèrent sortir de leur orbite pour la mordre tels des chiens enragés. Elle était comme possédée et la sœur de Petite supplia le Malin de la déposséder. Elles l’avaient délaissée, abandonnée en proie à ses fantômes et elles devaient l’en excuser. Elle hurlait et s’acharnait avec passion sur ses « méchantes filles ». Ses démons l’avaient retrouvée et torturée tandis qu’elles étaient loin, sans pouvoir la protéger.
Elle finit par sortir de la chambre et poursuivit son monologue dans le couloir. Elle pleurait, criait puis revint. Au passage, elle saisit un cintre en bois et les frappa aveuglément. La douleur régulière qui soufflait à Petite de se taire, laissa une trace sur son avant-bras, celui qui devait lui protéger le visage. Sa jambe qui traînait là, changeait de couleur, le ventre rond de l’enfance semblait s’enfoncer. La prunelle de ses yeux se ternissait. Pourquoi cet arc-en-ciel de couleurs sur sa peau rose ? Maman. Où es-tu, dis-moi qui est cette femme qui me hait soudainement ?
La voiture qui les avait raccompagnées était bien loin à présent. Personne ne viendrait plus les secourir. Elles ne sentaient plus les coups, ses belles poupées devaient donc être mortes. Les injures fusaient de la bouche de la mère lorsqu’elle quitta à nouveau la pièce. En larmes, Petite et sa sœur se prirent dans les bras, sur un nuage chaud de paradis. Elles sanglotaient sourdement pour ne pas attiser la colère de Maman et guettaient son retour. Quelques minutes passèrent et elle semblait s’être calmée. Peut-être fumait-elle une cigarette dans un coin de l’appartement ? Immobilisées au sol, elles n’osaient pas parler, restant sur leurs gardes. Que se passe-t-il à cet instant ? La Terre poursuit-elle son cycle interminable ? L’oxygène continue de remplir les poumons de chiffon, la vie décide donc de ne pas les quitter.
Maman réapparut dans l’encadrement de la porte. Elle s’avançait livide et s’agenouilla face à sa progéniture. C’était elle la victime qu’il fallait consoler. Elles s’emmêlèrent les unes dans les autres, d’excuses en pardon dans le long sanglot. La folie les enlaçait, les aimait de tout son sang, de toute sa chair et à cinq ans, Petite l’embrassa et la serra avidement.
 
Un matin pâle et froid les réveilla toutes les trois. Qu’à cela ne tienne, elles activèrent pour le narguer dès le saut du lit. Fidèle au poste, Nono se racontait en chanson. Elle ne se lassait pas d’écouter les aventures de ce robot, compagnon d’Ulysse. Elle chantait à tue-tê

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