Le léopard (L inspecteur Harry Hole)
333 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Le léopard (L'inspecteur Harry Hole) , livre ebook

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333 pages
Français

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Description

Deux femmes sont retrouvées mortes à Oslo, toutes les deux noyées dans leur sang. La police, en pleine guerre interservices, se retrouve face à un mystère, puisque les blessures à l’origine des hémorragies fatales semblent avoir été provoquées de l’intérieur. La belle Kaja Solness, de la brigade criminelle, est envoyée à Hong Kong pour retrouver le seul spécialiste norvégien en matière de tueurs en série. Le policier alcoolique s’est caché dans une ville d’un million d’habitants pour fuir les démons assoiffés de sang d’anciennes affaires, les souvenirs amers de la femme qu’il aime ainsi que les membres des triades à qui il doit de l’argent. Ce flic s’appelle Harry Hole… Nous promenant des pics enneigés de la Norvège aux volcans sulfureux du Congo, Le léopard est une traque sans pitié qui laisse le lecteur pantelant. Pour la huitième affaire de son enquêteur fétiche, Jo Nesbø nous livre son roman le plus complexe et le plus maîtrisé. Avec cinq millions de lecteurs dans le monde, traduit dans plus de quarante pays, Nesbø s’impose, avec Le léopard, comme le maître incontesté du thriller scandinave. Âmes sensibles s’abstenir…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 octobre 2012
Nombre de lectures 561
EAN13 9782072465956
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

JO NESBØ


Le léopard


TRADUIT DU NORVÉGIEN PAR ALEX FOUILLET




GALLIMARD
PARTIE I
CHAPITRE 1

Noyade



Elle se réveilla. Cligna des yeux dans l’obscurité complète. Ouvritgrande la bouche et respira par le nez. Elle cilla de nouveau. Sentitune larme couler et dissoudre le sel d’autres larmes. Mais la salive necoulait plus dans sa gorge, sa bouche était sèche et dure, ses joues tendues par l’objet à l’intérieur. Le corps étranger dans sa bouche luidonnait l’impression que sa tête allait éclater. Mais qu’est-ce quec’était, qu’est-ce que c’était ? En se réveillant, elle avait d’abord penséqu’elle voulait redescendre. Dans ces profondeurs noires et chaudesqui l’avaient entourée. La piqûre qu’il lui avait faite agissait encore,mais elle savait que la douleur arrivait, elle le savait aux coups lentset sourds qui rythmaient son pouls et à la progression saccadée dusang dans son cerveau. Où était-il ? Juste derrière elle ? Elle retint sonsouffle, écouta. Elle n’entendait rien, mais sentait sa présence.Comme un léopard. On lui avait dit que le léopard était suffisamment silencieux pour pouvoir se glisser tout près de sa proie dans lenoir, qu’il réglait sa respiration sur la sienne. Il retient son soufflequand vous cessez de respirer. Il lui semblait percevoir la chaleur deson corps. Qu’attendait-il ? Elle recommença à respirer. Et crut percevoir au même instant un souffle dans sa nuque. Elle fit volte-face,frappa, mais ne rencontra que le vide. Se recroquevilla, essaya de sefaire petite, de se cacher. En vain.
Combien de temps avait-elle été inconsciente ?
Le stupéfiant eut un raté. Cela ne dura qu’une fraction deseconde. Mais ce fut assez pour lui donner un aperçu, une promesse. La promesse de ce qui allait venir.

Le corps étranger posé sur la table avait la taille d’une boule debillard en métal brillant, couverte de petits trous dessinant desmotifs. Un cordon rouge terminé par une boucle sortait de l’und’entre eux, et lui avait fait penser à l’arbre de Noël qu’il faudraitdécorer chez ses parents pour le réveillon, dans sept jours. Avec desboules brillantes, des pères Noël, des petits paniers, des bougies etdes drapeaux norvégiens. Dans huit jours, ils chanteraient Deilig erJorden 1 , et elle verrait les yeux étincelants de ses neveux et niècesquand ils ouvriraient leurs cadeaux. À tout ce qu’elle aurait dû faired’une autre façon. Tous ces jours qu’elle aurait dû vivre à fond,franchement, remplir de joie, de souffle et d’amour. Les endroitsoù elle n’avait fait que passer, ceux qu’elle verrait. Les hommesqu’elle avait rencontrés, celui qu’elle n’avait pas encore rencontré.Le fœtus dont elle s’était débarrassée à dix-sept ans, les enfantsqu’elle n’avait pas encore eus. Les jours qu’elle avait sacrifiés enéchange de ceux qu’elle croyait obtenir.
Puis elle avait cessé de penser à autre chose qu’au couteau brandidevant elle. Et à la voix suave qui lui avait expliqué qu’elle allaitmettre la boule dans sa bouche. Elle l’avait fait, bien entendu. Lecœur battant, elle avait ouvert aussi grand qu’elle pouvait et pousséla boule de telle sorte que le cordon sorte de sa bouche. Le métalavait un goût amer et salé, comme les larmes. On l’avait alors forcée à pencher la tête en arrière, et l’acier avait brûlé sa peau lorsquela lame avait glissé à plat sur sa gorge. Le plafond et la pièce étaientéclairés par une lampe placée dans un coin. Du béton gris et nu.Hormis la lampe, la pièce comprenait une table de camping en plastique blanc, deux chaises, deux canettes de bière vides, deuxpersonnes. Elle et lui. Elle avait senti l’odeur d’un gant en cuirquand un index avait tiré légèrement sur la boucle du cordon rougequi sortait de sa bouche. Et, la seconde suivante, c’était comme sisa tête avait explosé.
La boule avait gonflé et s’était plaquée contre les parois de sabouche. Mais, même en écartant au maximum les mâchoires, lapression était constante. Il avait inspecté sa bouche avec une expression concentrée, comme un dentiste vérifiant qu’un plombage estcorrectement fixé. Un petit sourire avait trahi une certaine satisfaction.
Elle avait senti que des tiges sortaient de la boule, que c’étaientelles qui appuyaient contre le palais, contre la chair tendre sous lalangue, contre la face interne des dents et la luette. Elle avait essayéde parler. Il avait écouté sans s’impatienter les sons inarticulésqu’elle émettait. Hoché la tête quand elle avait renoncé, et attrapéune seringue. La goutte au bout de l’aiguille avait brillé dans le faisceau de la lampe. Il lui avait murmuré à l’oreille : « Ne touche pasau cordon. »
Puis il l’avait piquée sur le côté du cou. Quelques secondes plustard, elle s’était évanouie.

Elle écouta sa propre respiration terrifiée et cligna des yeux dansle noir.
Elle devait faire quelque chose.
Elle posa les paumes sur l’assise de la chaise chaude et moite àcause de sa propre transpiration et se leva. Personne ne l’en empêcha.
Elle alla à petits pas jusqu’à un mur. Le suivit à tâtons jusqu’àune surface lisse et froide. La porte métallique. Elle tira sur le verrou. Qui ne bougea pas. Fermé. Évidemment qu’il était fermé,qu’avait-elle imaginé ? Était-ce un rire qu’elle entendait, ou le sonvenait-il de l’intérieur de sa tête ? Où était-il ? Pourquoi jouait-ilcomme ça avec elle ?
Faire quelque chose. Réfléchir. Mais pour réfléchir, elle devaitd’abord se débarrasser de cette boule en métal avant que la douleurne la rende folle. Elle inséra le pouce et l’index aux coins de sa bouche. Tâta les tiges. Fit une tentative désespérée pour glisser lesdoigts sous l’une d’entre elles. Une quinte de toux survint, enmême temps que la panique quand elle se rendit compte qu’elle nepouvait plus respirer. Elle comprit que les tiges avaient fait enflerla chair autour de la trachée, qu’elle risquait de suffoquer très vite.Elle donna des coups de pied dans la porte en fer, essaya de hurler,mais la boule en métal étouffait les sons. Elle renonça de nouveau.S’appuya au mur. Écouta. Étaient-ce des pas prudents qu’elleentendait ? Se déplaçait-il dans la pièce, jouait-il à colin-maillardavec elle ? Ou n’était-ce que son sang qui battait dans ses oreilles ?Elle se prépara à la douleur et crispa les mâchoires. Elle parvint àpeine à repousser les tiges dans la boule avant qu’elles n’obligent sabouche à se rouvrir. La boule semblait battre, à présent, comme uncœur de fer, comme une partie d’elle.
Faire quelque chose. Réfléchir.
Des ressorts. Les tiges étaient montées sur ressort.
Les tiges avaient été libérées quand il avait tiré sur le cordon.
« Ne touche pas au cordon », avait-il murmuré.
Pourquoi ? Que se passerait-il ?
Elle se laissa glisser le long du mur jusqu’à se retrouver en position assise. Un froid humide montait du sol en béton. Elle voulutcrier encore, mais n’en eut pas la force. Silence. Calme.
Tous ces mots qu’elle aurait dits en compagnie de gens qu’elleaimait au lieu de ceux qui avaient comblé le silence en présence depersonnes qui l’indifféraient.
Il n’y avait pas d’issue. Rien qu’elle et cette douleur insensée, satête sur le point d’éclater.
« Ne touche pas au cordon. »
Si elle tirait dessus, les tiges rentreraient peut-être dans la boule,et elle serait débarrassée de la douleur.
Les idées se succédaient en boucle. Combien de temps avait-ellepassé ici ? Deux heures ? Vingt minutes ?
Si c’était aussi simple que tirer sur le cordon, pourquoi ne l’avait-elle pas encore fait ? À cause de la mise en garde d’une personne detoute évidence malade ? Ou était-ce une partie du jeu, qu’elle selaisse convaincre de ne pas mettre un terme à cette douleur tout àfait superflue ? Ou le jeu reposait-il sur son mépris de l’avertissement, quand elle tirerait sur le cordon pour que… pour que quelque chose d’épouvantable se produise ? Que se passerait-il, qu’est-ce que c’était que cette boule ?
Oui, c’était un jeu, un jeu horrible. Car elle devait le faire. Ladouleur était intolérable, sa gorge enflait, elle ne tarderait pas à suffoquer.
Elle essaya de hurler à nouveau mais elle n’émit qu’un sanglot,et elle cilla, encore et encore, sans que d’autres larmes montent.
Ses doigts saisirent le cordon qui pendait contre ses lèvres. Ellele tendit.
Elle regrettait tout ce qu’elle n’avait pas fait, c’était une certitude. Mais si une vie de renoncement l’avait placée ailleurs que làoù elle se trouvait à présent, elle l’aurait choisie. Elle voulait justevivre. Une vie tout à fait banale. C’était aussi simple que cela.
Elle tira sur le cordon.

Les aiguilles jaillirent de l’extrémité des tiges. Elles mesuraientsept centimètres de long. Quatre percèrent les joues des deux côtés,trois pénétrèrent dans les sinus, deux montèrent dans le nez et deuxperforèrent le menton. Une aiguille transperça l’œsophage et unele globe oculaire droit. Deux aiguilles passèrent à travers la partiepostérieure du palais et atteignirent le cerveau. Mais ce ne fut pasla cause directe du décès. La boule en métal barrant le passage, ellene parvint pas à cracher le sang qui coulait de ses blessures. Ils’engouffra dans la trachée et les poumons, empêcha l’oxygène de passer dans le sang et entraîna un arrêt cardiaque et ce que la médecine légale qualifierait dans son rapport d’hypoxie cérébrale, soit unmanque d’oxygène dans le cerveau. En d’autres termes : BorgnyStem-Myhre mourut noyée.


1 .  Fairest Lord Jesus , hymne chrétien. (Toutes les notes sont du traducteur.)
CHAPITRE 2

Ténèbres éclaircissantes



18 décembre

Les jours sont brefs. Dehors, il fait toujours clair, mais ici, dans masalle des coupures, il fait toujours noir. Dans la lumière de ma lampede travail, les gens sur les photos au mur expriment un bonheur et uneinsouciance horripilants. Des attentes énormes, comme s’il était évidentd’avoir la vie devant soi, aussi plate et continue qu’une mer d’huile.J’ai découpé les articles, écarté les histoires à pleurer de familles sous lechoc, supprimé les détails sanguinolents de la découverte du corps. Enne gardant que l

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