La Vérité, Matthias...Polar gris
208 pages
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Description

« Il savait bien que l’annonce de la libération de Matthias Kiss avait sauvagement rouvert chez son collègue cette plaie que douze années passées avaient péniblement commencé à cicatriser. Pour Francis, l’affaire Kiss était l’échec de sa carrière, même si, comme on ne cessait de le lui répéter, la libération du fils Jeulin-Latour, presque sans bobo, et l’arrestation des ravisseurs, ce n’était tout de même pas rien, comme résultat ! »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 avril 2013
Nombre de lectures 7
EAN13 9782342005028
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Vérité, Matthias...Polar gris
Jean-Louis Debard
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Vérité, Matthias...Polar gris
 
 
 
 
1. Jour de sortie
 
 
 
Matthias déplia le pantalon, l’étendit sur le lit, et le contempla un moment. C’était un tergal gris foncé, à pinces, quelque chose de très ordinaire ; taille 42. Matthias se dit qu’il avait peut-être bien perdu une taille depuis toutes ces années : la bouffe dégueu, la maladie, et puis la déprime… Il le passa pour s’assurer qu’il ne lui tomberait pas sur les genoux. Non, ça irait. Quand il aurait récupéré sa ceinture au greffe, ça irait. Il en fut réconforté : allons, il n’avait pas trop vieilli !
 
C’est Alina qui lui avait envoyé le pantalon, en 2002… Non, 2001… L’étiquette annonçait 120 francs. Des francs, pas des euros. Sur le petit mot qui accompagnait le paquet, elle avait écrit : « tu le mettras le jour de ta libération ; ça te donnera l’impression d’être un homme neuf, de recommencer… ». Que pourrait-il bien recommencer, à soixante-huit ans, dans sa situation ? En tout cas, ce serait sans elle. Elle n’avait pas tardé à lui écrire (c’était peut-être trois mois après le colis du pantalon) : « Je sais que je vais te faire du mal, mais je dois aussi penser à moi. Je vais refaire ma vie, avec Verdoit. Il m’attendait à ma sortie, et il veut m’épouser. C’est inespéré, après tout ce qu’il a enduré par notre faute. Je suis sûre que tu comprendras. » La lettre lui était tombée des mains… Un nouveau pan de mur qui s’effondrait. « PS : Je te ferai parvenir une chemise, pour mettre avec le pantalon »… Mais ça il ne l’avait pas lu.

Matthias passa la chemise en question et remit ses chaussures. Puis il se regarda dans les vingt-cinq centimètres carrés et demi de miroir qui lui restaient, accrochés au clou au-dessus du lavabo de la cellule. Il vit l’homme neuf qui allait être libéré : La barbe lui bouffait tout le visage. C’est à peine si l’on distinguait les valises que les insomnies répétées y avaient dessinées. Il avait beaucoup hésité pour la barbe. Cette barbe, portée depuis plus de trente ans, c’était toute son identité, beaucoup plus qu’un signe distinctif, c’était vraiment lui. Mais justement, il valait mieux qu’on l’oublie, lui. Donc, raser cette barbe. Oui, mais Alina l’aimait, cette barbe. Elle disait : « la barbe, c’est l’ornement des hommes »… Oui, mais Alina… Alina… Et aussitôt, cette pensée lui fit monter une nouvelle crise. Il ouvrit la bouche, commença à chercher de l’air, à suer et à trembler. Il se rassit sur le lit, appuya son dos contre le mur, et attendit. Son inhalateur était vide. Il s’était dit que le prochain, c’est un pharmacien du dehors qui lui vendrait.
 
Ses crises d’asthme avaient commencé peu après le procès, quand sa condamnation à dix-huit ans de réclusion avait été entérinée par le jugement en appel. Le fait de réaliser subitement ce que ça représentait, dix-huit années derrière les barreaux, l’air lui avait manqué, définitivement. À l’infirmerie, on lui avait parlé d’allergie, d’antécédents tabagiques… Lui, il connaissait bien le lien qui existait entre ses crises d’asthme et les angoisses qui l’assaillaient depuis toujours… Pas d’enfance, pas de jeunesse insouciante, pas de vie gratifiante… Non ; la survie… Depuis toujours… Alors, la condamnation, c’était peut-être le truc en trop, et son organisme s’était mis à ruer dans les brancards. Ses bronches s’étaient encombrées de toutes les saloperies de sa vie… C’était du moins l’image qu’il s’en faisait. On lui avait prescrit de la Ventoline, pour apaiser les crises. Mais il savait bien qu’il ne guérirait jamais. « On ne guérit pas des saloperies de la vie », répétait-il des centaines de fois tout haut, la nuit, plutôt que de compter les moutons… Sa maladie, aux manifestations insupportables pour ses compagnons de détention, lui avait au moins valu une cellule individuelle, un luxe qu’il appréciait…
 
Au bout de vingt minutes, sa respiration se fit plus régulière : la crise était passée.
 
La porte s’ouvrit, le gardien Ducret entra.
— C’est l’heure, Matthias. Le jour de gloire est arrivé !
 
Ducret n’était pas un féroce. Arrivé à quelques années de la retraite, il avait fini par comprendre que la séparation entre le pauvre type dans la cellule et le pauvre type qui portait les clés était bien plus ténue que leurs statuts respectifs de taulard et de maton ne le laissaient croire. En termes de « vie ratée », pourrait-on dire…
— J’arrive.
 
Matthias ramassa sa brosse à dents et le verre crasseux qui allait avec, enfourna le tout dans un vieux sac « Leclerc », enfila son pardessus antédiluvien, et quitta ses 9 m2 sur les talons du chef Ducret.
 
Couloirs, coursives, grilles, grillages… C’est drôle, tout avait une autre allure aujourd’hui. Il y avait même un rayon de soleil à travers la rosace, au bout de l’aile nord. Il y avait autre chose aussi. Il y avait Sylvain, de corvée de balayage de la coursive du quatrième et qui, penché par-dessus la rambarde, le fixait intensément, avec, dans son regard, toute la haine dont un homme est capable envers un autre homme. Matthias détourna les yeux. Ce regard-là était impossible à soutenir. Matthias avait bien essayé de lui parler, vingt fois, trente fois, de lui faire comprendre qu’il n’avait rien à se reprocher, qu’il ne l’avait pas trahi… Le jeune homme restait muré dans son idée fixe : « un jour je te ferai la peau, vieille ordure ! Alors, ne crève pas trop vite de ton asthme ». Et aujourd’hui, Matthias sortait, libéré pour raisons médicales après douze ans. Les yeux de hibou de Sylvain disaient : « Je t’en supplie, Matthias, attends-moi, laisse-moi le temps de te retrouver, et de te crever ! »
— Pressons le pas, chef !
 
Passage au greffe, formalités… Votre pécule s’élève à 62 euros… certificat de lever d’écrou, bon de transport… Signez ici… bonne chance… dernière cour, dernière grille, dernier bruit de clé…
— Bonne chance, Matthias. Je te dis pas « à bientôt, hein ? » ricana Ducret.
— Merci, chef.
 
La porte se referma sur son dos. Il était libre. Il avait « payé sa dette à la société ».
 
Fallait-il partir à droite ou à gauche ? Tétanisé par la liberté, Matthias. Qu’est-ce que tu croyais, vieux grigou ? Que tu allais sauter de joie ?
 
La gare SNCF, c’était à gauche…
 
 
 
2. Jour de sortie (suite)
 
 
 
Un service de Police Judiciaire avec un petit air de fête, ce n’est pas très fréquent. Mais là, ils avaient, selon l’expression consacrée, mis les petits plats dans les grands : le Pétillant avait fait place au Champagne, et les cacahuètes aux canapés salés et sucrés du traiteur. Les quatre bureaux des inspecteurs avaient été réunis pour n’en faire qu’un seul, le tout recouvert d’une nappe en tissu, s’il vous plaît ! La journée avait été placée sous le signe de la franche camaraderie, on se chambrait gentiment entre collègues… On avait même laissé filer deux petits dealers de hasch du quartier, en se disant qu’on se les coincerait de nouveau un de ces jours, cool Raoûl. Bref, ce n’était pas du tout un jour comme les autres.
 
Toute la journée, Francis s’était dit que ce serait un mauvais moment à passer. « Ils vont sûrement me faire chialer, les cons ! Enfin, si ça leur fait plaisir ! » Il les aimait bien, ses futurs ex-collègues, et les vingt-huit années qu’il avait passées entre ces murs n’avaient été émaillées que d’un nombre raisonnable de coups de gueule, de jalousies et de coups tordus entre flics. Et puis, Francis jouissait ici d’un prestige considérable qu’il devait à quelques succès retentissants dans des affaires criminelles complexes. Ses qualités professionnelles lui auraient sûrement valu une promotion au grade de commissaire s’il n’avait été affublé d’un caractère de cochon et d’un manque de respect viscéral pour tout ce qui touchait à la hiérarchie en général, et à la hiérarchie policière en particulier. Francis n’avait jamais cherché à faire une « belle carrière ». Il adorait son boulot, tout simplement, et son boulot le lui rendait bien.
 
Mais là, précisément, il allait devoir se fader le discours de Maccaret, le divisionnaire, qui était le seul type du service qu’il ne supportait pas ! Maccaret, dont la principale qualité policière était d’être un copain de lycée d’un ancien premier ministre, qualité un peu juste pour être un bon flic, mais largement suffisante pour monter les échelons sans trop se mettre les mains dans le cambouis ! Par ailleurs, adepte décomplexé de la police de classes, il considérait qu’à moins des 5 000 euros mensuels, tout individu devait être considéré comme suspect dans une démocratie raisonnablement organisée. Ayant vu et revu le film de Melville « le Cercle Rouge », il avait fait sienne la formule du Directeur de la Police du film, « tous coupables », et il n’était pas rare de voir Maccaret se pavaner dans le service, les jours où les actions de terrain avaient généreusement garni les bureaux de prostituées, de SDF et autres clients habituels, en répétant à l’envie sa formule magique censée terroriser le délinquant. « Rappelez-vous, messieurs, tous coupables ! ». Certains collègues levaient les yeux au ciel, d’autres plongeaient dans les tiroirs de leur bureau pour ne pas éclater de rire au nez de Sa Majesté Maccaret I er  ! Le Commissaire Divisionnaire Maccaret était donc ce qu’on appelle un con. Mais un con assez méchant.
 
À 17 h 45, alors que Francis faisait semblant de s’occuper à vider son bureau, Stéphane vint le chercher. « On y va, Francis ? » Il arbo

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