Le pirate philippin
257 pages
Français

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Le pirate philippin , livre ebook

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Description

À mon père, le premier globe-trotter que j’aie connu. Prologue Pedro épiait les six hommes vêtus de noir qui traversaient la plage. Cette nuit, la mer sombre les appelait. Il écoutait leurs voix stridentes qui entonnaient une vieille chanson traditionnelle philippine. Alcool et peur. Ils se détachaient sur le fond pâle de la lune, la haute silhouette de son frère dominant les cinq autres. Les yeux de Pedro scrutaient le corps imposant aux longs cheveux bouclés. Sur une épaule, calé entre l’oreille et le bras, il portait le gros moteur du hors-bord. Pedro avait demandé s’il pouvait venir, mais son frère avait seulement secoué la tête. La mer de la nuit était la mer de la mort. Il y eut un gros plouf sinistre lorsqu’il se pencha pour laisser le lourd moteur atterrir dans l’eau. Dans l’obscurité, Pedro distinguait à peine son frère qui se relevait en se tenant l’épaule. Les six hommes sortirent alors une cagoule de leurs poches arrière et, centimètre après centimètre, leurs visages disparurent derrière le tissu noir. Chapitre 1 – Je dois me rendre à un enterrement tout à l’heure. Au son de la voix, Caroline Kayser leva la tête, les mains chargées des papiers qu’elle venait de récupérer à l’imprimante. Derrière elle se tenait Markvart, son chef ; son visage habituellement si lisse était marqué par de profondes rides. Un léger parfum d’après-rasage se mêla à l’odeur du papier chaud. – Il y a une réunion extraordinaire des directeurs aujourd’hui, à cause du MARTA .

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 novembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782810404360
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À mon père, le premier globe-trotter que j’aie connu.
Prologue

Pedro épiait les six hommes vêtus de noir qui traversaient la plage. Cette nuit, la mer sombre les appelait. Il écoutait leurs voix stridentes qui entonnaient une vieille chanson traditionnelle philippine. Alcool et peur.
Ils se détachaient sur le fond pâle de la lune, la haute silhouette de son frère dominant les cinq autres. Les yeux de Pedro scrutaient le corps imposant aux longs cheveux bouclés. Sur une épaule, calé entre l’oreille et le bras, il portait le gros moteur du hors-bord. Pedro avait demandé s’il pouvait venir, mais son frère avait seulement secoué la tête.
La mer de la nuit était la mer de la mort.
Il y eut un gros plouf sinistre lorsqu’il se pencha pour laisser le lourd moteur atterrir dans l’eau. Dans l’obscurité, Pedro distinguait à peine son frère qui se relevait en se tenant l’épaule. Les six hommes sortirent alors une cagoule de leurs poches arrière et, centimètre après centimètre, leurs visages disparurent derrière le tissu noir.
Chapitre 1

– Je dois me rendre à un enterrement tout à l’heure.
Au son de la voix, Caroline Kayser leva la tête, les mains chargées des papiers qu’elle venait de récupérer à l’imprimante. Derrière elle se tenait Markvart, son chef ; son visage habituellement si lisse était marqué par de profondes rides. Un léger parfum d’après-rasage se mêla à l’odeur du papier chaud.
– Il y a une réunion extraordinaire des directeurs aujourd’hui, à cause du MARTA . J’ai essayé de la faire déplacer, mais c’est tout simplement impossible. Tu vas être obligée d’y aller à ma place.
Il la regardait d’un air sérieux et Caroline hocha la tête.
– Bien sûr !
– Tu n’auras rien à faire, il est juste important que nous y soyons représentés.
– D’accord.
Elle ouvrit l’agenda sur son ordinateur.
– C’est à quelle heure ?
– À onze heures, dans la salle de réunion numéro deux.
– J’y serai.
Elle se redressa.
– Bien.
Il fit un bref signe de tête, et elle remarqua ses yeux rougis.
– Sais-tu de quoi il s’agit plus précisément ?
– De la sécurité à bord de nos pétroliers.
Distraitement, il passa une main dans ses cheveux parfaitement coupés.
– Comme je te l’ai dit, je ne souhaite pas que notre département s’en mêle, mais nous sommes obligés de faire acte de présence.
Markvart tourna les talons pour rejoindre son bureau de directeur, une cage de verre trônant au bout de l’ open space .
– Euh, Markvart ?
– Oui ?
Caroline hésita. Cela ne la regardait pas, mais il lui semblait impoli de ne pas poser la question.
– Qui… qui est enterré ?
– Mon père.
Son chef disparut à pas rapides dans sa cloche en verre, et fit claquer la porte derrière lui.
*
Lorsque les dix responsables, directeurs et sous-directeurs de Dana Oil, entrèrent dans la salle de réunion à onze heures précises, ils remplirent la pièce de pas fermes, d’ego vibrants et de coûteux parfums pour homme. Ils tirèrent les chaises de la longue table de réunion brillante avec des mouvements d’une assurance exagérée, dans leurs costumes taillés sur mesure, tout en tentant de se surpasser dans le duel quotidien de celui qui avait négocié la plus grosse commande, celui qui avait obtenu le prix le plus bas auprès d’un sous-traitant, celui à qui avait été confiée la responsabilité d’un nouveau marché en pleine croissance, ou celui qui avait fait preuve de tout autre exploit augmentant les bénéfices de la société, et prouvant ainsi son caractère indispensable.
Autour d’eux, les murs blancs et nus brillaient ; les seuls éléments qui rompaient cet aspect stérile étaient une lampe verte au plafond, censée égayer le quotidien, et la photo encadrée d’une plate-forme de forage sur le mur du fond. Lorsque tout le monde se fut assis, le directeur Clausen fit son entrée dans la pièce, suivi de près par sa secrétaire. Tous les visages se figèrent alors immédiatement dans une attitude sérieuse, répondant, supposaient-ils, à l’attente du directeur.
– Je vous ai convoqués à cette réunion extraordinaire parce que nous avons un grave problème en Asie.
De petite taille, le directeur aux cheveux noirs lissés en arrière se plaça au bout de la longue table de réunion et contempla ses subordonnés. Le silence régnait dans la salle.
– J’ai été contacté à plusieurs reprises par le second du M/S MARTA , notre pétrolier qui navigue régulièrement du Moyen-Orient vers la Chine. L’équipage a émis une revendication, continua le directeur en les dévisageant un par un. Il menace de rester à quai tant qu’il n’obtiendra pas une escorte pour traverser le détroit de Malacca et remonter la mer de Chine méridionale.
Un silence perplexe se propagea. Le détroit situé entre l’Indonésie au sud et Singapour et la Malaisie au nord n’était pas connu pour être un piège mortel, et il en allait de même pour la mer de Chine méridionale, qui était encerclée à l’ouest par la Malaisie péninsulaire, au sud par Bornéo, à l’est par les Philippines et au nord par la Chine.
– Pourquoi ? demanda enfin Nielsen, le chef de la sécurité.
Le directeur lui jeta un bref regard.
– Ils ont peur que le navire ne soit capturé par des pirates.
– En Asie ?
– Oui, en Asie, n’est-ce pas ce que je viens de dire ? Le cargo navigue sous la protection de navires armés à travers le golfe d’Aden, mais en Asie, il est seul. Ceci n’avait pas posé de problème jusqu’à présent, mais aujourd’hui, l’équipage menace de cesser le travail.
– Que disent-ils exactement ?
Birgitte Halvorsen, la seule femme de la direction, se pencha sur sa chaise et posa les avant-bras sur la table.
– Alice, tu veux bien ?
Le directeur Clausen fit un geste en direction de sa secrétaire aux joues creuses, qui, comme à l’accoutumée, était assise à sa gauche, la tête penchée sur son bloc-notes. Avec son chignon bas serré, ses lunettes en demi-lune bordées de métal et sa loyauté sans limites envers le directeur, ce serait sûrement sa photo qui apparaîtrait en premier si on lançait une recherche du mot « secrétaire » sur Google, pensa Caroline. La seule chose qui ne collait pas à cette image était que, selon la rumeur, elle courait des marathons.
– Bien sûr, dit Alice en hochant brièvement la tête et en regardant par-dessus ses lunettes. J’ai pris la communication au nom de monsieur Clausen et, en premier lieu, je leur ai répété que le cargo avait un bon niveau de protection. Néanmoins, le second nous inonde de réclamations et vient de nous envoyer une lettre de démission collective de tout l’équipage permanent, à l’exception du capitaine. La lettre de démission n’est pas signée, mais ils menacent de le faire si Dana Oil ne répond pas à leur revendication : obtenir davantage de protection pour traverser le détroit et la mer de Chine méridionale. Et il conclut sa dernière lettre en écrivant que monsieur Clausen lui-même sera le bienvenu à bord pour se joindre à eux. S’il l’ose.
La secrétaire secouait la tête, scandalisée.
Le directeur Clausen reprit la parole :
– Nous nous trouverions naturellement dans une très mauvaise posture si nous perdions tout un équipage parce qu’il pense que nous n’avons pas engagé suffisamment de moyens en matière de sécurité. Les médias adoreraient ce genre d’histoire et, en outre, cela aurait de sérieuses conséquences sur les résultats financiers si le cargo devait rester au port.
Les hommes en costume autour de la table se redressèrent. Une attaque contre les résultats financiers était une attaque contre tous.
– Si le cargo est contraint de jeter l’ancre au port parce que l’équipage décide de l’abandonner, cela nous coûtera près de vingt mille dollars par jour de mouillage.
Il y eut un bruit collectif de déglutition.
Le directeur, dont l’apparence était fréquemment comparée par les journalistes à celle d’un chef de la mafia sicilienne, posa le bout des doigts sur la table et se pencha en avant.
– Nous avons besoin d’un plan pour gérer cette situation, et nous en avons besoin maintenant.
Le silence envahit la salle. Caroline sentit le sang pulser dans ses veines.
Elle avait toujours visé haut, et chez Dana Oil, elle avait atteint le sommet en un temps record lorsque, six mois plus tôt, après à peine deux ans passés dans l’entreprise, elle avait été nommée responsable adjointe du département « Corporate Social Responsibility & Communication ». Pourtant, les vents d’ivresse censés souffler au sommet de la montagne se trouvaient à mille lieues de la réalité : l’espoir que les heures s’écouleraient dans une suite de tâches captivantes et de prises de décisions en ayant atteint un poste de dirigeant ne s’était pas franchement concrétisé.
Elle s’était imaginé qu’elle serait absorbée et séduite par le pouvoir et que, vêtue d’un tailleur ajusté et coûteux, elle dirigerait, en talons aiguilles, le cours de la bataille d’une main de fer. Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’était le nombre de fois où son travail serait interrompu au cours d’une journée par un collègue désirant savoir si le bureau ne pouvait pas acheter une nouvelle imprimante ou si Dana Oil couvrirait les dépenses de séances de kinésithérapie pour un mal de dos. Au début, elle avait transféré ces interruptions à Birthe, la secrétaire du département, mais Birthe les lui avait renvoyées à son tour en soulignant qu’elle n’était pas autorisée à prendre ce genre de décisions, qui étaient auparavant du ressort de Jens, avait-elle ajouté avec un regard accusateur. Jens, son prédécesseur et collègue apprécié de tous, qui avait été licencié pour lui faire une place. De temps en temps, Caroline pensait envoyer les demandes de ses collègues à Markvart, mais elle savait que ce genre d’interruptions pour des questions basiques et sans grande importance l’énervaient. Sans compter que montrer ainsi qu’elle n’était pas capable de prendre des décisions elle-même, comme un responsable devrait savoir le faire, la ferait baisser dans son estime.
– Je croyais que ce n’était qu’au large de la Somalie qu’il y avait des problèmes de piraterie.
La voix profonde du directeur financier

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