Le Fils des doigts
248 pages
Français

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Description

Oyane voulait à tout prix sortir l’homme qu’elle aimait du tourment, lui épargner le poids des regards, la stigmatisation en lui donnant un enfant, un seul, qui lui ôterait le statut de stérile invivable à Brazzaville.
Et comme cela était naturellement impossible, elle avait décidé alors de lui en « fabriquer » un avec des chiffons.
Entrez dans le secret de fabrication d’un enfant, la transformation d’une poupée en un véritable petit garçon, en suivant les pas de cette femme bien déterminée à accomplir son projet macabre au péril de sa vie.
Venu au monde dans un flou opaque, Beny disparut tout aussi mystérieusement. L’enquête pour le retrouver, menée par une police sans méthode et par des proches, tâchera de résoudre le mystère de celui qu’on appelait « Le Fils des doigts ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 novembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414225231
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-22521-7

© Edilivre, 2018
Du même auteur
Du même auteur :
–  Le voleur de Talangaï, roman , Édition le Figuier.
–   Un morceau de lune est tombé dans la forêt, roman , Publibook.
–  Le corbeau et l’hirondelle, poésie , Publibook.
–  Le cœur de mon cœur, roman , Edilivre.
Dédicaces
 
 
À toutes les femmes du monde.
À toutes celles qui, avec leurs doigts, ont fabriqué aux hommes des enfants.
Le fils des doigts
Comme un enfant qui pleure…
Cette nuit-là, le ciel pleurait à grosses gouttes. Et il n’en finissait pas, comme un enfant bien décidé à toucher le cœur de ses parents ; un enfant décidé à pleurer au-delà de la satisfaction, après qu’il eût obtenu ce qu’il désirait.
Brazzaville…
Cette nuit-là, pas un seul arrondissement n’était épargné. De la rivière Djoué à la rivière Djiri, l’épais tissu de pluie avait tout enveloppé et semblait inamovible. Même les puissants phares des bahuts des militaires qui entraient et sortaient des camps situés sur l’avenue de l’intendance peinaient à le transpercer. Et malgré le balai incessant des essuie-glaces, au-delà des pare-brise, la visibilité était quasi nulle. Tout était blanc, ou gris, ou noir selon l’état des cônes et des bâtonnets de chacun. Il n’y avait plus de ciel, ni de terre. Tout était confus. Seul un puissant éclair déchirant sans fin ce voile pouvait faire ressurgir le décor pendant l’instant d’un flash. Et après, le vide revenait, plus vide que jamais.
Il pleuvait sur la capitale…
Ces pluies qui viennent de Kinshasa ne ratent jamais. Ce jour, peu avant dix-sept heures, le ciel s’était brusquement assombri du côté du fleuve Congo. Sans attendre les premières gouttes de pluie, les boutiques, les écoles, les buvettes en plein air qui longent les grandes avenues avaient fermé les unes après les autres et les ruelles s’étaient vidées. Personne ne voulait être pris au piège et passer la nuit dehors. Le ciel noir, avec de gros et impressionnants nuages, annonçait une redoutable querelle de dames 1 . Et ce fut bien le cas.
Les larmes…
Les ruelles avaient un visage de deuil. Elles étaient vides, désertes, sombres et avalées par les eaux. Les arbres dansaient comme des fous et craquaient sans fin. Les lampadaires frissonnaient sous vents et torrents. Aucune porte n’était ouverte, aucun volet, aucune lumière, aucune bouche. Le chant mélodieux de la pluie et la fraîcheur avaient poussé presque tout le monde au lit entre les bonnes griffes de la reine noire. Il faisait encore vingt heures et déjà la vie s’était arrêtée. À la place des éclats de voix, des coups de klaxon des cent-cent 2 du circuit Texaco – rond-point Ebina – la gare, du tumulte de toute sorte, régnait une ambiance de cimetière abandonné comme s’il faisait déjà une heure du matin.
Seuls ceux dont les parcelles étaient plus basses que le niveau de la rue et qui à chaque pluie s’inondaient, ceux-là dont l’eau pénétrait jusque dans les maisons, les casseroles, les meubles, et même dans les poches des pantalons, ceux des bas-fonds, sur les rives de la rivière Tsiémé, étaient encore debout, armés de seaux en train de vider l’eau dans une véritable course contre la montre.
Vents et rafales de pluie…
Rares étaient les véhicules qui circulaient encore sur ces routes inondées, déchirant l’eau comme des pinasses. Dans cet univers apocalyptique, un homme, seul, osait encore se hasarder dans la gueule noire de la nuit. Il était visiblement désespéré. Il marchait sans repère, sans destination, revenant à maintes reprises sur ses pas et prenant des virages impromptus. Il marchait comme un enfant perdu au milieu d’une foule. Il avait les yeux rouges, mitraillés par la pluie, et pressés à fond par le chagrin. Ses habits étaient mouillés, accolés au corps et ses chaussures gorgées d’eau.
L’homme marchait, fouillant coins et recoins à son passage. Quelquefois, il s’arrêtait devant le noir d’une ruelle et criait de toute sa voix, « Beny ! », avant de dresser l’oreille pour dénicher dans ce méli-mélo sonore le moindre signe de vie. Et il attendait, en vain.
Quelquefois le chant de la pluie semblait véhiculer une voix, celle d’un enfant, un cri de détresse. Là, l’homme se concentrait, dressait les oreilles comme un berger allemand, triait goutte à goutte les sons et finalement se rendait compte qu’il ne s’agissait que des mots qui résonnaient en lui-même, dans son for intérieur. Il n’y avait pas de voix d’enfant, ni de voix tout court. Le silence était nu, cru, brut, criblé uniquement de rafales de pluie. Là, accroché au dernier grain d’espoir, il reprenait la route espérant dans un virage, dans une maison inachevée, sous un arbre, se retrouver nez à nez avec celui qu’il cherchait depuis déjà quatre heures sous les torrents : un enfant, le sien, Beny, âgé de trois ans, sorti de la maison juste avant le début de la pluie et depuis lors porté disparu.
– Beny ! s’écriait-il de toute sa voix. Beny !
Larmes et désespoir.
Quelquefois, après son cri, le clic-clac d’un crochet ou d’une clef résonnait et une fenêtre ou une porte s’ouvrait, une main écartait le rideau, et un visage ou deux sortaient pour le voir. Quelquefois aussi, après son cri, une personne sortait sous la pluie et le regardait sans mot.
– Beny !
Il s’en suivait quelques commentaires lancés d’une fenêtre à une autre à haute voix pour se faire entendre sous ces grondements, ces rafales de vent et ces craquements.
– C’est absurde ! Qu’est-ce qu’il cherche celui-là sous un tel orage. Il va se faire griller par la foudre ! Il ne voit pas ces arbres qui menacent de s’écrouler ?
– N’est-ce pas le fou du marché ?
– Non, pas le fou du marché. Lui, il est fou, mais craint le danger. Celui-là s’en moque. En plus, le fou du marché est incapable de prononcer un seul mot. Celui-là ne cesse d’appeler un certain Beny.
– Beny ? N’est-ce pas le fils des doigts  ?
– Mais oui. Beny, c’est bien le fils des doigts. Quoi, serait-ce le stérile des dix maisons qui serait à la recherche de son enfant ? Le fils des doigts aurait-il disparu ?
– Non, je ne crois pas.
– Ce genre de pluie annonce généralement un événement majeur. Le fils des doigts est un enfant miraculeux, ne l’oublie pas.
– Le fils des doigts est sous haute surveillance. Il y a toujours l’ombre du stérile des dix maisons derrière lui.
– Et si c’était réellement lui qui avait disparu ?
– C’est impossible.
– Il y a trop d’histoires, trop de versions, trop de disputes depuis la naissance de cet enfant et j’ai toujours peur de la suite.
– On n’a pas coupé les mains au stérile des dix maisons : il peut toujours recommencer et avoir un autre enfant. Ah ! ah !
– Bon, je ferme la porte, je repars au lit.
– Attention, avec l’âge, les doigts aussi se fatiguent. Ah ! ah !
– À demain !
– Avec l’âge, les doigts aussi se tarissent. Ah ! ah !
– Bonne nuit !
– Sacrée pluie, je ferme moi aussi. À demain. Ah ! ah !
Puis, les portes et les fenêtres se refermaient.
L’homme frissonnait de fraîcheur et de peur. Et malgré cela, il avançait, guidé par l’amour qu’il avait pour son fils, le seul, l’unique. Il était l’ombre de sa virilité, ce qui faisait de lui un homme à part entière. Aussi, n’hésitait-il pas à le brandir comme un badge ou un laissez-passer pour entrer là où seuls les vrais hommes étaient admis. Sans ce fils, il redeviendrait donc une femme, la risée de tout le quartier, et serait de nouveau mis en quarantaine, soumis à l’apartheid. Sa vie et sa dignité étaient en jeu et il devait le retrouver, vivant, pour espérer demeurer un homme. Mais après quatre heures, il était arrivé au bout de lui-même, de sa détermination, de sa rage. Il avait touché le fond. Il s’était échoué sur un banc de sable au milieu de nulle part. Il avait le cou enfoncé dans les épaules, le dos voûté, les bras pendants le long du corps et les pieds de plus en plus lourds. Son corps lui demandait d’abandonner. Mais pour ce fils, il avançait, toujours, dans une démarche désordonnée, trébuchant à maintes reprises et zigzaguant comme s’il était ivre.
Mais pourquoi regardait-il de temps en temps ses doigts ? Pourquoi les pressait-il un à un ? Pourquoi les mordait-il ?
Quand il aborda le petit marché du quartier, l’acide qui lui brûlait l’estomac remonta jusque dans sa bouche. Il marqua une pause devant l’avenue principale du marché et scruta avec peine, les viscères broyés par un souvenir atroce, les étals de fortune vides. Une scène du marché lui traversa l’esprit. Il se revit en train de traverser cette allée sous le rire moqueur des vendeuses.
– Non, se dit-il en empruntant cette allée. Même s’il s’était réfugié sous une table, Dougdince et sa bande l’auraient ligoté et jeté au fleuve.
Alors qu’il sortait du marché, non loin du grand dépotoir d’immondices, une tôle arrachée par le vent et qui traînait contre les étals se remua, lui déchirant le cœur de stupeur.
– Beny ! s’écria-t-il de toute sa voix.
De là sortit une ombre, malheureusement aussi grande que lui-même, habillée en lambeaux d’habits. Ses dreadlocks lui tombaient sur les épaules et une énorme barbe couvrait sa bouche. L’homme le scruta, saoulé par la déception : c’était Avèdè-vèdè, le fou du marché, ainsi surnommé parce que tout ce qu’il ne savait dire, et la réponse qu’il donnait à toutes les questions qui lui étaient posées n’était que ce bout de phrase insensée pour le reste du monde, « Avèdè-vèdè ».
– Je deviens fou, dit l’homme. Je savais bien pourtant que c’était sa demeure, mais j’ai nourri en moi l’espoir de voir Beny sortir de là. J’ai failli sursauter de joie quand j’ai vu la tôle bougée. Je deviens fou…
Ce coin perdu du marché où s’élevait une impressionnante montagne de d

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