Le silence rouge , livre ebook

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Dans le bureau du riche banquier Castanié, on retrouve celui-ci mort sur son fauteuil et sa fille aînée étranglée sur un canapé.


Martin NUMA, le Roi des Détectives, appelé par le chef de la Sûreté pour résoudre l’affaire, découvre l’empreinte du pouce du meurtrier.


Les divers interrogatoires lui apprennent que les deux dernières personnes qui ont rendu visite au financier se trouvent être son fils acculé par les dettes, et un mystérieux jeune homme à l’allure militaire et portant la Légion d’Honneur.


Mais, si le fils Castanié s’est enfui en Amérique, Martin NUMA ne tarde pas à repérer le second suspect à l’enterrement des victimes...


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Nombre de lectures

4

EAN13

9782373479454

Langue

Français

MARTIN NUMA LE ROI DES POLICIERS
* 8 * LE SILENCE ROUGE
Roman policier
par Léon Sazie
PROLOGUE
Martin Numa ayant vaincu la bande du Tatoué, se lance maintenant sur une nouvelle affaire, qui promet d'être des plus dramatiques et de réserver les plus poignantes surprises. On a trouvé assassinés, dans le cabinet de M. Castanié, le riche banquier de la rue Le Peletier, le banquier et sa fille aînée Irma, fiancée du marquis di Carmine-Santucci. Le banquier avait pleuré et essayé d'écrire une lettre douloureuse que l'on retrouva.
Il reçut en derniers visiteurs son fils Charles, avec qui il est en désaccord, et un jeune homme brun, très élégant, d'allure énergique. Au cours de l'enquête, Martin Numa ramasse des éraf lures de bottines vernies que certainement devait porter l'assassin. Martin Numa reçoit un billet mystérieux lui donnant rendez-vous dans une auberge près de Mantes.
Il reçoit aussi la visite de la belle chanteuse Focamore, qui est l'épouse secrète du comte de Vilacerboli, et qui lui apprend que le comte est menacé par la terrible bande des X... Depuis le début de son enquête, Martin Numa se sent suivi par des espions qui ont pour signe de ralliement un X... Il se rend à l'invitation du comte de Vilacerboli. Au moment où le comte va lui faire des révélations sur le marquis de Santucci, qui« est double ! », un homme paraît, qui fait un X avec ses doigts, et le comte s'enfuit affolé. Et on le ramasse sur la route, mourant, près de sa voiture, brisée, en feu (1).
(1) Les faits et aventures résumés dans ce prologue sont racontés dans les sept premiers volumes, intitulés : « MARTIN NUMA, ROI DES DÉTECTI VES », « LE DOUBLE MORT », « L'HOMME AUX ONGLES BLEUS », « LES TUEURS DE MANNEQUINS », « LES OMBRES QUI TUENT », « LA PEAU DU TATOUE » et « LA BELLE VAMPIRE ».
CHAPITRE PREMIER
QUAND LE CŒUR SE PREND
Depuis plusieurs jours, je n'avais aucune nouvelle de mon ami Martin Numa, lorsque je reçus un mot de lui : « Cher ami, demain matin, il y a une messe à Notre-Dame-de-Lorette, pour le repos de l'âme du banquier Jean Castanié. Trouvez-vous-y. »
Le lendemain, je n'eus garde de manquer à la cérémonie. Comme j'entrais dans l'église, je me sentis saisir par le bras.
— Silence ! me disait en même temps une voix que je reconnus aussitôt. Prudence.
Martin Numa m'entraîna dans un coin, au fond de l'église, un peu en arrière du bénitier, dans l'ombre, derrière un pilier.
De là, on pouvait voir qui entrait, sans être aperç u, parce que les yeux habitués à la lumière du dehors, n'ayant pas le temps de se faire à la demi-obscurité qui régnait dans l'église, ne percevaient rien...
C'était un poste d'observation merveilleux.
À peu près tous les invités à la cérémonie avaient pris leur place, les officiants se trouvaient à l'autel, les chants d'orgue commençaie nt, quand nous vîmes entrer très discrètement une jeune fille en toilette très modeste, mais très jolie de figure et très gracieuse dans sa démarche.
Un jeune homme accompagnait, bien bâti, robuste, brun de peau, mais de ce teint bronzé que donne le soleil, plutôt que foncé naturellement ; une moustache noire coupait sa figure mâle et franche, martiale.
À sa boutonnière, un mince filet rouge.
En l'apercevant, Martin Numa eut un léger frémissement. — Regardez, me souffla-t-il à l'oreille, regardez ce nouveau venu... — Je l'ai vu, lui dis-je. Eh bien ?
— Vous ne devinez pas ?
— Quoi donc ? — Vous ne vous souvenez pas de la déposition de Dés iré, le garçon de bureau de M. Castanié ?
— Sur quoi ? Sur quel sujet ? — Sur l'un des derniers visiteurs qui se sont présentés chez le banquier dans l'après-midi tragique et ont été admis dans le bureau de la victime. — Si, je me souviens... Elle nous parut des plus intéressantes...
— Désiré nous apprit, entre autres choses palpitantes, qu'il avait fait passer la carte d'un jeune homme très brun de peau... brûlé par le soleil... à l'allure d'un militaire en civil... ayant à la boutonnière le ruban rouge. — Ah oui !... j'ai ce passage de la déposition présent à la mémoire. — Eh bien ! regardez ce jeune homme qui vient d'entrer avec cette jeune fille...
— Je vois... — Il répond absolument au signalement donné par le garçon de bureau. — Vous croyez que ce serait lui le coupable ?
— Je ne crois rien ! Je cherche la vérité ! Je constate seulement que cet homme répond absolument au signalement du dernier visiteur qui a été introduit chez M. Castanié. Je constate au surplus que cet homme n'est pas invité, n'a certainement pas reçu de lettre de faire-part, n'a pas été prié d'assister à cette messe.
— Il est là, cependant !
— En outre, je constate que, dans cette assemblée spéciale, formée surtout d'intimes de la famille Castanié, où tout le monde se connaît, personne ne l'a salué, il n'a salué personne... Il est inconnu, étranger... Sa sœur de même...
— Comment pouvez-vous savoir que c'est sa sœur ?
— D'abord, parce qu'elle lui ressemble... ce qui est des plus rares entre mari et femme.
« Parce qu'elle est habillée comme une jeune fille sans fortune, mais ayant cependant un rang à tenir. Je vous dis que ce sont le frère et la sœur... — Vous croyez alors que cet homme aurait pu, s'il é tait réellement le visiteur de la soirée tragique, venir ici, amener sa sœur ici ?... — Ils y sont venus tous deux de leur plein gré, dan s une idée commune et dans une même pensée... Tenez, regardez-les... Ils ne vont pas se ranger parmi les invités ; ils se tiennent à l'écart, derrière un pilier, dans la pénombre...
— Comme s'ils voulaient voir sans être vus...
— Parfaitement... Suivons leur manège. Rapprochons-nous d'eux.
Nous prîmes place à quelques pas derrière le jeune homme et la jeune fille, et nous nous mîmes à les observer avec la plus grande attention. Le jeune homme se tenait debout devant sa chaise, t rès respectueux, les bras croisés,
tandis, qu'à côté de lui, la jeune fille, à genoux sur son prie-Dieu, la tête inclinée, priait avec ferveur.
Puis la jeune fille, pendant que les orgues chantaient leDies iræ, tira son mouchoir de sa poche et essuya ses yeux.
— Elle pleure ! fis-je doucement à Martin Numa.
Lui me fit signe de me taire.
Peu après, quand, plusieurs fois, la jeune fille eu t essuyé non seulement ses yeux, mais aussi son petit nez, que les larmes faisaient couler, je vis le jeune homme, jusqu'alors raide, impassible, tirer aussi son mouchoir et vivement essuyer ses yeux.
Je tournai un regard quémandeur vers Martin Numa. Mon ami, tout bas, daigna cette fois me dire : — Ce sont bien le frère et la sœur... j'en ai acquis la conviction.
— Comment cela ?
— En apprenant leur nom...
— Vous dites ?
— En apprenant leur nom... Je sais comment s'appellent ces deux jeunes gens... Je sais qui ils sont !... Pourquoi ils sont ici !... Pourqu oi ils pleurent !... Martin Numa était un sorcier tellement stupéfiant que plus rien de lui, si abracadabrant que cela m'eût paru au premier abord, ne me semblait impossible de sa part... Et, dès qu'il m'annonçait la chose la plus fantastique, je la tenais pour vraie... Voilà deux jeunes gens qui entrent dans une église. Martin Numa ne les a jamais vus, mais, après quelques secondes d'examen, d'étude, il sait qu'ils sont frère et sœur, il sait pourquoi ils viennent ici... et déclare qu'il connaît leur nom !... Cela peut paraître quelque peu fou. Et cependant, m on premier moment de surprise passé, je demeurai convaincu que Martin Numa disait la vérité, qu'il savait tout cela, comme s'il était doué du pouvoir de lire dans le crâne des gens... Mais la messe, très belle, d'ailleurs, au cours de laquelle des artistes en renom se firent entendre, prit fin. Maintenant, les invités défilaient devant la famille... me À côté de M Castanié se tenait le fiancé de celle pour qui se disait aussi la messe, puis la seconde fille du banquier assassiné, Jane. Jane, toute charmante de grâce et de délicatesse so us son long voile noir, au travers duquel on percevait cependant le reflet de ses cheveux d'or et les lueurs bleues de ses yeux.
Elle m'avait parue fort jolie, la première fois que je l'avais vue, quand elle fit sa déclaration au juge d'instruction, malgré ses yeux rougis par les larmes, l'émotion et
l'angoisse qui étreignaient si puissamment toute sa frêle personne. Je la retrouvais là aussi jolie, plus calme, plus elle-même, vraiment exquise... — Oui, me dit à l'oreille Martin Numa, à qui cepend ant je n'avais rien dit de mes lle impressions, oui, M Jane Castanié est très jolie !
— Ah ! vraiment, mon cher, lui répondis-je. Il ne faut même penser à rien quand on est avec vous... Vous devinez tout.
— Et bien d'autres choses encore !...
Le jeune homme et sa sœur, l'office fini, voulurent s'en aller et passer par un côté de l'église. Mais la foule, devenue compacte dans ce côté du temple, leur barra le chemin. Ils demeurèrent à leur place, la jeune fille assise, lui debout, son chapeau dans une main, son autre main appuyée au dossier d'une chaise.
Les yeux du jeune homme se portaient sur le groupe que formaient, presque en face de lui, le marquis Primo di Carmine-Santucci, la veuve du banquier et Jane Castanié.
Je vis qu'il regardait de ce côté, comme attiré, co mme captivé... Il se penchait afin de mieux voir, et haletant, tout pâle, il regardait, regardait, oubliant sa sœur qui priait encore, ceux qui l'entouraient, le lieu où il se trouvait.
Qui regardait-il avec cette ardeur ? Le marquis Primo di Carmine-Santucci ? la veuve du banquier ? ou Jane Castanié ? Enfin, l'église se vida. Il ne restait plus dans cette aile, avec Martin Numa et moi, que le jeune homme et la jeune fille. Celle-ci tourna alors la tête, et, voyant le chemin libre, dit à son frère : — Nous pouvons nous en aller... Viens...
Lui, comme arraché à un rêve, tressaillit, fit un effort pour se ressaisir et répondit :
— Oui, partons... partons...
Ils quittèrent leur place et se dirigèrent vers la sortie.
Comme ils arrivaient devant le bénitier, qui est ac croché au dernier gros pilier, le marquis Primo di Carmine-Santucci venait d'offrir de l'eau bénite à la veuve du banquier.
Voyant la sœur du jeune homme brun avancer la main pour toucher à l'eau bénite, il devança son mouvement et lui offrit un peu d'eau sur le bout de ses doigts.
La jeune fille eut un moment d'hésitation.
Puis elle s'inclina doucement pour remercier, effleura du bout de ses doigts ceux du marquis, prit l'eau bénite, fit le signe de la croix et salua... Pendant ce temps, le jeune homme brun avait pris de l'eau et, comme le marquis venait d'en offrir à sa sœur, il tendit ses doigts vers Jane Castanié, qui avançait la main...
lle M Jane Castanié posa ses doigts sur ceux du jeune homme. Elle regarda, de ses yeux bleus, qui lui tendait ainsi la main. Son regard croisant celui du jeune homme, elle tressaillit, comme si elle avait ressenti une commotion, et demeura ainsi, les yeux dans les yeux du jeune homme, la main sur sa main... En dépit de la sainteté du lieu, un sentiment profane s'échangea entre leurs deux âmes... En eux se fit une révélation soudaine, subtile, poi gnante... un monde se créa... un horizon infini s'ouvrit.
Il sembla, quand, au bout d'une minute, la jeune fille retira sa main pour la porter à son front puis à son cœur, que le tremblement, avec lequel elle achevait son geste, finissait de trahir ce que ses yeux révélaient...
Et il sembla, quand le jeune homme referma sa main, qu'il gardait un peu de cette jeune fille, quelque chose d'elle, d'intime, d'inexprimable... Un peu de son esprit... un peu de son cœur !
Le jeune homme, pâle comme ceux qui goûtent un bonheur ineffable, ou marchent dans un malheur infini, s'en alla, automatiquement, rejoindre sa sœur, déjà sur le pas de l'église.
me Derrière eux venaient le marquis donnant le bras à M Castanié, et Jane. Le marquis fit monter la veuve du banquier et Jane dans leur voiture et se dirigea vers la sienne.
me Quand la voiture de M Castanié se mit en marche, le jeune homme et sa sœ ur se trouvaient près de la grille de l'église ; ils purent voir, se penchant un peu par la portière, le voile noir levé, la jolie figure de Jane Castanié.
Elle chercha du regard dans la foule...
Ses yeux trouvèrent ce qu'ils cherchaient, car ils eurent un éclair de joie... Sa bouche eut un sourire tout léger. Et sa tête blonde, exquise, se pencha un peu comme pour saluer, dire au revoir.
— Bon ! me dit à l'oreille Martin Numa, voici une a urore qui se lève avec une lueur bleue des yeux, dorée des cheveux, rosée du sourire...
Il ajouta en souriant :
— L'arc-en-ciel du bonheur, mon cher Courville ! Les femmes blondes qui ont des yeux bleus et qui savent sourire sont des arcs-en-ciel de bonheur, que le Seigneur, parfois, met sur la terre, pour nous rappeler qu'il y a non seulement des femmes dignes d'amour, mais aussi du bon dans la vie, de même qu'il place son signe béni au ciel après l'orage, pour affirmer qu'il y a du beau temps en réserve, là-haut.
Pendant que Martin Numa me parlait tout bas, le jeu ne homme demeurait à la même place, comme charmé, regardant s'éloigner et disparaître dans la rue Le Peletier la limousine qui emportait cette admirable jeune fille.
Mais rien de son attitude n'avait échappé à sa sœur.
Elle regardait, sans qu'il s'en doutât, avec étonnement, avec anxiété.
— Qu'as-tu, lui demanda-t-elle, posant sa main sur son bras, es-tu souffrant ?
Comme tout à l'heure dans l'église, il fit un effor t pour se ressaisir, et, essayant de sourire à sa sœur, affectueusement, il lui répondit :
— Je n'ai rien... Rien... Je regarde...
— Allons-nous-en... veux-tu ?...
— Volontiers. Ils traversèrent la rue de Châteaudun et s'engagère nt dans la rue Laffitte... Ils la descendirent en causant, lentement, jusqu'à la rue La Fayette. — C'est la sœur qui parle, me fit observer Martin N uma. Le frère garde le front penché... Il pense à toute autre chose qu'à ce qu'il entend et répond seulement par monosyllabes...
Arrivés à l'angle de la rue Laffitte et de la rue La Fayette, ils s'arrêtèrent, se serrèrent la main. La jeune sœur descendit vers l'Opéra, le frèr e la regarda partir... puis il fit un pas, comme pour traverser la chaussée. — Hésitation... manque de décision... absence de but, murmura Martin Numa. C'est bien cela... Tous les symptômes y sont... Quand le cœur est pris, la volonté est amoindrie, annihilée, souvent... L'âme est en émoi... Le corps flotte au gré du moindre événement ! Nous marchions cependant derrière le jeune homme.
— Je parie avec vous, mon cher Courville, me dit mo n ami, qu'il va traverser la chaussée... quelques pas plus haut... Je parie enco re avec vous qu'il va nous entraîner rue Le Peletier.
Comme s'il y avait une gageure, cinq à six pas plus loin, le jeune homme descendit du trottoir, traversa la chaussée, remonta sur le trot toir opposé... puis, après une courte hésitation, comme si une lutte se livrait en lui, i l tourna brusquement l'angle de la rue et s'engagea dans la rue Le Peletier. — Mon cher, vous avez gagné, dis-je à Martin Numa. — Attendez, je parie encore avec vous qu'il va passer sur le trottoir en face de celui sur lequel ouvre la porte de la banque Castanié... et qu'il lèvera la tête... qu'il dirigera son regard, non vers le premier ou le deuxième étage, mais vers le troisième, où sont les appartements de la famille, et, si j'ai bonne mémoire, celui des jeunes filles du banquier.
De même que, tout à l'heure, le jeune homme, comme si les paroles, qu'à mon oreille presque, prononçait le détective eussent été pour l ui des ordres, le jeune homme à moustaches brunes leva la tête, et ses yeux allèrent chercher, en haut... au troisième...
Puis il passa, descendit la rue.
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