Le Creux des anges
144 pages
Français

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Description

Dans un espace sauvage, coupé des terres au gré des marées, durant les années d’après-guerre, un homme est assassiné. Il était douanier, ancien résistant, estimé de tous. Au cours d’une enquête hâtive, deux suspects sont arrêtés. Malgré leurs dénégations, au fil des heures, ils vont devenir de parfaits coupables.
L’histoire plonge ses racines au cœur du drame et, à travers le regard des principaux protagonistes, relate les événements, de la disparition du douanier jusqu’à l’inculpation de ses prétendus assassins.
Traversant les années, le récit tente de cerner les remous que cet assassinat a fait naître. À travers les témoignages, il s’agit peut-être de ramener sur le lieu du drame, à défaut de justice, un soupçon de réparation, si ce n'est d'apaisement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 octobre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414123506
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12348-3

© Edilivre, 2017
Du même auteur
Du même auteur :
Lauréate 1996 de l’Espace Icare pour deux nouvelles : « A coup sûr » et « Maria ou l’impossible absence ». 7 + 2, 9 ans de nouvelles à Issy les Moulineaux , 1993-2002, Les éditions du Carabe, p75-86. Mises en espace par le Théâtre de l’Equinoxe
Sélection de nouvelles :
• « Les lumières du port » in Le jardin d’Essai , 2002
• « Filles de Jupiter » in De l’autre côté du mur , Juin 1999, p6-9
• « Le fil d’or » in Le jardin d’Essai, 1999
• « La grande serre du Jardin des Plantes » in Jardins du monde , 1999, éditions Le Jardin d’Essai
• « Renarde » in De l’autre côté du mur , Décembre 1998, p18-21
• « A coup sûr » in Encres Vagabondes , n°9 Septembre – Décembre 1996, p 47-49
Sélection d’articles :
• Rubrique « Vagabondages Noirs » in Encres Vagabondes de 1997 à 2003 (dont : Fred Vargas, Maud Tabachnik, Dominique Manotti, Jean Claude Izzo, Manuel Vasquez Montalban, Thierry Jonquet, Chester Himes,…)
• « Antigone de Sophocle à Bauchau » in Encres Vagabondes n°25, Printemps-Eté 2002, p17
• « Henri Gougaud et les 7 plumes de l’aigle » in Encres Vagabondes n°25, Printemps-Eté 2002, p21
• « William Faulkner : Lumière d’août » in Encres Vagabondes Septembre – Décembre 1997, P46-47
Dédicace

A mon père, à ma famille.
Exergue

« Le devoir des juges est de rendre la justice ; leur métier est de la différer ; quelques-uns savent leur devoir et font leur métier. »
Les Caractères, La Bruyère
1 ère partie La disparition
 
 
Mardi 8 janvier 1946, 15h00 . Maître Méroud, notaire, a quitté tôt l’étude pour se rendre à son domicile, comme toujours lorsqu’il reçoit des visiteurs de choix. Il a traversé la place, laissant à sa gauche la Mairie de Malepierre pour rejoindre la grande maison blanche. La pluie n’a pas cessé de tomber depuis le début de l’après midi. Au bout de la grand-rue, la mer est grise et mouvante. Dès l’entrée, Nine, la servante qui s’occupe de la maisonnée depuis plusieurs générations, lui fait savoir que la comtesse l’attend dans son bureau et qu’elle lui a servi le thé. Méroud examine sans aménité sa face ronde, ses cheveux gris en chignon et sa robe tablier qui cache mal son embonpoint de vieille femme. Elle se prépare à partir faire des courses sur le continent.
Dans le bureau, la jeune comtesse de Malepierre, Marie, observe les volumes de sa bibliothèque. Après l’avoir saluée, Maître Méroud s’installe derrière sa table en acajou et lui fait signe de s’asseoir. Elle soulève sa voilette et lui expose les raisons de sa visite.
« J’aurais préféré que mon père, qui n’est plus de ce monde, mon frère ou mon mari fassent cette démarche. Mais vous connaissez la situation. Je suis venue vous voir parce que je souhaite vendre quelques terres. »
Méroud l’écoute avec un air compassé. Il sait bien que la famille de Malepierre se remet mal du suicide du père après la libération, que le jeune fils, le comte Pierre, est à demi fou et que le mari de la jeune comtesse ne s’intéresse qu’à des projets ruineux sur le continent. Il ne reste de sensé au château que deux femmes : la comtesse mère et sa fille Marie. Il connaît la situation financière de la famille ainsi que les dimensions des terres qui entourent le château. Il envisage depuis longtemps de s’en porter acquéreur. Il atteindra bientôt son objectif.
Il sert un peu de thé dans des tasses de porcelaines. « Voulez-vous un peu plus d’eau chaude ? Je vais appeler Rose. Rose ? De l’eau chaude. Rose, c’est notre petite bonne. Pas très expérimentée, vous verrez… »
« – Oh, je croyais que c’était la nièce de votre femme ?
– Oui, c’est vrai, répond-il sèchement, mais nous l’avons prise chez nous pour lui apprendre un métier. »
De son fauteuil, il regarde la jeune femme boire délicatement son thé . Il détaille les traits fins, les yeux bleus en amande qui faisaient d’elle la plus belle de la Presqu’île, il n’y a pas si longtemps. Les cernes du deuil ou peut être les toutes premières rides, au lieu de l’enlaidir, confèrent à son regard ce qu’il faut de profondeur. Tout de même il reconnaît qu’elle a du style avec sa voilette, les minuscules diamants aux oreilles, les gants brodés qu’elle tient à la main et qu’elle chiffonne un peu.
Il ouvre un dossier et prend quelques notes. Il fait avec elle des hypothèses de prix. Il sait que rien ne pourra sauver les comtes de Malepierre d’une ruine prochaine, mais ni sa voix, ni son attitude ne montrent quoi que ce soit du sentiment de satisfaction qu’il ressent.
Il sursaute lorsqu’il entend un bruit de vaisselle cassée dans la cuisine mais il reste naturel, à l’écoute de la jeune femme, un léger sourire aux lèvres. Au bout de quelques minutes de discussion, la comtesse pose sa tasse sur la table et fait signe qu’elle doit partir. Il l’accompagne jusqu’à la porte tout en regrettant à voix haute l’absence de Madeleine, son épouse, bien qu’il sache que les deux femmes ne se rencontrent jamais que dans des occasions officielles, lorsqu’elles ne peuvent éviter de se côtoyer.
Porte fermée, il entend le claquement des talons hauts décroître, puis le silence. Il devra sortir un peu plus tard pour diriger le Conseil Municipal. Il a été élu Maire de Malepierre après la libération. Le soir même se tiendra le dîner qu’il organise tous les mardis avec les notables. Bien qu’il les ait invités à maintes reprises, ceux du château n’ont jamais voulu venir.
De retour à son bureau, il entend arriver Rose bien avant de la voir, à son pas hésitant. La jeune fille porte une robe trop large pour elle et un tablier blanc qui lui serre la taille. Elle est maigrelette pour ses treize ans. Sous la coiffe, ses cheveux noirs et longs rappellent ceux de Madeleine, sa tante. Son visage est pâle, étroit et pourrait être beau si son regard exprimait autre chose que de la peur. Dans ses yeux craintifs ne se reflètent que des nuages sombres et parfois, l’horizon. On dit qu’elle est idiote. Ses mains tremblantes tiennent un pot d’eau brûlante. « L’eau chaude ? Tu vois bien que c’est trop tard. Décidément tu ne fais jamais rien de bon. » Un sanglot. La petite trébuche, sa coiffe tombe libérant la lourde chevelure noire et brillante dont il ne peut détacher son regard. « Ramasse le plateau et file ».
Plus un bruit. Il marche de long en large dans le bureau, le front plissé. Il faudra bien trouver une solution, faire taire cette inquiétude sourde qui ne le quitte pas. Le vent bat la maison et par rafales la pluie s’abat sur les carreaux. 16H00, il n’a plus le temps de retourner à l’étude. Il hésite un peu, il tremble presque, en regardant par la fenêtre, le chemin des douaniers trempé de pluie qui part vers le Creux des Anges.
 
 
Mardi 8 janvier 1946, 16H30 . Dans la cuisine, Rose pleure. Avec un torchon blanc, elle emmaillote sa main brûlée. Elle se souvient que lorsqu’ils l’ont amenée ici, il y a quelques années, sa tante Madeleine et son mari le notaire avaient dit qu’elle recevrait enfin une bonne éducation. Certainement pas, avaient-ils ajouté, comme avec sa mère Josepha qui ne fait que boire et traîner dans les cafés. Elle a dû quitter l’école où elle n’était pas heureuse, mais ici, c’est encore pire. Elle sursaute au moindre bruit, ils disent qu’elle ne sait rien faire, qu’elle casse tout, qu’elle passe tout son temps à regarder par la fenêtre le ciel et les nuages qui viennent de la mer.
Rose, lorsqu’elle peut s’approcher de la fenêtre, observe que dehors, dans le ciel, il y a parfois une grande ombre qui recouvre tout, la maison, le village, la Presqu’île. Elle la sent sans la voir. Elle ne peut la montrer à personne. Parfois, il y a des choses qui viennent, qui s’en vont et si elle en parle, on lui dit : « Rose, tais-toi, qu’est-ce que tu raconte encore ? ».
Sa chambre est sous les toits et parfois la pluie coule sur la fenêtre. Le ciel est liquide et la nuit, elle boit le ciel par la fenêtre ouverte et elle s’endort. Quelque fois elle n’y réussit pas. Le lit est froid, humide même et elle reste longtemps les yeux ouverts dans l’ombre. Le tabouret est posé contre la porte, bien calé. Dans le silence, elle écoute les bruits. Certains soirs, les marches craquent et lorsqu’elle entend le pas de l’ogre qui monte l’escalier, elle se serre en boule tout au fond de son lit, parfois même en dessous, mais jamais assez loin. L’ogre ouvre la porte et rien ne peut l’en empêcher. Il pose sa main sur sa bouche et il enlève la couverture. Il lève la chemise en coton. Rose a froid. Rose voudrait crier. Mais si elle le fait, l’ogre dit qu’on l’emmènera très loin et qu’elle ne reverra jamais sa mère.
Ce jour là, comme à l’accoutumée lorsque Rose est trop triste, elle quitte la cuisine, sort de la maison blanche et descend la grand-rue pour rejoindre la plage. Même par ce temps pluvieux et venteux, elle aime se réfugier près de l’eau. Aujourd’hui l’horizon est fermé. Elle s’avance jusqu’à ce que l’eau salée vienne lécher ses chaussures. Le vent pique sa peau même à travers le chandail, la pluie mouille ses cheveux et se mélange à ses larmes. Elle regarde au loin comme si elle pouvait s’évader. Lorsque la cloche de l’église sonne 5 heures, elle se lève pour retourner à son ouvrage.
Avant de partir, elle aperçoit dans le ciel une de ces images qu’elle ne sait pas raconter. Dans les nuages, il y a un homme blessé qui nage et qui ne peut plus respirer. Très vite, il disparaît dans l’écume. Elle le sait mais à quoi bon le dire puisqu’on ne la croit pas.
 
 
Mardi 8 janvier 1946, 20H00. Dehors, c’est l’hiver et la nuit est tombée. Jeanne, de sa fenêtre, cherche à voir le chemin et ramène une mèche de cheveux bruns sur son vis

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