Le masque aux yeux rouges
250 pages
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Le masque aux yeux rouges , livre ebook

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Description

H. J. Magog (1877-1947)




"Ce matin-là à dix heures trente – heure vraiment ridicule – James Oldsilver – le beau James, comme le nommaient les enthousiastes de l’écran – fit une entrée aussi gauche que grotesque dans le boudoir de miss Perle Rose.

Or, si quelqu’un devait savoir se présenter avec aisance, c’était certainement le plus jeune milliardaire de Chicago devenu, depuis tantôt un an, par un caprice inexplicable, une des gloires du Cinéma, dont miss Perle était l’incontestable reine.

Contre toute vraisemblance, l’actrice se trouvait déjà dans son boudoir, le cinéma lui ayant appris à se lever de bonne heure. James Oldsilver trébucha, pivota sur lui-même comme ébloui et demeura planté au milieu de la pièce, foudroyant de regards farouches un innocent fauteuil, qui contenait, frileusement pelotonnée, la plus mignonne, la plus exquise des blondes.

Il est bien inutile de faire le portrait des vingt-deux ans de miss Perle ; les deux mondes savent qu’elle a de grands yeux bleus et qu’elle secoue d’adorable façon d’authentiques boucles blondes. Paris, après New York, l’a vue nager, galoper, sauter, lutter ou faire le coup de feu. Quel est le sport que n’a point pratiqué miss Perle et où elle n’excelle point ?"


Le milliardaire James Oldsilver est amoureux de la comédienne Perle. Pour elle, il se lance dans le cinéma et joue à l'acteur : celui qui sauve l'héroïne et qui reçoit le baiser final ! Mais Perle se moque de son amour... La réalité va peut-être venir en aide à James : Perle est enlevée...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384420650
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le masque aux yeux rouges


H. J. Magog


Mai 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-065-0
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1063
I
Amour et comédie

Ce matin-là à dix heures trente – heure vraiment ridicule – James Oldsilver – le beau James, comme le nommaient les enthousiastes de l’écran – fit une entrée aussi gauche que grotesque dans le boudoir de miss Perle Rose.
Or, si quelqu’un devait savoir se présenter avec aisance, c’était certainement le plus jeune milliardaire de Chicago devenu, depuis tantôt un an, par un caprice inexplicable, une des gloires du Cinéma, dont miss Perle était l’incontestable reine.
Contre toute vraisemblance, l’actrice se trouvait déjà dans son boudoir, le cinéma lui ayant appris à se lever de bonne heure. James Oldsilver trébucha, pivota sur lui-même comme ébloui et demeura planté au milieu de la pièce, foudroyant de regards farouches un innocent fauteuil, qui contenait, frileusement pelotonnée, la plus mignonne, la plus exquise des blondes.
Il est bien inutile de faire le portrait des vingt-deux ans de miss Perle ; les deux mondes savent qu’elle a de grands yeux bleus et qu’elle secoue d’adorable façon d’authentiques boucles blondes. Paris, après New York, l’a vue nager, galoper, sauter, lutter ou faire le coup de feu. Quel est le sport que n’a point pratiqué miss Perle et où elle n’excelle point ?
Mais, dans ce boudoir, aux yeux plutôt troublés du beau James, ce corps nerveux, cet être endiablé retrouvait soudain tout le charme féminin, toute la séduction de la faiblesse. Entr’ouvrant pour sourire la cerise de sa bouche, fixant son visiteur de ses grands yeux d’azur, rieurs et malicieux, elle était la femme, l’idole, l’énigme.
Et si délicate, si frêle dans son kimono de dentelle ! Le shake-hand de ce grand diable de James n’allait-il pas broyer sa menotte ? D’autant que le partenaire habituel de l’actrice avait, ce matin-là, des façons tout à fait inquiétantes. Il ne souhaita point le bonjour ; il n’excusa nullement sa visite matinale ; il ne baisa même pas la main que lui tendit miss Perle. Il dit seulement, planté devant elle :
– Miss Perle, il faut en finir... Je vous aime !
Un éclat de rire, deux éclats de rire en cascade lui répondirent. Il se retourna, déconcerté, et fronça furieusement les sourcils ; le fauteuil, qui faisait face à celui de l’actrice, était occupé par un être bizarre, sorte de lutin aux yeux ardents, dont la chevelure noire, dénouée, s’épandait magnifiquement sur les épaules, jurant avec le costume masculin. Douze ans ? Quinze ans ? Garçon ? Fillette ? On pouvait être perplexe ; et comme le disait elle-même la propriétaire des cheveux noirs, cela dépendait du scénario en cours.
Car, c’était miss Câlinette, autre gloire, jeune prodige illustre dans les rôles d’enfant terrible. Et dame ! quand on joue quotidiennement les gamins turbulents, il peut en rester quelque chose dans la façon de se tenir.
Elle cria à tue-tête.
– B’jour James !... Vous fatiguez pas ; le « tourneur » n’est pas là, ni l’appareil.
Interloqué et visiblement contrarié, le jeune homme bredouilla.
– Je vous en prie, Câlinette, ne faites pas d’esprit. Je viens parler sérieusement.
– Pas avec moi, en ce cas ?
– Pas avec vous, en effet.
– J’peux pas écouter ?
– Il vaudrait mieux que vous n’écoutiez pas.
Faisant une cabriole, Câlinette protesta.
– Zut ! Je suis de toutes les pièces... Et puis, vous croyez qu’on ne le sait pas ce que vous venez dire ? Fallait pas d’abord rugir : « Je vous aime ! » T’as entendu, Perle ? C’est pas une nouveauté. Mais, quoi ! si le public gobe ça, ne contrarions pas ses goûts. Allez-y de votre scène, mes petits. Moi, je ferai la critique.
D’un bond, elle se jucha sur une console, prenant la pose du bouddha, jambes repliées sous elle, buste immobile, tête droite et grimaçante.
– Hop ! j’y suis ! Un... deux... trois ! Commencez !
James Oldsilver s’énervait. Il arpenta le tapis et revint se placer devant la blonde actrice.
– Miss Perle Rose, puis-je solliciter la faveur d’un entretien particulier ?
– Un tête-à-tête ? gouailla Câlinette. Perle, si tu dis oui je te déshérite et je te fais enfermer jusqu’à ma majorité.
James affecta de ne pas entendre et continua à s’adresser à miss Perle, très amusée.
– J’ai à vous confier des choses graves, annonça-t-il.
– Donc ennuyeuses. Refuse ; il t’endormirait.
– Je vous supplie de vouloir bien prier Câlinette de sortir.
– Ce toupet ! Pour l’instant, je suis une potiche. Ça ne se met pas à la porte, les potiches ! Regardez. Voyez-vous mes yeux ou mes oreilles ?
Accroupie, la jeune diablesse grimaça effroyablement, en recouvrant son visage de ses beaux cheveux. Miss Perle sourit.
– Le fait est, cher James, que vous pouvez parfaitement vous expliquer devant Câlinette, approuva-t-elle. Il ne peut y avoir de secrets entre nous.
– Vous le voulez ? fit tragiquement Oldsilver. Soit !
Il choisit un fauteuil et l’approcha du kimono. Et ce geste lui permit de retrouver son calme.
– Miss Perle, commença-t-il, savez-vous pourquoi je fais du cinéma ?
L’actrice sourit malicieusement, sans toutefois répondre. Mais, oubliant qu’elle n’était qu’une potiche, théoriquement aussi muette qu’aveugle et sourde, l’incorrigible Câlinette lança, d’une voix éclatante.
– Parce que vous êtes dingo !
– D’accord ! riposta tranquillement James Oldsilver. Je suis cela depuis un an... Car, il y a aujourd’hui un an, miss, aujourd’hui un an...
– Que vous avez perdu la boule, continua la jeune prodige.
– Je vous remercie, Câlinette. Vous avez un choix d’expressions tout à fait précieux.
– C’est malin ! Je n’ai qu’à répéter ce que j’entends dire de tous les côtés.
– Câlinette ! gronda miss Perle, en faisant les gros yeux.
– Ne l’arrêtez pas, miss. C’est charité de m’instruire. D’ailleurs, elle ne m’apprend rien que je ne sache.
– Bien sûr ! triompha l’espiègle. Vous pouvez être louftingue, mais vous n’êtes pas une gourde. Et vous admettrez qu’il y avait de quoi être épaté, quand on a vu M. James Oldsilver, de Chicago, qui vaut autant de millions que j’ai de cheveux sur la tête...
– Vous exagérez, Câlinette.
– Enfin, vous avez le sac... Vous êtes à l’aise, si vous préférez. Et pourtant, un beau soir... c’était un soir, on me l’a dit... vous êtes tombé chez Looster, le Directeur de la Polygraph et vous lui avez dit : « Je veux faire du Ciné ! »
– C’est exact.
– Il vous a fait répéter, c’t’homme ! Il croyait que vous lui apportiez un scénario. Mais, j’t’en fiche ! C’était comme acteur. Vous vouliez être vu sur l’écran... Ah ! dame ! Looster a fait une tête ! C’est pas pour débiner les amateurs ; mais, tout de même, on peut se méfier.
– J’avais la vocation, Câlinette.
– Vous l’avez prouvé ; et des dispositions itou. Mais, on ne l’a su qu’après. Avant, Looster pouvait hésiter.
– C’est ce qu’il a fait.
– Et vous avez casqué !... Pas banal ; mais d’un bien mauvais exemple. Au lieu de recevoir des cachets, vous en donniez... et des gros ! des de taille ! Ah ! il avait trouvé le filon, l’imprésario de Perle. Car, comme par hasard, c’était le sien, c’était le mien, c’était le nôtre qui avait la faveur de votre collaboration.
– Ce n’était pas un hasard.
– Vous me l’apprenez !... Et, comme vous dites, voilà un an que ça dure et que vous donnez la réplique à Perle dans toutes les scènes qu’elle tourne... Ah ! vous en avez une santé !
– Il en faut une fameuse, petite Câlinette. J’ai failli vingt fois me rompre le cou ; je me livre aux exercices les plus violents ; je passe ma vie à sauver celle de Perle.
– Qui vous le rend bien, ingrat !
– Je le reconnais, Câlinette ; je dois même être en reste. Enfin, j’ai eu le plaisir d’enlever notre charmante amie, en usant de tous les moyens de locomotion, de la simple bicyclette au bruyant aéroplane. Tenant miss Perle dans mes bras, j’ai fourni à cheval des courses impressionnantes.
– Heureux homme ! Vous voudriez galoper comme ça toute la vie !
– J’en conviens ; mais, je dois avouer que le charme de pareilles minutes m’apparaît surtout après. Pendant, j’ai suffisamment à faire de conserver mon équilibre et celui de miss Perle.
– Ne vous en faites donc pas pour elle !
– Je m’en fais, Câlinette ! Je m’en fais ! Et il n’en saurait être autrement. Bref, essoufflement, palpitations et courbatures, tel est le bilan de cette existence absurde.
– Absurde ! conclut doctoralement la jeune phénomène. Et très mauvaise pour le cœur.
– À qui le dites-vous ! s’exclama tragiquement James Oldsilver, en tentant une fois de plus de s’adresser directement à miss Perle.
Le sourire de celle-ci s’accentua.
– Quand vous en aurez assez, James, dit-elle, il vous sera facile d’abandonner toutes ces émotions.
– Facile ! Facile ! rugit l’acteur amateur, en roulant des yeux furibonds.
– Sans doute. Comme le fait remarquer Câlinette, vous n’avez pas besoin de vos cachets pour vivre ; le cinéma n’est pas pour vous un gagne-pain.
– Non, mais c’est mon... gagne-cœur ! soupira le beau James.
Et baissant un peu la tête pour n’être pas gêné par le regard moqueur de la fillette, il continua à demi-voix.
– Récapitulons, miss Perle. Faisons le bilan de cette vie, à la fois stupide et délicieuse, atroce et pleine de joies, que je mène depuis que j’ai eu l’honneur de faire votre connaissance. Vous l’avez oublié, si même vous l’avez jamais remarqué. Qu’étais-je en effet ? Un anonyme et banal admirateur, perdu dans la foule des autres, le jour où je fus admis à l’honneur de vous complimenter. Mais, moi qui venais de vous voir « tourner », en chair et en os, une scène qui était bien votre triomphe, moi qui venais de frémir à la vue de vos prouesses, moi qui me sentais ravi, grisé, captivé à jamais par votre charme, je ne pus me résigner à ce rôle effacé. Auriez-vous écouté la déclaration trop rapide de cet inconnu, que j’étais à vos yeux ? Je suis sûr que non.
– S’il fallait écouter tous les inconnus qui deviennent toqués de vous ! fit Câlinette d’un air ren

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