Le drame de la loge bleue
69 pages
Français

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Description


« Allô !... Ici, le directeur du Music-Hall Parisien. Un drame vient d’avoir lieu chez moi... On vient de découvrir, dans une loge, deux artistes, les deux vedettes, étendus morts... ils portent des traces de coups de feu... Il y a entre eux un revolver... Oui, je vous attends... La représentation continue, vous comprenez, il ne faut pas affoler le public... »


Cet appel téléphonique donné à Police Secours résumait parfaitement l’affaire dévolue à l’inspecteur GIRARD.


Un détail supplémentaire rendait la scène plus tragique encore, la pièce était fermée de l’intérieur ; personne, excepté les victimes, n’avait pu y pénétrer...


Double suicide ou meurtre suivi de suicide ? Qui de la chanteuse Ginette Bellange ou du jeune premier Jehan Clairville avait assassiné l’autre avant de se supprimer ?


L’inspecteur GIRARD ne savait que penser de ce drame passionnel. Il ne parvenait à se faire une idée... enfin, si, mais celle-ci ne cadrait pas avec la thèse officielle ni avec les indices récoltés.


Et s’il s’agissait plutôt d’un double assassinat ?...


Qui l’aurait alors perpétré et, surtout, comment aurait-il procédé ?...

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Publié par
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EAN13 9791070038826
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

INSPECTEUR GIRARD
LE DRAME DE LA LOGE BLEUE
Récit policier

André CHARPENTIER
CHAPITRE PREMIER
Le spectacle interrompu
 
La revue du Music-Hall Parisien, ce grand établissement d'attractions proche des grands boulevards, battait son plein. Il était onze heures. La salle était comble et le public venait d'applaudir une des meilleures scènes au cours de laquelle s'étaient distinguées les deux vedettes du spectacle, la chanteuse fantaisiste Ginette Bellange et le jeune premier Jehan Clairville.
Ces deux artistes n'avaient qu'à paraître sur le plateau pour susciter l'enthousiasme et provoquer les bravos. Le public adopte ainsi des interprètes qui deviennent ses idoles. Ginette Bellange, dans toute la fraîcheur de ses vingt ans, possédait un talent très personnel de chanteuse et détaillait avec un brio éblouissant couplets et refrains ; elle avait comme partenaire son camarade Jehan Clairville, de dix ans plus âgé qu'elle, dont la voix tendre et câline avait conquis les suffrages de toutes les femmes.
Chaque soir, au deuxième acte, Ginette et Jehan, comme on les appelait familièrement dans les coulisses, remportaient le même triomphe dans le fameux duo d' Une nuit à Venise, où ils paraissaient dans d'élégants travestis de l'époque des doges. En vérité, ils formaient le couple idéal et, d'ailleurs, on murmurait, dans les milieux « cour et jardin », que la jolie vedette et le jeune premier projetaient de réaliser, un jour prochain dans leur vie, le rêve que les auteurs de revues leur faisaient jouer sur les planches. Ce bruit était-il fondé ? On avait pu en douter jusqu'ici ; mais, l'autre semaine, les deux artistes, qui avaient opposé un sourire énigmatique à toutes les questions, avaient dévoilé leurs pensées intimes et avoué le penchant qu'ils éprouvaient. Un beau mariage en perspective et qui devait défrayer la chronique mondaine durant des jours.
Le rideau du deuxième acte tomba dans le crépitement des applaudissements. Trois fois de suite, Ginette Bellange et Jehan Clairville avaient dû revenir saluer. Enfin, aux derniers accents de l'orchestre, le public se répandit dans les couloirs ; l'entracte commençait. Le buffet recevait sa clientèle joyeuse ; les conversations emplissaient les dégagements de l'établissement au milieu du va-et-vient incessant des spectateurs.
Chaque soir, au cours de cet entracte, Ginette Bellange recevait dans sa loge, une des plus élégantes du Music-Hall Parisien, la loge bleue, comme on l'appelait à cause de la nuance de ses tentures, la visite de son partenaire et fiancé Jehan Clairville. Les deux jeunes artistes se ménageaient ainsi un quart d'heure de répit ; l'habilleuse préparait une tasse de thé qu'ils dégustaient à petites gorgées tout en bavardant, se délassant de la fatigue que leur imposait un rôle de premier plan.
Ce soir-là, comme d'habitude depuis un mois, les deux artistes s'étaient réunis dans la loge bleue. L'habilleuse, après avoir présidé au changement de costume de sa maîtresse, s'était retirée, laissant cette dernière seule en tête à tête avec Jehan Clairville, devant le plateau où fumait la théière, à côté d'une assiette de gâteaux secs.
Bientôt, les trois coups annonçant que le spectacle allait recommencer retentirent. Le rideau allait se lever sur le troisième et dernier acte ; l'orchestre entama le prélude ; les spectateurs avaient regagné leurs places et la lumière s'était éteinte dans la salle.
Le décor de ce troisième acte représentait un bal-musette en 1900. La reconstitution était pittoresque, il y avait en scène des couples habillés à la mode de ce temps où l'on valsait et polkait encore. Les deux vedettes principales n'entraient en scène que dix minutes environ après le lever du rideau. À ce moment, comme chaque soir, le régisseur frappa à la porte de la loge bleue, criant l'appel habituel :
— En scène !... C'est à vous...
D'habitude, la voix de Ginette Bellange, mutine, lui répondait :
— On y court !
Cette fois, ce fut le silence. Le régisseur heurta de nouveau la porte du poing et répéta son annonce. Ce fut le même silence.
— Tiens, c'est curieux, murmura-t-il.
Il tourna alors le bouton de la porte ; la loge était fermée à clef. Il s'inquiéta ; déjà, l'orchestre entamait les premières mesures qui accompagnaient l'entrée des deux artistes. Il cria :
— Répondez-moi, je vous en prie, mademoiselle Ginette ?
À ce moment, l'habilleuse revint :
— Qu'y a-t-il ? interrogea-t-elle en voyant le régisseur piétiner devant la loge bleue.
— Je ne sais pas ce qu'il y a, mademoiselle Blanche, mais j'ai beau frapper, appeler, on ne me répond pas.
— Et pourtant, il y a cinq minutes, je les ai laissés tous les deux qui causaient en riant.
Sur la scène, un certain émoi se manifestait parmi les acteurs. Ginette Bellange et son partenaire n'avaient pas l'habitude de manquer leur entrée et se tenaient toujours une ou deux minutes avant dans la coulisse. Le chef d'orchestre bissa les premières mesures afin de permettre aux deux interprètes en retard d'enchaîner sans nuire au mouvement du spectacle.
— Je vais prévenir le directeur, décida le régisseur.
L'habilleuse s'efforça à son tour d'ouvrir la porte, mais en vain.
— Je n'y comprends rien, fit-elle en pâlissant. Pourtant, je suis sûre qu'ils sont là. Il se passe quelque chose d'étrange.
Le directeur, M. Maulois, un homme d'une cinquantaine d'années, accourait derrière son régisseur autant que le lui permettait une obésité très prononcée. D'autre part, une cohorte de figurants masqués, qui devait participer à la scène en cours, interceptait le passage des coulisses.
— Rangez-vous donc, cria M. Maulois.
Enfin, ils arrivèrent devant la loge bleue où se tenait toujours M lle  Blanche, l'habilleuse, dont l'émotion ne faisait que croître. Le directeur secoua la porte de quelques poussées d'épaule vigoureuses ; ses efforts restant vains, on décida de forcer la serrure. Un mécanicien fut chargé de ce travail. Pendant qu'il opérait au milieu de l'angoisse générale, le régisseur demanda à M. Maulois :
— Faut-il prévenir le public ?... On commence à s'impatienter. J'entends des murmures et voilà trois fois que l'orchestre joue le même air.
Désemparé, le directeur s'épongea le front :
— Quelle histoire !... Dites au chef d'orchestre de reprendre la valse de la première scène et que les danseurs poursuivent leurs ébats... Il faut tenir cinq minutes encore. Tout va peut-être s'arranger...
Il n'en était guère persuadé et son anxiété était à son comble. Enfin, le mécanicien fit jouer le pêne de la serrure ; la porte s'ouvrit. Une exclamation s'échappa de ses lèvres ; le directeur, M lle  Blanche et le régisseur, qui était revenu en hâte, lui firent écho. Le spectacle qui s'offrait aux regards justifiait leur stupeur : dans la loge bleue, sur le tapis, deux corps gisaient : Ginette Bellange et Jehan Clairville.
— C'est affreux ! gémit l'habilleuse.
— C'est un crime, balbutia M. Maulois qui s'était avancé d'un pas.
Il se pencha sur les corps : la chanteuse était étendue sur le dos ; à la poitrine, un mince filet de sang. À côté d'elle, le jeune premier, qui portait à la tempe droite un trou rouge. Entre eux, un revolver.
— Mais que s'est-il passé ? se demanda le régisseur.
Le directeur s'assura que la mort avait fait son œuvre et qu'aucun espoir ne pouvait subsister de sauver l'un ou l'autre. Alors, il décida :
— Que personne ne dérange quoi que ce soit ici. La police doit enquêter avec toutes les garanties.
Il invita le régisseur à demeurer sur le seuil de la loge bleue et à interdire l'entrée à quiconque, sous aucun prétexte.
— Je vais moi-même inviter le public à patienter quelques secondes.
En effet, il gagna le devant de la scène au milieu de l'agitation émue des interprètes et prit la parole :
— Mesdames, Messieurs, veuillez nous excuser d'interrompre le spectacle durant quelques minutes. Nos deux grandes vedettes si aimées du public viennent d'être prises d'une indisposition...
Il ne pouvait faire part de l'atroce nouvelle ; il devait ménager les nerfs des spectateurs. Il poursuivit d'une voix haletante :
— Nous espérons... que ce malaise n'aura pas de suite ; mais, pour ce soir, nos deux grands artistes ne pourront continuer leur interprétation. Dans quelques minutes, nous passerons à la scène suivante. Veuillez nous excuser de ce contretemps indépendant de notre volonté...
Il s'inclina devant le public que cette annonce avait ému profondément. On se mit à chuchoter, et chacun commenta à sa façon l'incident si imprévu.
L'orchestre continua de jouer durant cet entracte forcé. Pendant ce temps, le directeur avait regagné en hâte son bureau et, décrochant son téléphone, forma le numéro de Police Secours :
— Allô !... Ici, le directeur du Music-Hall Parisien. Un drame vient d'avoir lieu chez moi... On vient de découvrir, dans une loge, deux artistes, les deux vedettes, étendus morts... ils portent des traces de coups de...

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