Le sang de l hydre
202 pages
Français

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Le sang de l'hydre , livre ebook

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Description

Aux personnels soignants -1- Mardi 26 janvier 2016 – Toujours pas de réponse, Sergent ? – Non, mon Capitaine. Assis à son bureau, l’officier pesta : – Ça va faire deux mois que je leur ai demandé les autorisations pour une ouverture de route pour le convoi de vendredi. – Vous savez qu’ils répondent toujours à la dernière minute. – Oui, mais ça m’énerve toujours autant. Il attrapa sa sacoche en cuir et se leva. – Si jamais ils répondent d’ici à ce que vous partiez, envoyez-moi un message. – Entendu, mon Capitaine. Le sous-officier regarda son chef de service récupérer avec empressement ses dernières affaires. – Vous allez courir ? – Comme chaque mardi soir, vous le savez bien. Ce qui était au départ une simple séance de sport est devenu un véritable rituel. Je ne pourrais plus m’en passer. Toute cette paperasse me rendrait dingue si je n’allais pas me défouler. Il dévisagea son subordonné. – Vous voulez venir avec moi ? Je peux vous attendre. – Pas ce soir, mon Capitaine, il faut que j’aille récupérer mon grand au karaté. – Alors bonne soirée, Sergent. Et ne traînez pas trop ici, nous verrons bien demain ce qu’il en est. Les deux hommes se saluèrent et l’officier partit sans un regard en arrière. À peine les portes du bâtiment franchies, il sentit la tension quitter peu à peu ses épaules fatiguées par un travail administratif qu’il ne goûtait guère.

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Informations

Publié par
Date de parution 05 novembre 2020
Nombre de lectures 1
EAN13 9782819506362
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Aux personnels soignants
-1-
Mardi 26 janvier 2016

– Toujours pas de réponse, Sergent ?
– Non, mon Capitaine.
Assis à son bureau, l’officier pesta :
– Ça va faire deux mois que je leur ai demandé les autorisations pour une ouverture de route pour le convoi de vendredi.
– Vous savez qu’ils répondent toujours à la dernière minute.
– Oui, mais ça m’énerve toujours autant.
Il attrapa sa sacoche en cuir et se leva.
– Si jamais ils répondent d’ici à ce que vous partiez, envoyez-moi un message.
– Entendu, mon Capitaine.
Le sous-officier regarda son chef de service récupérer avec empressement ses dernières affaires.
– Vous allez courir ?
– Comme chaque mardi soir, vous le savez bien. Ce qui était au départ une simple séance de sport est devenu un véritable rituel. Je ne pourrais plus m’en passer. Toute cette paperasse me rendrait dingue si je n’allais pas me défouler.
Il dévisagea son subordonné.
– Vous voulez venir avec moi ? Je peux vous attendre.
– Pas ce soir, mon Capitaine, il faut que j’aille récupérer mon grand au karaté.
– Alors bonne soirée, Sergent. Et ne traînez pas trop ici, nous verrons bien demain ce qu’il en est.
Les deux hommes se saluèrent et l’officier partit sans un regard en arrière. À peine les portes du bâtiment franchies, il sentit la tension quitter peu à peu ses épaules fatiguées par un travail administratif qu’il ne goûtait guère.
En s’engageant dans l’armée, il s’était imaginé vivre des journées faites uniquement d’action et d’exercices, tout son temps dédié à l’entraînement ou à des missions sur le terrain. C’était ce qu’il avait vécu à un grade inférieur, en tant que lieutenant. Mais depuis qu’il avait obtenu ses galons de capitaine et qu’il occupait ce poste, il portait plus souvent un uniforme immaculé qu’un treillis de combat. Les seules tâches qui pouvaient encore le salir n’étaient plus de boue ou de sueur, mais uniquement de café et d’encre.
Refusant de se laisser gâcher sa séance, il chassa ces pensées et se concentra sur ce qui l’attendait. D’abord, passer chez lui se changer, embrasser sa femme et ses filles, puis filer se dépenser sur un de ses parcours.
L’Audi se déverrouilla sans qu’il eût besoin de sortir les clés. Il jeta sa sacoche sur le siège passager et se glissa derrière le volant. Une simple pression sur le bouton Start et le moteur ronfla, comme si lui aussi trépignait de faire vrombir ses chevaux restés trop longtemps muselés sur le parking du camp.
Se retenant de dépasser la limitation de vitesse stricte de l’enceinte, le capitaine serpenta entre les bâtiments et les entrepôts. Il croisa des unités qui marchaient au pas, certaines se rendant au mess et d’autres s’apprêtant pour un exercice de nuit. Il adressa un bref signe de tête au caporal qui le saluait à la barrière, puis accéléra dès qu’il franchit le périmètre.
Le trajet jusque chez lui ne lui prit qu’une dizaine de minutes. Il avait à peine garé la voiture que la porte de la maison s’ouvrit et laissa surgir ses deux princesses. Elles coururent vers lui, leur mère sur leurs talons leur criant de ne pas sortir aussi peu vêtues.
Il n’eut pas le temps de se baisser qu’elles lui sautaient déjà dessus. Cela aussi faisait partie de son rituel du mardi. Ses filles savaient qu’il ne serait pas là pour les border ou leur lire une histoire, aussi s’empressaient-elles de lui faire un câlin avant qu’il ne parte faire son footing.
– Allez les filles, rentrez ou vous allez prendre froid.
Trop grandes maintenant pour que leur père les porte, les deux gamines lui prirent chacune une main. Une fois dans la maison, elles l’embrassèrent une dernière fois et filèrent jouer dans leur chambre.
Alors qu’il les regardait monter l’escalier, il sentit sa femme se presser contre lui.
– Ça va, toi ? Tu as l’air soucieux.
– Non, c’est rien. Le boulot, c’est tout.
Il se retourna et lui rendit son étreinte. Il l’embrassa tendrement, puis s’écarta.
– Allez je file, il est déjà tard.
– Je t’ai sorti tes affaires, elles sont sur le lit.
– Merci. Embrasse les filles pour moi.
 
Le moteur de l’Audi n’avait pas eu le temps de refroidir. Habillé de son cuissard et de son haut à manches longues spécial grand froid, le capitaine bouillait de s’élancer sur les pistes du bois de Nozay.
C’était sur cette forêt que c’était porté son choix de ce soir. Depuis bientôt deux ans qu’il était à ce poste, il avait arpenté presque tous les domaines de la région. Mais celui-ci avait sa préférence. Il s’y sentait bien. Il aimait la senteur particulière des bois, l’humidité des sentiers de terre qui rendait ses foulées plus souples, les déclinaisons du terrain peu vallonné.
Une seule fausse note à son goût. Sa fréquentation. À la nuit tombée, l’endroit devenait un lieu de rencontres homosexuelles. Cela ne le gênait pas d’ordinaire, sauf quand il devait supporter des regards trop appuyés ou encore croiser certains qui l’attendaient au hasard d’un sentier. Pourtant pas homophobe, il avait peu à peu développé une antipathie à leur égard qui frôlait parfois la haine.
Il trouvait cela malsain. Tout dans leurs attitudes le répugnait. Cette façon de se guetter les uns les autres, attendant de voir celui qui s’enfoncerait dans les bois avec un regard traînant derrière lui. Ce comportement presque animal de se tourner autour, cherchant ainsi chez un partenaire d’un soir la réponse à ses envies, ses pulsions qu’il fallait évacuer.
C’était ça qui l’inquiétait. Le domaine était ouvert à tout le monde, aussi bien aux coureurs qu’aux promeneurs familiaux. Lorsqu’il voyait le degré de lubricité qui couvait dans le regard de certains qu’il croisait en pleine forêt, il craignait ce dont ils seraient capables s’ils ne trouvaient pas matière à se défouler.
Il s’engagea sur le chemin qui menait au parking du bois. Il comprit alors d’où lui venait cette colère. Plusieurs voitures s’y trouvaient déjà. Un simple regard lui confirma que leurs occupants n’étaient pas ici pour courir ou se promener. Il n’y avait même plus de place où se garer.
Rageant encore, il fit demi-tour et repartit en trombe. Revenu sur la route, il vit que le soleil allait bientôt se coucher. Il était pourtant hors de question de renoncer à sa séance. Il roula au pas et découvrit ce qu’il cherchait une centaine de mètres plus loin. Un autre chemin.
Il l’emprunta sans hésiter et roula un moment avant de se retrouver bloqué par une barrière. Sans perdre plus de temps, il récupéra sa lampe frontale dans la boîte à gants et sortit. L’obscurité avait gagné les bois. Quelques bips sur sa montre lui permirent d’enclencher son chronomètre et il s’élança aussitôt d’une bonne foulée.
Les premières minutes furent explosives, révélatrices de la tension accumulée. Il trouva son rythme un peu plus tard et prit enfin plaisir à courir. Sa foulée était régulière, sa cadence soutenue, mais sans que sa respiration en souffre.
Il courut ainsi une cinquantaine de minutes dans le noir le plus complet, seulement éclairé par le faisceau de sa lampe. Son corps trempé de sueur avait enfin libéré assez d’endorphine. Il se sentait apaisé.
Il savoura chaque instant du parcours qui le ramena à sa voiture. La brûlure de ses cuisses, son souffle qui s’échappait de ses poumons en une vapeur spectrale, ou encore la sérénité qui l’avait gagné.
Arrivé sur le chemin, il allait éteindre son chronomètre, quand il aperçut un homme posté derrière sa voiture, comme s’il surveillait son retour.
Je le crois pas.
Il devait encore s’étirer avant de repartir et il n’était pas d’humeur à le faire sous le regard d’un autre. Pourtant il refusait de s’énerver alors qu’il avait enfin atteint son but. Il n’éprouvait d’ailleurs aucune colère, mais plus de la lassitude.
Il se rapprocha tranquillement de l’Audi et se dit qu’en affichant un masque méprisant, cela suffirait à faire comprendre qu’il n’était là que pour faire du sport.
Il ouvrit la portière pour attraper sa bouteille d’eau et suspendit son geste. Un détail venait de le perturber. Il baissa la tête pour comprendre et sa lampe frontale lui révéla ce qu’il avait cru discerner.
Un de ses pneus était crevé.
Refusant toujours de s’énerver, il réfléchit rapidement à ce qui l’attendait. Il allait devoir changer une roue en pleine nuit sur un chemin de terre, à la seule lumière de sa frontale.
Il se dirigeait vers le coffre, quand il réalisa l’impensable. Un autre pneu était crevé.
– Bordel de merde !
Un rire moqueur s’échappa de la silhouette toujours en retrait.
Mais qui était cet homme ? Cette fois c’en était trop. Ce rire, ce son disgracieux qui résonnait dans l’obscurité, rompit les dernières barrières de sa retenue.
– Ça te fait marrer, connard ?
Il emprisonna l’homme dans le faisceau de sa lampe. Ce dernier plissa à peine les yeux, mais cela suffit à rendre son faciès encore plus méprisable.
– Oui.
Le capitaine n’avait à présent plus qu’une envie : effacer de ses poings cette grimace qui le narguait. Il avança vers lui d’un pas décidé, sans trop savoir ce qu’il comptait faire, persuadé qu’il le verrait prendre la fuite.
L’autre ne bougea pourtant pas. Il arrêta simplement de rire. Le capitaine, aveuglé par sa colère, ne remarqua pas que sa posture n’était pas celle d’un homme effrayé. Ses appuis étaient solides, ses mains cachées dans son dos.
Jusqu’à ce qu’il tende les bras devant lui.
L’officier, rouge de fureur et encore ruisselant de transpiration, n’eut pas le temps de freiner sa course. Il vit tout juste quelque chose voler vers lui.
Il ferma les yeux par réflexe. Dans le millième de seconde qui suivit, il sentit quelque chose lui éclabousser le visage et le torse.
Alors il hurla.
Il poussa un cri inhumain tandis qu’une brûlure indescriptible lui rongeait les chairs. Une brûlure si intense qu’il eut l’impression qu’on venait de l’asperger avec de la lave en fusion. Ses mains se portèrent à son visage pour essuyer ce qui l’attaquait, mais à peine l’eurent-elles touché qu’elles aussi se mirent à brûler et à grésiller.
Son hurlement re

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