Le Bruit assourdissant des étoiles
152 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Bruit assourdissant des étoiles , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
152 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

C'est l'histoire de Catherine. Elle a cinq ans et va bientôt avoir une petite sœur. C'est le début du cauchemar. Des phénomènes étranges apparaissent..., des étoiles que personne d'autre ne voit se promènent près de sa chambre, dans les arbres. Elles entrent par la fenêtre et veulent la dévorer. C'est aussi l'histoire de Claire, sa maman. Une histoire à deux voix... ou peut-être même trois, car il y a aussi la voix de la folie, celle de Camille qui se love entre la mère et la fille, qui s'insinue dans leur relation. Leur relation pourtant si belle quand elles étaient deux...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 février 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342151022
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Bruit assourdissant des étoiles
Monique Bernier
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Le Bruit assourdissant des étoiles
 
 
 
Pour moi, être aimé n’est rien, c’est être préféré que je désire.
André Gide
1
Maman va avoir un bébé. Son ventre fait des bulles. Au matin elle m’a appelée, elle était dans son lit avec son gros ventre :
— Tu vas bientôt avoir cinq ans, ma petite Catherine…
Elle m’a embrassée, puis elle a pris ma tête et elle l’a mise contre elle. Près de son nombril :
— Tu entends ? On dirait des étoiles qui chantent. écoute très fort…
Sa main jouait dans mes cheveux. J’étais bien comme ça. Le corps de maman était tout chaud. Je cherchais le chant des étoiles dans son ventre et je les ai entendues cogner tout près de mon oreille… Puis, maman s’est reculée. Elle m’a regardée en souriant :
— C’est ta petite sœur, qu’elle a dit et elle a caressé son ventre…
 
Maintenant, le ventre de maman est très gros. Elle a trop d’étoiles. Ça la fait rire :
— Ta petite sœur commence à prendre beaucoup de place, je ne pourrai bientôt plus bouger…
 
Parfois, je pense que je suis invisible et je vais dans la chambre de maman. Je ne fais pas de bruit, elle dort. Avec mes yeux, je lance des éclairs sur son ventre. Maman n’a pas mal. Au matin, elle se réveille, elle n’a plus de gros ventre et elle est contente…
 
À l’école, Madame s’est fâchée et m’a grondée parce que j’avais griffonné en noir toutes les étoiles de Laurence. Elle m’a demandé de réparer le dessin mais moi je n’aime pas les étoiles et je n’ai pas voulu. Alors, Madame m’a mise dans le coin pendant que les autres dessinaient. ça m’est égal, Camille était déjà là. Camille, elle ne dit jamais rien, c’est normal, elle ne sait pas encore parler…
À quatre heures, maman est venue me chercher. Elle a discuté avec Madame qui lui a raconté l’histoire des étoiles de Laurence. Maman s’est tournée vers moi. Elle voulait me gronder mais moi j’avais fermé mes oreilles.
Après l’école, Jean était là. Jean, c’est un ami de maman. Il a beaucoup de cheveux et des grands yeux verts. C’est pour ça qu’il est son ami. Maman, elle aime bien les grands yeux verts, elle l’a déjà dit. Moi, j’ai des yeux bruns.
C’est la première fois que Jean est à la maison pour le goûter. Les autres jours, il vient chez nous mais seulement le soir. Alors je dois aller au lit. Il vient parfois le dimanche aussi et ça, ça m’énerve parce qu’il parle toujours avec maman et avec une voix gentille, il lui dit :
— Claire, tu es une femme adorable…
Il lui fait des gros câlins. Maman se laisse faire, ses yeux brillent et Jean me demande si je ne veux pas aller jouer dans ma chambre. Après on va se promener et Jean tient la main de maman.
 
Cet après-midi, ils étaient embêtés, ça se voyait. Ils se regardaient et maman se mordait les lèvres. Elle voulait parler mais elle ne savait pas le faire. Au soir, on était assis à table et maman m’a regardée :
— Bientôt, Jean viendra habiter chez nous…
— Il va venir pour toujours ?
— Oui. Il va déménager et vivre avec nous, dans notre maison. Chez nous ce sera chez lui aussi…
— Pourquoi ? Jean n’aime pas sa maison ?
— Ce n’est pas à cause de la maison, c’est pour être avec nous. Tu comprends, Jean est le papa de ta petite sœur. C’est mon ami… tu verras, ce sera le tien aussi.
Elle a fait un grand sourire et elle m’a caressé les cheveux.
— Mais où il va dormir ?
— Il dormira avec moi dans le grand lit.
— Il va écraser les étoiles, alors…
Je me souvenais de la fois où ils m’avaient envoyée jouer dans ma chambre mais moi je ne voulais pas, alors j’étais restée dans le corridor et j’avais vu Jean couché sur le ventre de maman. Il était tout nu il bougeait et puis il est descendu lécher très fort le ventre de maman qui soupirait, c’était dégoûtant. Maman a froncé les sourcils pour montrer qu’elle n’avait pas compris, mais je n’ai pas voulu expliquer et j’ai dit :
— Tu verras bien.
Jean ne disait rien, il regardait maman. Il m’a fait un sourire pour que je l’aime bien.
— Mon papa à moi, il est où ?
Du brouillard est passé dans les yeux de maman.
— Je ne sais pas Catherine… Enfin, c’est difficile à expliquer. Jean sera aussi ton papa.
— Moi, ce que je veux c’est mon papa à moi et tout de suite ! Je ne veux pas le papa de ma petite sœur !
Jean a commencé à parler mais ça ne m’intéressait pas. Je suis retournée dans ma chambre. Camille était déjà en colère. Elle non plus ne voulait pas ce papa-là. Cela faisait du vacarme jusque dans ma tête. Nous avons commencé à jouer. Pour la calmer, j’ai dit :
— C’est peut-être bien que Jean vienne dans le grand lit de maman, il va casser les étoiles.
Camille m’a regardée et a souri. C’est vrai, elle ne sait pas encore parler mais elle apprend. Bientôt ça ira.
 
L’autre jour dans ma chambre, les tentures ont bougé. La fenêtre était ouverte mais ce n’était pas le vent qui les secouait. C’était des étoiles. D’abord, elles s’étaient cachées dans les arbres, elles avaient des yeux et me regardaient. Elles se sont avancées et se sont collées aux carreaux… Après, elles sont passées par la fenêtre et sont entrées. J’avais peur, je me suis aplatie contre le mur. J’ai fermé les yeux. Elles se sont encore approchées. Cela sentait mauvais comme la viande que maman avait oubliée l’autre jour dans la voiture. Elles n’arrêtaient pas de bouger et faisaient beaucoup de bruit. Il y avait un vacarme pas possible. Je ne voulais pas avoir mal. J’ai appelé Camille mais elle n’est pas venue. Elles ont commencé à rire avec leur grande bouche et ça me lançait des éclairs. Mon cœur cognait très fort. Ça les a fait rire encore plus et elles m’ont léchée avec des langues qui sortaient de leur ventre et de partout. Je croyais que j’allais mourir mais elles sont reparties par la fenêtre. Le calme est revenu. J’ai attendu un peu. Quand je n’ai plus senti leur odeur dégoûtante, j’ai ouvert les yeux. J’ai couru et j’ai fermé la fenêtre. Je suis descendue. Maman préparait à manger en chantant. Je ne lui ai rien dit.
Elle avait toujours son gros ventre.
2
Claire, quinze ans plus tard,
Il me fallait quitter la ville, j’ai toujours eu le gris en horreur.
Dans les îles grecques au mois de septembre, il fait bleu, il fait chaud. La nature reste parée de toutes les nuances du vert. Les couleurs brûlantes des hibiscus et bougainvilliers se disputent la luminosité du jour. Je m’offre une escapade de survie. Une évasion. Grâce à la complicité de mon frère Clément et à celle de Maxime qui ont accepté de garder un œil sur Catherine. Elle va avoir vingt ans et j’éprouve le besoin de respirer. Ils le savent :
— Sois sans crainte, nous serons deux pour veiller sur ta fille, m’ont-ils dit pour m’inciter au voyage
Un petit bémol : je ne pourrai participer à l’exposition de ses toiles, sa première grande expo. Maxime en avait oublié les dates lorsqu’il a acheté mon billet. Catherine m’en veut et me l’a bien fait comprendre.
 
Je viens de rater le bus. Tant pis, j’attendrai le prochain. Dans une heure peut-être. J’ai tout mon temps. Rien ni personne ne m’attend. Ma gorge se serre, en y pensant. Rien ni personne… Ma mère non plus. Mon cœur s’accélère, j’entends sa voix, revois son visage sur son lit de mort. Fondu, réduit à presque rien, méconnaissable pourtant c’était bien elle. Sa peau toujours aussi douce. Froide mais douce.
Cela me reprend : je manque d’air. Les larmes me montent aux yeux, une boule se forme dans ma poitrine… je vais me laisser tomber. Ici, sur le trottoir. Ne plus bouger. Une morte au soleil. Avec hâte, j’entre dans une librairie, achète des bonbons au miel et une revue française, ne trouve qu’un magazine léger et insignifiant. Je paie et rejoins l’espace ensoleillé de la petite place.
Square lumineux, parfumé. Figée sur le trottoir, une sensation confuse, floue et lointaine comme si cet endroit ne m’était pas inconnu. Cet endroit ou cet instant ? Sentiment vague. Comme dans un rêve inaccompli, je reconnais ce moment, cette minute… maman. Je bouscule mes souvenirs, fouille dans leurs enchevêtrements. Des réminiscences explosent, des souvenirs : il y a des années… ma mère avait souhaité que je l’accompagne en Grèce pour des vacances. Je la revois me prendre la main, la caresser et évoquer la beauté des îles, son souhait de les découvrir avec moi. À l’instant, un vent chaud souffle sur sa main. Le sol est jonché de fleurs de bougainvilliers, mes yeux se remplissent de brume : comme pour une réconciliation, ma mère m’offrait un circuit dans les îles grecques, une croisière dont je rêvais. Mais j’avais beaucoup de travail, le temps manquait. La disponibilité aussi, Catherine me donnait des soucis depuis l’arrivée de sa petite sœur Julie. Peut-être, tout simplement n’étais-je pas prête pour un rapprochement. Ensuite, avec la mort de Julie, j’ai sombré. Les propositions de ma mère ont refait surface mais je ne les ai plus entendues. Notre voyage à deux, la découverte des îles grecques, a sans cesse été reporté. À la fin, maman n’en a plus parlé. Elle-même a fini par l’oublier. Plus tard, c’était trop tard. Elle est tombée malade et plus rien n’a été possible.
Je respire profondément. Me libérer, ne plus penser à tout ça… Le soleil et le bleu parviendront-ils à taire ces remords destructeurs ?
Un banc se camoufle à l’ombre d’un platane monumental comme il y en a beaucoup dans les îles grecques. Majestueux, avec ses grandes feuilles en forme de mains, l’arbre sans doute millénaire protège le banc usé et ceux qui s’y

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents