Le danseur Malais
55 pages
Français

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Description

Le commissaire ROMBAL, alias « Le brigadier gris », est sollicité par le prince Otamito afin de prouver l’innocence de son amie, la jeune Omi appartenant à la famille des Empereurs de Chine, accusée d’avoir abattu un danseur malais par jalousie...


Intrigué par la fougue de son interlocuteur ainsi que par les contours de l’affaire, le commissaire ROMBAL accepte de mener sa petite enquête.


Il est très vite persuadé qu’Omi n’est pas coupable, bien qu’il ne comprenne pas pourquoi elle ne se défend pas au risque d’être condamnée à mort.


Mais comment découvrir l’identité du meurtrier au sein d’une communauté dont il ne maîtrise aucun code ?...

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9791070037966
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

COMMISSAIRE ROMBAL


LE DANSEUR MALAIS

Par
E. L. RICHARD
I
 
Le téléphone sonnait désespérément, sonnait avec insistance dans ce désert soudain, ce vide subit qui se fait à dix heures du matin à la gare Saint-Lazare. Elle semblait une ville abandonnée. Par dizaines de mille, les hommes des banlieues avaient déferlé sur les quais sonores, sous l'immense hall, durant cinq heures, et puis brusquement le silence régnait, troublé à peine par le pas d'un laveur de carreaux qui s'en allait, traînant son échelle, vers l'infirmerie, du côté du pont de l'Europe. Le téléphone sonnait, sonnait…
Le commissaire spécial qui venait d'arriver à son bureau s'élança vers l'appareil têtu et, debout, répondit. Une étrange voix faisait dans l'écouteur un verbiage qui ressemblait à la fois aux borborygmes d'un sourd-muet et aux pépiements d'un oiseau savant.
Après quelques répétitions, Rombal parvint à comprendre : « De la part du ministère des Affaires Étrangères, le prince Otamito, de Peiping sollicite la faveur d'un entretien avec le distingué commissaire spécial, et cela le plus tôt qu'il serait possible, par exemple tout à l'heure ».
— Dans une heure ! dit Rombal, par esprit de contradiction, dans une heure, pas avant ! À onze heures, oui ! Au revoir, monsieur !... prince !...
Ayant raccroché le récepteur, il ouvrit une boîte de cigares et choisit un « sénateur ». Cette boîte, c'était un « souvenir ». Le commissaire avait, quelques jours plus tôt, tiré d'un mauvais pas une jeune femme de l'Opéra.
Mais il ne s'arrêta pas à cette pensée et revint au prince.
— Otamito ? se dit-il, ça, c'est oriental…
— Rouget, cria-t-il vers le planton, va me chercher, s'il te plaît, le Bottin, le mondain, chez le chef de gare !
Il acheva sa pensée : « Un Japonais, ou un Chinois, ou quelque chose comme ça… Voilà ce que c'est ».
L'inspecteur Rouget apporta le Bottin et une tasse de café en clignant de l'œil.
Rombal fouilla rapidement l'ouvrage et lut :
 
« Otamito, prince, de Peiping, avenue Kléber 77 bis, téléph. Étoile 09-79, ancien diplomate, le vendredi de 16 h à 20 h. D'août à octobre : « Les Géraniums », Villersville (Seine-Inférieure). Téléph. 9. De janvier à mars : « Les Cactus », Cap d'Antibes (Alpes-Maritimes).
 
— Oh ! Oh ! Il y a beaucoup de fric, chez ce prince ! À cela, rien d'étonnant… Quoi l'amène ?...
Le commissaire avait encore dans l'oreille l'étrange parler du riche diplomate et se demandait sans plaisir : « quelle sornette va-t-il me conter, celui-là ? ». Il en avait connu de toutes sortes, de ces étrangers fantasques !... Ils arrivaient, affairés, occupés de vétilles gaies ou de sottises mornes, pour lui confier qu'ils avaient oublié chez une dame du monde une bague de cent billets. Ou bien, ils affirmaient que le ministre de Xolombie à Paris s'était trompé de pelisse après une partie de poker chez une actrice de la Comédie, et leur portefeuille qui s'y trouvait avait disparu !
Cela n'amusait plus Rombal. Il fumait et regrettait d'avoir fixé le rendez-vous à onze heures, ce qui l'obligeait à demeurer à son bureau, alors qu'il y avait à l'Hôtel des Ventes, ce matin-là, une exposition intéressante. Et il songeait :
« Qui, aux Affaires, me l'envoie ? Morand, peut-être, ou Rival ? Bah !... Ils sont bien gentils, au Quai d'Orsay. Ils se débarrassent des… pilons en les aiguillant sur moi !... »
Rombal redressa son chapeau melon et sortit ; en passant, il feuilleta le registre des procès-verbaux de la nuit.
— Bonjour, patron ! dit le brigadier.
Deux agents se levèrent.
— Bonjour ! Ah ! J'attends un type, un Chinois, un prince, hein !... Vous le ferez entrer. Je reviens… Je vais jusqu'à l'administration.
Il marcha d'un bon pas sur le quai, durant vingt minutes, humant la fumée du cigare et rêvant d'une petite toile de Boudin qui devait être vendue l'après-midi à l'Hôtel des Ventes et qu'il regrettait tant de n'aller pas voir ce matin-là…
Une petite fumée se balançait à l'orée du pont de l'Europe. Cela l'inspirait. Il fit demi-tour sans entrer dans les bureaux de l'Administration et, l'enjambée franche (ça va aujourd'hui ! ça va ! se disait-il selon sa méthode), il revint. (Trac !... Trac !... Trac ! faisait son pas militaire sur le quai net).
Un agent, depuis le commissariat spécial, l'appelait à grands gestes.
 
* * *
 
Le prince Otamito était mince, sans âge, vert plus que jaune, il s'inclinait souvent et s'exprimait comme un écureuil parlerait s'il pouvait le faire. Après de nombreux compliments et des saluts multipliés, il prononça gravement :
— Monsieur le commissaire spécial, on vient d'arrêter une de mes amies, mademoiselle Omi, élève à l' École Nationale des Langues Orientales. Monsieur le commissaire spécial, elle est accusée d'avoir tué un danseur malais, monsieur Seïr Habinatra… vous savez… on en a beaucoup parlé dans les journaux. Et même son portrait, par Capiello, a couvert les murs de Paris.
« Il avait séduit, pense-t-on, mademoiselle Omi, la fille d'un savant chinois, monsieur Chang, de la famille impériale. Mademoiselle Omi s'est vengée, déclare la police. Eh bien ! monsieur le commissaire, c'est là une erreur ! mademoiselle Omi, croyez-moi, se croit déshonorée et elle se laissera condamner – comme on se suicide ! C'est ça, monsieur le commissaire, un sui-ci-de ! Il faut empêcher cela, ne le pensez-vous pas, monsieur le commissaire, pour elle d'abord, pour son vieux père désespéré, ensuite pour nous aussi dont elle faisait la joie… Vous êtes père, peut-être…
Il joignait les mains.
« Prince, prince, se disait Rombal, tout en regardant ce visage lisse où les sentiments apparaissaient à peine, serais-tu amoureux ? »
...

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