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Ce soir, le Tout-Paris se retrouve, déguisé, au bal de l’Opéra.


Parmi cette foule bigarrée et joyeuse où la musique bat son plein, certaines personnes s’apprêtent à jouer une partition dramatique :


– Les principaux membres de la terrible bande des X, cachés derrière des masques ;


Martin NUMA, le Roi des Détectives, et ses fidèles lieutenants, eux-mêmes dissimulés sous des costumes d’apparat ;


Et, soudain, un homme affaibli apparaît qui va devenir la funeste attraction de la soirée...

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1

EAN13

9782373479515

Langue

Français

MARTIN NUMA
LE ROI DES POLICIERS
* 11 *
LE DOMINO FATAL
Roman policier
par
Léon Sazie
PROLOGUE
Martin Numa ayant vaincu la bande du Tatoué, se lan ce maintenant sur une nouvelle affaire, qui promet d'être des plus dramat iques et de réserver les plus poignantes surprises.
On a trouvé assassinés dans le cabinet de M. Castan ié, le riche banquier de la rue Le Peletier, le banquier et sa fille aînée I rma, fiancée du marquis di Carmine-Santucci.
Le banquier avait pleuré et essayé d'écrire une let tre douloureuse que l'on retrouva.
Il reçut en derniers visiteurs son fils Charles, av ec qui il est en désaccord, et un jeune homme brun, très élégant, d'allure énergiq ue.
Au cours de l'enquête, Martin Numa ramasse des éraf lures de bottines vernies que certainement devait porter l'assassin.
Martin Numa reçoit un billet mystérieux lui donnant rendez-vous dans une auberge près de Mantes.
Il reçoit aussi la visite de la belle chanteuse Foc amore, qui est l'amie du comte de Vilacerboli, et qui lui apprend que le com te est menacé par la terrible bande des X...
Depuis le début de son enquête, Martin Numa se sent suivi par des espions qui ont pour signe de ralliement un X...
Il se rend à l'invitation du comte de Vilacerboli.
Au moment où le comte va lui faire des révélations sur le marquis de Santucci, qui« est double ! , un homme paraît, qui fait un X avec ses doigts, e t le comte s'enfuit affolé.
Et on le ramasse sur la route, mourant, près de sa voiture, brisée, en feu.
Le chevalier Fontis, au courage admirable, ne veut pas, malgré l'avis sinistre des X, garder le silence.
Martin Numa a pu recueillir les empreintes des pouc es de ceux qui ont joué un rôle dans ces tragiques aventures.
Et il est allé chez le marquis prendre la bottine v ernie qui porte l'éraflure correspondant à la moulure de bronze.
Le chevalier Fontis a reçu des lettres de deuil, do nt la bordure noire forme un X, lui ordonnant de se taire.
Comme il refuse d'obéir, on envahit sa villa.
Mais il tue d'un coup d'épée le baron Pomperi venu pour l'assassiner.
Une jeune chanteuse, la Margelina, reçoit aussi des X l'ordre de se taire, de ne pas dire le secret du marquis qui est double. On la menace de tuer son enfant si elle parle.
On trouve la Margelina frappée d'un coup de poignard.
Martin Numa la sauve. Il ira en Sicile arracher l'e nfant aux X, pour permettre à la Margelina de révéler le secret sanglant (1)...
(1) Les faits et aventures résumés dans ce prologue sont racontés dans les dix premiers volumes intitulés : « MARTIN NUMA, ROI DES DÉTECTIVES », « LE DOUBLE MORT », « L'HOMME AUX ONGLES BLEUS », « LES TUEURS DE MANNEQUINS », « LES OMBRES QUI TUENT », « LA PEAU DU TATOUÉ », « LA BELLE VAMPIRE », « LE SILENCE ROUGE », « LES B OURREAUX INVISIBLES », et « LA DANSEUSE AU POIGNARD ».
CHAPITRE PREMIER
IL FAIT CHAUD AU BAL
... Je me trouvais au Journal, vers onze heures, et revoyais mes épreuves, à côté des correcteurs, quand le chasseur d'un café d u boulevard me remit une lettre.
L'enveloppe contenait une feuille portant ces mots :
« Ce soir... minuit... bal de l'Opéra. »
Et, pour signature, un gribouillage que je reconnus être celle, convenue entre nous, de Martin Numa.
C'était donc à l'Opéra qu'il voulait me voir, et, à l'heure dite, j'errais dans les couloirs du théâtre, serrant au passage des mains d 'amis, n'ayant pas l'air de m'amuser plus que les autres dans cette fête... ni cependant d'être autrement préoccupé ou de chercher quelqu'un dans la foule...
Je parcourais l'immense bâtiment inondé de lumière, bruyant, tout en joie, cahoté, poussé, bousculé ; j'allais jeter un coup d 'œil dans les loges, fouiller les recoins, je descendis au foyer, je me frayais un pa ssage parmi les danseurs.
Je me disais que si je n'avais pas encore vu Martin Numa, c'était non parce qu'il n'était pas arrivé, mais parce qu'il ne voula it pas déjà se faire voir.
Mais j'éprouvais cependant ce pressentiment d'avoir été aperçu par lui.
En effet, comme je traversais un couloir, un homme portant un déguisement bizarre, coiffé d'un casque fantastique, tenant du chicard démodé et du pompier d'opérette, s'avança en gesticulant vers moi, et se mit à faire quelques pasquinades.
Je laissai faire. Le masque, tout à coup, se pencha nt vers moi, comme pour me faire un grand salut comique, me dit rapidement à l'oreille :
— Bonjour, monsieur Courville... Il est là !... On viendra vous prévenir.
Donc, sachant à quoi m'en tenir, rassuré, sans avoi r cependant de but précis, je continuai ma promenade dans l'Opéra.
Malgré le bruit, la foule, la joie générale, je com mençais à trouver le temps long, quand un habit noir des plus corrects, des pl us élégants, s'avança vers moi très courtoisement.
— Monsieur Courville ?
— Parfaitement, répondis-je, rendant son salut à ce gentleman que je ne connaissais pas.
Celui-ci, aussitôt, me dit :
— Il vous prie de venir le rejoindre... Voulez-vous me suivre ?
— Ah ! parfaitement.
— Soyons prudents, causons en vieux amis... Je vous conduis...
Il ajouta tout bas :
— Je suis Prosper...
— Ah ! bien !... Je ne vous aurais pas reconnu...
Nous voici marchant lentement, riant, répondant aux agaceries des masques, des femmes travesties, aux œillades, et ga gnant une loge dans laquelle se tenaient trois dominos sombres, capuche rabattue et loup sur la figure...
Quand j'entrai dans la loge, seul, le domino qui se tenait dans le fond — derrière les deux autres demeurant immobiles, impas sibles, comme insensibles aux plaisanteries, aux polissonneries des gens, hom mes et femmes, qui passaient en dessous... et que ces deux sphinx intr iguaient — le troisième domino, dis-je, se tourna vers moi... et me tendit la main.
Oh ! une main gantée de blanc, mais longue, forte e t puissante, la main d'un homme...
Quand cette main prit la mienne et la serra, aussitôt, je la reconnus.
Mais, comprenant immédiatement le rôle que je devai s tenir en face du domino... qui, pour tous, devait cacher une femme.. . je me penchai sur cette main et la portai à mes lèvres.
Quelques figures de connaissance étaient dans le vo isinage, quelques amis qui passaient me virent entrer dans cette loge garn ie si mystérieusement...
Derrière moi, j'entendis même murmurer :
— Veinard de Courville !...
Martin Numa m'attira auprès de lui.
— Mon cher ami, me dit-il, vous êtes bien gentil d'être venu.
— C'est moi qui, au contraire, dois vous remercier. .. car, si vous m'avez fait venir, c'est que vous allez me faire assister à que lque chose de très intéressant.
— Je vais avoir besoin de votre concours.
— Tout à vous.
— Merci.
Martin Numa, alors, ramena la dentelle de son loup, qui voletait au souffle de ses paroles.
Dans ce coin de la loge, nous pouvions tout à notre aise parler, à mi-voix cependant, parce que nulle part plus qu'en ces endr oits, les murs ont des oreilles... et les judas, des yeux.
Mais devant la loge se tenaient, raides comme les g ardes le long de l'escalier, humaines cariatides, les deux dominos q ui n'étaient autres assurément que des hommes de la brigade de Martin N uma... Devant la porte du salon qui précédait la loge, se tenait aux aguet s le gentleman qui m'avait amené ici...
L'habile détective ne livrait jamais rien au hasard ... nous le savons.
Il était bien entouré, bien gardé, et avait sous la main des hommes robustes, dévoués, intelligents.
Après quelques minutes de silence, Martin Numa me d it :
— Savez-vous pourquoi, mon cher Courville, vous me trouvez ici, ce soir, sous ce déguisement ?
— En vérité, non.
— Pour protéger ce malheureux comte di Vilacerboli.
— Quel danger peut-il courir, ici, à l'Opéra ?
Martin Numa me fit alors le récit de la rencontre d u chevalier Fontis avec la belle Focamore chez le couturier. Il ajouta :
— Le chevalier est allé voir tantôt son ami... Mes hommes m'ont fait connaître l'entrevue, et m'ont avisé qu'après cette visite du chevalier Fontis, le comte s'était fait habiller, sous prétexte d'aller chercher la belle Focamore... Il n'a pas voulu qu'un de ses gardes l'accompagnât... Il est monté en voiture, et, à cette heure, il doit être entré à l'Opéra... Il doi t chercher les Palestrini et la belle Elvira... et doit vouloir reconnaître, parmi les do minos, celui qui cache sa femme !...
— Le malheureux !...
— Alors, j'ai décidé de venir, moi aussi, à ce bal, avec le chevalier Fontis.
— Et vous avez pensé à moi... Merci.
— D'autant plus, mon cher Courville, que j'ai encore besoin de vous...
— Tant mieux...
— Je vais faire appel à votre bonne obligeance.
— Je suis enchanté de pouvoir vous être utile.
— Merci à mon tour.
— Que faut-il faire ?
— Vous promener.
— Pas plus ? me promener !... Où faut-il me promene r et porter mes pas errants... et dévoués ?
— Par tout l'Opéra... par toute la fête...
— Dans quel but ?
— Nous sommes, nous, forcés de rester ici, masqués, car je soupçonne fort mes ennemis... vous savez de qui je parle... je les soupçonne fort, dis-je, d'être, comme nous, venus au bal, et d'être répandus un peu partout... aux aguets.
— C'est certain.
— Si, comme je le suppose, il y a quelque chose de tramé... quelque coup organisé contre le comte di Vilacerboli, nous ne po urrions sortir d'ici sans être reconnus aussitôt, et l'affaire serait manquée pour nous... Nous serions brûlés, comme nous l'avons été à Villennes.
— Très juste.
— Mais vous, vous n'êtes pas dans le même cas... bi en qu'on connaisse l'amitié qui nous unit.
— En effet. Que me demandez-vous ?
— Tout simplement ceci : vous connaissez suffisamme nt la belle Elvira Focamore ?
— Assez, pour la deviner à sa haute stature, à son timbre de voix... même sous son domino, je l'espère...
— Elle doit être dans quelque loge... Reconnaîtriez -vous également un de nos espions habituels ?
— Peut-être...
— D'un autre côté, il y a le comte di Vilacerboli.. . Lui, jaloux, venu là sans qu'on se doute de sa présence, venu pour surprendre sa femme, pour voir avec qui elle se trouve, ce qu'elle vient faire ici, en cachette, pourquoi elle lui a menti...
« Le comte di Vilacerboli, d'après l'affirmation du chevalier — et c'est mon sentiment — n'est pas un homme à se cacher sous un déguisement... Ce serait à ses yeux de l'espionnage, et son caractère loyal est au-dessus de ces
manœuvres...
« Au surplus, comme jusqu'à la preuve de la trahiso n de sa femme, il ne veut pas reconnaître que la belle Elvira puisse êtr e coupable, il aurait, dans sa pensée, l'air de la soupçonner, d'admettre qu'il a pu, un seul instant, croire qu'elle est capable de le trahir, en se déguisant p our la surprendre !... Tandis que la rencontrant ici, elle-même, en domino, avec des gens qui ne seraient même pas connus de lui, des étrangers... il peut fa ire dire qu'il savait parfaitement que la Focamore était au bal... et qu'il est venu l'y rejoindre !...
— Très naturel...
— Il sauverait ainsi, ce gentilhomme, toutes les ap parences, quitte, chez lui, à tirer au clair cette affaire, c'est-à-dire à être , une fois de plus, roulé par cette audacieuse intrigante... qu'il aime aveuglément, et qui est, elle, absolument convaincue qu'elle pourra lui faire croire tout ce qu'elle voudra...
— C'est fatal...
— Je vous demanderai donc, mon cher Courville, de j eter, çà et là, dans le bal, dans les couloirs, dans les loges, partout enfin, un coup d'œil...
— Très facile.
— Si vous découvrez quelqu'un, vous n'aurez pas à v ous déranger... vous vous contenterez de vous éponger le front.
— Bien. La manœuvre n'est pas compliquée...
— Près de vous, aussitôt, passera quelqu'un, habit noir ou déguisé, qui fera le même geste et vous dira :Ça chauffe. »
— Je répondrai ?
— 1, ou 2, ou 3... Le comte di Vilacerboli sera le 1, la belle Elvira le 2... l'homme brun le 3... voilà tout... Le reste me rega rde... Je serai aussitôt prévenu... et je prendrai mes mesures en conséquenc e.
— Parfait.
Martin Numa, comme je me disposais à prendre congé, me retint par la main.
— Dans le cas, me dit-il, où vous verriez le marqui s Primo di Carmine-Santucci... ce serait le 4...
— Vous pensez que le marquis aurait cet aplomb, si près du malheur qui l'a frappé, de venir ici ?
— Mon cher, il faut tout prévoir !... Le fond de ma pensée est que toute la bande, après la nuit tragique chez le chevalier, ap rès le meurtre d'un de ses membres... du baron Pomperi, a eu un moment d'affol ement, s'est envolée...
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