Le Diable du Conguel
276 pages
Français

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Le Diable du Conguel , livre ebook

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Description

Ce roman évoque la vie difficile des Quiberonnais au milieu des années 1930 mais plus encore, l’enfer vécu par Pascal Le Quellec, surnommé « Le diable du Conguel » vivant à l’extrême sud de la presqu’île de Quiberon.

Au travers des légendes et croyances fortement ancrées dans la mémoire des hommes et femmes de Bretagne, Pascal Le Quellec sera confronté à la bêtise humaine.

Cet ouvrage lui est dédié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 novembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334014038
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-01401-4

© Edilivre, 2015
Citation


Tout homme a dans le cœur
Un orgue de barbarie
Qui ne veut pas se taire
Jules Renard
Chapitre 1
Le vent soufflait si fort sur la presqu’île de Quiberon que nul ne se serait hasardé à s’aventurer à proximité de la côte sauvage. La mer déchaînée prenait furieusement d’assaut cette langue de terre, un peu comme si elle avait l’intention de la balayer toute entière. Au-dessus de tout cela, le hurlement du vent, tel un gigantesque orchestre, semblait s’associer aux formidables coups de boutoir des lames de fond qui s’attaquaient à intervalles réguliers aux rochers mais ceux-ci, tels des soldats en poste avancé, tenaient bon. On aurait dit qu’ils protégeaient les rivages d’une invasion titanesque.
À un niveau un peu plus élevé, c’était la terre des hommes, protégée par des dunes de sable recouvertes de lande souffreteuse, abris illusoires façonnés par l’érosion et les vents du large.
Au cœur de la presqu’île, se blottissaient frileusement le bourg et ses villages d’où pointaient vers le ciel des clochers défiant les colères hivernales venant de l’Atlantique. Un peu partout, en première ligne, telle une immense révérence forcée, les pins maritimes se tordaient en une même chorégraphie, mais le ciel dans sa colère n’en avait cure.
Les habitants de Quiberon vivaient l’une de ces tempêtes, dont ils étaient certes habitués, cela faisait partie de leur existence. Il suffisait d’être en osmose avec la nature : la terre, la mer et le ciel. Au milieu de tout cela, il fallait vivre, survivre ou parfois mourir si d’aventure certains marins se trouvaient loin des côtes.
Pris dans cette tourmente glaciale, giflés par les impitoyables rafales de pluie, avançaient péniblement deux hommes à travers les dunes marécageuses. L’un d’eux tenait à la main un vétuste falot dont la petite flamme vacillante protégée dans sa cage de verre, luttait pour ne pas s’éteindre. Engoncés dans leurs épais cirés jaunes, les deux pêcheurs suivaient tant bien que mal le petit chemin caillouteux bordé de ronces et de chardons. Ils avaient décidé de couper à travers les champs pour regagner Port-Maria. Derrière eux, à quelques encablures, le Conguel, langue de terre hérissée de roches cernée par la mer, n’atténuait en rien le boucan du vent et des vagues qui venaient se fracasser sur les récifs. Leur demeure était à l’autre bout de la presqu’île, sur la face ouest, dans le petit village du Manémeur.
Le père Le Faou et son fils avaient longé un moment le « Bois d’Amour », au sud du Roc Priol. Ils allaient dépasser bientôt la chapelle Saint-Clément, nichée dans le creux des dunes dont seul, le clocher pointait vers le ciel. Les deux hommes la devinèrent plus qu’ils ne la virent. Selon la coutume ancestrale, ils se signèrent. Pour se faire entendre, les deux marcheurs devaient parler haut. Leur voix cueillie par le vent du large, allait se perdre dans l’océan. Le chemin s’étira bientôt le long de la grève en pleine effervescence. D’immenses gerbes d’écume prenaient d’assaut la côte dentelée. Les puissants mouvements des vagues s’illustraient par les terribles lames de fond tant redoutées pour leur traîtrise meurtrière.
Victor Le Faou se tourna vers son fils.
– Eh, fiston ! Entends-tu la vache à Turpault 1 qui beugle au large ? La tempête n’est pas encore à son plus fort. Accélérons le pas, et allons vider un pot avant la soupe !
– J’ai bien peur que la semaine soit fichue pour nous ! Heureusement, nous avons trouvé une place à Port-Haliguen pour le « Solitaire », répondit le jeune homme, forçant la voix.
– Ça dépend, fiston ! Il ne faut pas se décourager, les coups de grains surviennent aussi vite qu’ils disparaissent, peut-être pourrons-nous reprendre la mer demain, qui sait !…
Le ton se voulait convaincant mais Victor Le Faou ne se faisait guère d’illusion. En Bretagne, on mouillait au port pour trois jours, mais parfois on larguait les amarres après deux semaines de repos forcé. Le visage violacé par le froid, ils parvinrent bientôt à la limite de Port-Maria. Le décor changea et devint plus humain. Les lumières égayaient l’espace du bord de mer ; les éclats lumineux se prolongeaient en striures dansantes sur les flots venant heurter la puissante digue du port.
Secoués par les bourrasques, les lampadaires promenaient leur halo blafard le long de la grande plage, éclairant épisodiquement l’imposante statue du Général Hoch, érigée au centre de la place déserte. Les deux pêcheurs poussèrent la porte d’un bistrot, au-dessus de laquelle était encore lisible l’enseigne délavée : « Chez Eugène. » L’intérieur était faiblement éclairé par une ampoule crasseuse, pendue au bout d’un fil torsadé. Le long du mur peint à la chaux, étaient alignés des bancs et des tables en bois massif, taillés dans du chêne dont la cire était vaincue par les coulures de cidre et de vin. De l’autre côté, se trouvait un petit comptoir armé d’une couverture de zinc dont les étagères étaient garnies de verres et de bouteilles de toutes tailles. Au milieu de tout cela, trônait Eugène le patron, gros homme joufflu, rougeaud, mal rasé mais jovial. Il arborait un crâne chauve comme une boule de billard. Lorsqu’il vit entrer les deux hommes, il poussa une sorte de barrissement de franche sympathie.
– Salut les marsouins ! brailla-t-il. Vous voilà trempés autant qu’eux ! Réchauffez-vous près du poêle, j’vais vous servir quelque chose de mon cru qui va vous remettre d’attaque !
– Merci Gégène, lança Victor Le Faou, déboutonnant son ciré dégoulinant d’eau. C’est pas cette fois-ci qu’ceux des Birvideaux 2 auront la loi !
Raymond imita son père et s’approcha du gros poêle qui ronflait, alimenté par du mauvais charbon. Au fond de la salle enfumée, quatre hommes, l’air bourru, la casquette enfoncée jusqu’aux oreilles, jouaient aux cartes, un mégot coincé entre les lèvres. Il régnait là une odeur de vinasse et de saucisse fumée. Eugène tendit aux deux hommes un petit verre de gnôle.
– C’est ma tournée ! claironna-t-il. Buvez à ma santé les gars !
Eugène et Victor Le Faou se connaissaient bien. Ensemble, ils avaient fréquenté l’école. Plus tard, ils avaient combattu dans les tranchées de Verdun. Leur souffrance avait duré plus de trois ans. De cela s’était scellée une solide amitié. Souvent, d’interminables discussions les ramenaient à cette sombre époque. Ils en perdaient parfois la notion du temps. Pour Victor Le Faou, cela signifiait des retours au logis un peu tardifs au goût de Marie son épouse.
Les trois hommes sirotèrent leur breuvage réconfortant, échangeant de banales paroles. Après une vigoureuse poignée de mains, les deux pêcheurs quittèrent le bistrot pour affronter de nouveau le déluge au point qu’ils eurent toutes les peines du monde à tenir sur leurs jambes.
– Le ciel va finir par nous tomber sur la tête ! bougonna Victor Le Faou, mais son fils ne l’entendit pas.
La petite flamme du falot avait rendu l’âme, les cirés claquaient au vent. C’est en piteux état et gelés jusqu’aux os qu’ils franchirent le seuil de leur maison. Débarrassés de leurs cirés, ils les suspendirent au clou fixé au-dessus du solide évier en granit, sous la fenêtre.
Assise près de l’âtre, Marie Le Faou avait patiemment attendu le retour de ses deux hommes. Marie était une femme douce, résignée, à la limite, fataliste. Son père et l’un de ses frères partis en pêche au large de Terre-Neuve ne revinrent jamais. Le « Jean Boursin » avait disparu pour toujours. On ne retrouva aucune trace du naufrage.
Dans la cheminée, les flammes dansantes léchaient le fond d’une robuste marmite en fonte suspendue à une crémaillère, d’où émanait une succulente odeur de bouillon de viande et de légumes.
De constitution assez frêle en apparence, Marie Le Faou faisait preuve d’une singulière résistance face aux multiples travaux dont elle était responsable. Elle secondait avec acharnement son mari, ramendant les filets, rafistolant les casiers à crabes, cultivant des légumes qu’elle vendait sur le marché. Il lui arrivait aussi de traiter avec les mareyeurs. Lorsque le temps le permettait, elle installait sa pierre sur le trépied et cuisait un grand nombre de galettes de blé noir qu’elle écoulait sur le marché. Les Quiberonnais étaient particulièrement friands de cette spécialité traditionnelle propre à la Bretagne. Marie était issue d’une longue lignée de Bigoudens. La terre et la mer représentaient pour elle le seul univers dans lequel elle puisait sa raison de vivre.
La maison des Le Faou était de style typiquement breton. Solide, faite dans la pierre du pays, chapeautée d’un toit d’ardoise solidement accroché à deux robustes pignons. Située face à l’océan, ses volets ainsi que la barrière du jardin arboraient un bleu délavé par les embruns, cela ne gâchait en rien le cachet de la demeure côtière. La maison était composée de deux pièces : une salle à manger et une chambre. L’un des pignons extérieurs était flanqué d’une cabane de planches appelée « loge » selon le langage des autochtones. Celle-ci abritait le bois de chauffage, les filets, les casiers à crabes et autres flotteurs de liège, tout cela entreposé pêle-mêle parmi des chapelets de boules de verre et d’outils de jardin. La façade de la demeure présentait trois fenêtres et une lourde porte de bois dont les battants étaient patinés par le sel du large.
– Quoi de neuf aujourd’hui au Manémeur ? interrogea Raymond d’un ton détaché. Pas trop de dégâts avec tout ce vent ?
– À première vue, non ! répondit Marie d’une voix se voulant rassurante. Toutefois, il te faudra quand même reprendre le marteau. Le vent a arraché quelques planches à la loge. Avez-v

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