Le Fantasme de Pinocchio
182 pages
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Le Fantasme de Pinocchio , livre ebook

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Description

Même en étant scientifique de formation, peut-on se laisser mystifier par un jouet sophistiqué à l'extrême et perdre peu à peu le sens des réalités ? Une grand-mère en fait l'expérience sans le vouloir. Joue-t-elle consciemment ou bien s'égare-t-elle peu à peu en prétendant résister à la fascination ? Quels souvenirs enfouis reviennent parasiter son rapport à ce jouet risquant ainsi de lui faire perdre ses repères ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 mai 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414037384
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-03736-0

© Edilivre, 2017
1 Lecture à risques…
C’était un retour comme les autres, banal au possible, trois heures de train, lectures, mots croisés, rêveries. Ce jour-là allait pourtant réorienter ma vie.
Tout commence par l’achat d’un journal ultra sérieux déconseillé en fin de journée épuisante. Mais est-ce ma faute si, à Paris, « Le Monde » paraît le soir ? « Jardinez en ligne », « Choisissez votre moteur de recherche », voilà ce qui me tombe machinalement sous les yeux tandis que je me case du mieux possible dans l’un des fastueux siège TGV créé par un designer sans doute fort malingre lui-même. Ce qui, soit dit en passant, n’est pas exactement mon cas. Reste donc à lire pour oublier un temps l’inconfort du voyage. Hélas, c’est vrai, ce jour-là, le journal Le Monde impose un supplément interactif…
Décidément les nouvelles technologies me harcèlent, me traquent, me terrorisent jusque dans la voiture 17, pourtant la plus éloignée sur le quai. Comme si une journée à avaler des exposés bouffis d’informatique et gonflés de termes ésotériques, n’y suffisait pas. Mais aussi quelle idée d’acheter systématiquement un journal intello en prenant le train ? Parce qu’avec une petite mallette noire d’ordinateur portable en main, on n’ose plus acheter Paris-Match, Elle, Maxi ou Femme actuelle ? Sans doute suis-je déjà socialement « formatée » autant qu’une vieille disquette, sans même m’en être rendue compte.
Qui parle ici ? Disons une voyageuse d’âge fruité, pour éviter l’affreux vocable d’âge mûr. Parce que, franchement, l’accent circonflexe ne s’entend guère dans les conversations et l’on peut imaginer aisément la cohorte des femmes largement quinquagénaires butant devant une énorme muraille les privant de tout : âge mur, âge butoir, âge terminus, fini de rire et de jouir, du moins pour les femmes. A l’aube des tempes grisonnantes, l’homme quant à lui, voit aussitôt de jeunes donzelles lui tomber dans les bras ou plus directement dans le lit. Aux premiers cheveux gris d’une femme, on s’enquiert plutôt de la bonne santé de ses petits enfants avant même de savoir si elle en a ! Disons donc que je suis plus proche de cinquante ans que de quarante… Ce qui, remarquez le en passant, ne vous renseigne en rien de rien, puisque même une auguste centenaire est dans ce cas ! Malice des chiffres !
Un certain flou demeure donc quant à mon âge précis, mais par contre, rien n’interdit d’apprendre que je suis une abonnée SNCF. Le TGV Paris-Province-Paris, c’est mon métro à moi. Je sais donc par expériences bihebdomadaires qu’il va falloir tenir trois heures de siège, trois heures pliée, coincée, tassée, bloquée dans la même position et qu’un journal est, somme toute, le plus sûr compagnon de rail quand on ne sait pas dormir – voir même ronfler pour certains – en un lieu public.
Je ne rechigne donc pas devant l’austère mise en page de mon quotidien aux caractères aussi tassés dans leurs colonnes que moi dans mon wagon. Me voici donc pénétrant subrepticement dans mon journal par la dernière page, histoire de ne pas stresser trop vite mon voisin par de grands gestes envahissants. Et pourquoi pas la première page dont la lecture semble pourtant tout aussi discrète ? Attention prudence ! Page Une égale page piège : elle entraîne inévitablement « suite en page 12 » ou « fin en page 14 ». Et, il faut bien le reconnaître, tourner les pages d’un quotidien dans les transports publics est une manœuvre délicate qu’un reste de bonne et vieille éducation m’interdit de tenter, tout au moins dans les dix premières minutes d’un voyage.
Il n’empêche que, sitôt lu le billet d’humeur, il me reste à digérer des heures de lectures pires que sérieuses, à peine entrecoupées de vaines tentatives pour jouer à croiser quelques mots emprisonnés dans une grille. Alors je rêve d’articles futiles, de photos chocs, de romans à l’eau de rose, de mots fléchés force zéro, de potins invraisemblables, de courriers du cœur désopilants, de petites annonces farfelues, de recettes alléchantes et, face aux kilomètres restants, voilà que faute de mieux, j’aborde le maudit supplément hyper-technologique qu’au départ je destinais à une poubelle évidemment virtuelle, celle des TGV étant bien entendu trop petite pour tant de puces !
Me voilà donc errant d’un œil cotonneux sur la Une interactive. À vrai dire, on la dirait plutôt inter-dormitive, mais sans doute est-ce le bercement du voyage… Les titres parviennent tout de même jusqu’à ma conscience ensommeillée alertant peu à peu ma hargne informatique. Le jardinage en ligne ? et pourquoi pas la pêche ? La « géomatique » fait parler les cartes ? Diable, les voyantes courraient-elles le risque de la concurrence ? Même pas ! C’est simplement la géographie et l’informatique qui viennent de se pacser, histoire d’être de leur temps ! La lutte fratricide des moteurs de recherche ? Qu’ils s’entretuent donc et qu’ils nous laissent rêver en paix !
Et puis voilà qu’au milieu de ces titres jargonnants, m’apparaît tout frais, tout de rose vêtu, un poupon à l’ancienne, un vrai de vrai, aux cheveux dessinés en fines ridules, aux mains potelées, au sourire à fossettes… Déjà l’incongruité d’une photo dans ce journal qui s’en prive souvent, a de quoi surprendre. Si encore il se fut agi du portrait d’un Obama ou d’un Bill Gate, l’effet eut été de courte durée. Mais une photo de poupon… Qu’allait-il faire en cette gazette ?
Sans doute s’était-il laissé piéger, comme moi jadis, qui a priori ne demandait rien aux calculettes de tout format, aux logiciels de tout poil, aux imagiciels sans nuages et sans étoiles… Moi qui refuse de dire « je fais mon âge », préférant de loin l’autre sens : « mon âge m’a faite », j’en pèse désormais toutes les conséquences. Car, en l’occurrence, cela me vaut une entrée de dernière heure dans le cybermonde et donc à jamais décalée, déphasée, apeurée.
Ce bébé trônant dans une pleine page « nouvelles technologies » m’apparaît alors comme une main tendue : viens, découvre avec moi cette nouvelle planète, dessine-moi un mouton… avec ta souris ! Puis, en lisant que cet innocent poupon était bourré de puces électroniques, je me sentis immédiatement démangée par une solidarité imprescriptible, sensible à ses tourments, à sa nostalgie de l’immobilité paisible, aux regrets de son passé, certes muet, mais si délicatement attentif à l’imaginaire des petites filles.
Bien sûr, ma petite-descendance piaillante m’avait déjà contrainte à de curieuses rencontres : l’ours en peluche dont le nez s’allume quand on s’approche, celui qui chante d’une voix nasillarde si on lui serre la patte gauche, le lapin ricanant quand on frappe dans les mains, le cochon agité du groin et de la queue si on le caresse… Tant et si bien qu’un jour je fus même prise en flagrant délit de torture d’une malheureuse autruche : tirant sur les pattes, appuyant sur le ventre, pressant le bec, tordant le cou, à la recherche du nécessaire déclic électronique. L’une de mes petites filles mit fin à cet inutile supplice : « Mais Mamé, celle-là, elle ne fait rien du tout ! ». Ah bon, ça existe encore des peluches tout simplement remplies de mousse ? Comme si c’était l’évidence même !
Au fait, oui, autant l’avouer au passage : depuis qu’un film a rendu populaire un « papé » de Pagnol, j’ai hérité de ce sobriquet peu envié, avant même que grand-mère je ne sois vraiment. L’étant ensuite devenue « pour de vrai », je ne crois plus vraiment aux bienfaits proverbiaux des voyages pour conserver la jeunesse puisqu’à l’évidence mes errances, pourtant répétées, n’ont pas empêché mes propres rejetons de se livrer aux joies et douleurs de la procréation, m’offrant ainsi une génération supplémentaire.
Je suis donc tout ce qu’il y a de plus grand-mère, au moins sept fois. Pourquoi au moins ? Parce que, déformation professionnelle, je déploie une prudence quasi maniaque à l’égard des chiffres. Donc par principe de précaution et ignorante des conséquences des derniers ébats de ma progéniture, rien n’interdit de penser à chaque instant qu’un embryon de huitième petit enfant peut être en partance, à la découverte de sa propre existence.
Depuis que « mamé » je suis, j’ai délibérément choisi d’être ludiquement conservatrice. J’aime les vieux jouets tout de bois vêtus, loin des piles et des gadgets, les jouets sachant utiliser les ressources subtiles de la pesanteur, les forces tendues d’un ressort ou les mystères d’un aimant. C’est dire comme je suis loin des jouets connecto-sophistiqués dont la publicité abreuve nos écrans quand vient la saison noëlisante.
C’est donc attirée par l’air d’antan d’un jouet digne de ma propre enfance que je découvre, page VI, les subtilités électroniques de « Bibou », poupon gavé de puces codées, d’émetteurs-récepteurs infrarouges, de circuits imprimés, de microprocesseurs, de capteurs sophistiqués, de programmes aléatoires… Bref, Bibou, une fois nanti de sa pile spéciale en guise de pace-maker peut, parait-il, prononcer plus de mille phrases… Mille phrases…
Cela me plonge aussitôt dans la perplexité comparative. Mon échantillon enfantin personnel étant riche d’âges variés, j’essaie de situer le bébé informatique. Trois ans comme Annah la bavarde ? En songeant aux nombres de noms, de verbes et d’adjectifs qu’elle formule déjà, l’arborescence multiplicative peut sûrement lui offrir déjà plus de mille phrases. Car après tout, il suffit de dix noms, dix verbes et dix adjectifs pour atteindre ce cap. Sans doute n’est-il pas facile de bien choisir les trente termes de bases pour que les phrases aient toutes un sens, mais pourquoi faudrait-il forcément refuser de délirer un tant soit p

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