La Trajectoire du point
368 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
368 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

« Votre environnement semble changer subtilement. Pourtant, tout vous paraît normal, sauf à d’infimes moments, vous donnant l’impression que votre santé mentale vous échappe. Surtout lorsque le regard de vos amis se remplit de pitié, tandis que vous cherchez à comprendre les raisons de votre état. Ces signes, les connaissez-vous ? Êtes-vous prêt à découvrir leurs mystères ? »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748378467
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Trajectoire du point
Pierre Marcel Félix
Mon Petit Editeur

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Mon Petit Editeur
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Trajectoire du point
 
 
 
« La conviction est une vérité qui se dérobe au plus grand nombre ; on la porte en soi indifférente aux persécutions. »
Giordano Bruno.
 
 
 
 
Début
 
 
 
«  Ah ! La garce, elle a encore calé !  » C’est le troisième feu rouge consécutif où elle réitère cet incident. À ce rythme, c’est la panne programmée. Rageusement, j’enclenche de nouveau le démarreur. Le moteur toussote, crachote et tremblote par hoquets successifs, tandis que dans les profondeurs obscures des chambres de combustion, les pistons s’animent en raclant les chemises. Puis, soudain, le mouvement s’emballe « rugueusement » sous la culasse ; les échappements crachent leur gaz brûlant ; le vilebrequin accélère sa rotation et toute la machine libère joyeusement son énergie, estompant les soubresauts d’une triste agonie. Profitant de cette légère embellie, propre à tout commencement de la fin, j’opte pour une place de stationnement jouxtant un paisible square arboré comme il en existe parfois dans ces villes de province que l’oubli et la solitude ont engourdies pour les figer à l’abri de leur longévité.
En quelques manœuvres couvertes par un bruit de métal frotté, mon engin s’immobilise, frappé d’apoplexie mécanique. Ayant repéré non loin de là une cabine téléphonique, je m’empresse d’appeler un garagiste à mon secours car, même ayant vécu plus que de raison, cet assemblage de ferraille est mon seul moyen de locomotion. Et j’y tiens ! Après quelques palabres où il est surtout question de temps, j’obtiens son accord pour une visite dans un délai raisonnable.
Regardant ma montre avec contrariété, je constate que même s’il arrive rapidement, la durée de la réparation, à condition que cela soit possible sur place, m’aura fait dépasser l’heure de mon rendez-vous. Je me résigne donc à contacter ma cliente, lui commentant mes avanies à grand renfort d’excuses pour ce fâcheux contretemps. Après mille flatteries, j’arrache avec soulagement son consentement pour une autre visite.
Pour autant que mon activité me fasse vivre confortablement, elle n’en reste pas moins étroitement liée au bon vouloir de mes acquéreuses. C’est pourquoi je nourris à leur égard le soin affectueux d’un horticulteur pour ses fleurs les plus rares.
 
Mon commerce prospère gentiment et le bouche-à-oreille est la contrepartie de sa réussite ; aussi m’efforcé-je d’exprimer, dans ma présentation, une image de sérieux et de ponctualité afin d’asseoir ma réputation. L’idée m’était venue durant les lendemains peu glorieux de la retentissante faillite de mon mariage, qui m’avait laissée à terre, fort démunie et seulement titulaire d’une maigre allocation distillée avec parcimonie par mon ex-mari, tout juste suffisante pour entretenir mes formes avantageuses. N’allez surtout pas imaginer que la nature m’ait rendue disgracieuse au point qu’un goujat puisse avoir l’impertinence de s’en faire l’écho ! Mais, bref, pour se nourrir et se loger avec décence, ce subside s’avérait largement insuffisant. Revêtue d’un mince vernis d’artiste plasticienne, enduit en traînant mes guêtres dans des facs à barbouilles, puis paresseusement cultivé dans l’oisiveté d’une femme entretenue qui, néanmoins, affirmait son statut social à la manière des élégantes de la bourgeoisie tenant salon, je n’avais, bien qu’ayant quelques lueurs sur la question, jamais travaillé de ma vie !
Par contre, j’avais su – avec habileté et une certaine roublar­dise, je l’avoue – mettre à mon profit cette magnifique et sentencieuse maxime du très sage et très vénérable Confucius : «  Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour.  » Vous concevrez aisément qu’il me fût par conséquent impossible de rejoindre la filière savamment organisée du troupeau salarial. Le travail est une activité qui doit se pratiquer dès le plus jeune âge pour prendre le pli et savoir courber l’échine avec souplesse car, en vieillissant, c’est une posture qui devient vite douloureuse. Il me fallait donc un métier où l’on n’exigeât pas une expérience préalable et des diplômes, qui ne m’embarrassaient guère. Après avoir fait le tour des annonces de caissières, vendeuses et autres putasseries – qui, soit dit en passant, se situent, dans leur concept élargi, au sommet de la hiérarchie en matière de complaisance volontaire, le grade au-dessus n’étant que la réalisation concrète de la fonction étymo­logique du mot –, je m’orientai vers des offres proposant un emploi de représentante commerciale, la vente en porte-à-porte étant à peu près la seule profession qui recrute en permanence, et pour cause : elle ne dépend exclusivement que des aptitudes de bonimenteur du praticien. C’est un peu comme en politique, si vous voyez ce que j’entends.
Un début chaotique, une pâle carrière dans les produits cosmétiques et le matériel agricole me propulsèrent sur la scène du théâtre de mes exploits : j’allais exercer mon talent dans les frous-frous et les fanfreluches.
Comme je l’avais pressenti, mon sens du contact, ma facilité d’élocution et mon babillage hautement superficiel avaient su conquérir les mémés les plus revêches.
Mes acheteuses, en haut du versant abrupt de la cinquantaine, raffolaient de lingeries érotiques – et des plus osées ! –, espérant sans doute, par ces artifices, réveiller l’inclination somnolente de leur époux, si l’on peut dire, à défaut d’un commentaire plus épicé.
Je présentais donc à domicile mes collections, n’hésitant pas à payer de ma personne en endossant le costume de mannequin afin d’être plus persuasive. J’organisais ainsi des « rencontres Party » qui n’avaient rien à envier aux plus brillants défilés de mode, sauf que mes élégantes possédaient les gracieuses proportions et le pimpant d’un d’hippopotame bien nourri.
Ajoutez à cela qu’elles voulaient des sous-vêtements deux tailles plus petites, afin d’être, pensaient-elles, plus aguichantes, et vous imaginerez tout de suite le casse-tête et les circonvolutions diplomatiques, dignes d’un négociateur endurci, pour leur faire admettre qu’une grande taille pourrait se révéler éminemment suggestive sur leur personne. Additionnez, pour compléter le catalogue, des femmes plates comme des limandes qui me demandaient, pour avoir des formes charmeuses, de leur modeler un derrière callipyge et des mamelles façonnées en têtes d’obus à l’aide de rembourrages aussi épais que la cuirasse d’un navire de guerre, et vous partagerez aisément mon opinion, à savoir que je méritais amplement le salaire de ma peine. Néanmoins, et pour adoucir mes propos, c’étaient des dames charmantes qui gagnaient à être connues et dont le souci de plaire forçait le respect et l’admiration. D’autant qu’elles contribuaient à garnir ma douillette petite cagnotte.
Une fois, pourtant, j’eus une aventure fort singulière dont le souvenir déclenche encore mon hilarité. J’avais l’habitude de fréquenter, de temps à autre, une salle de culture physique où je pratiquais péniblement la musculation. Après avoir exercé ma persévérance sur différents instruments de torture qui me promettaient une silhouette élancée, une chaise longue m’invitait à savourer les joies d’un repos bien mérité.
Un jour, je liai conversation avec ma voisine. Lui ayant détaillé les facettes de mon activité, elle fut particulièrement intéressée et désireuse de voir ma collection. Nous convînmes d’un rendez-vous. À la date retenue, je sonnai à sa porte.
Elle m’introduisit dans son salon et me proposa de partager un thé. Après quelques amabilités, comme il est d’usage dans la bonne société provinciale, elle m’invita dans sa chambre pour faire un essayage. C’était une pièce en quinconce avec des miroirs couvrant les murs, des plinthes aux plafonds. Ils étaient séparés par de jolies aquarelles montrant des femmes en partie dénudées s’offrant aux regards dans des positions libertines. Au centre de la pièce, trônait un grand lit rond sur lequel était posée une couverture à volant rose bonbon et de petits coussins assortis. Voyant que je contemplais ses « œuvrettes », elle remarqua en soupirant :
— Ah ! Comme j’aimerais leur ressembler !
Puis, s’étant dévêtue, elle commença à se parer tour à tour des soutien-gorge, des culottes, des bas et autant de guêpières que je lui en proposais. À la fin, elle insista pour que je les porte, afin de mieux juger leur effet. Je m’exécutai avec bonne volonté, espérant ainsi accélérer la vente.
À chaque modèle que je revêtais, sous prétexte d’apprécier le velouté des satins et la qualité des soies, en s’extasiant de leur douceur, elle me tâtait les seins, caressait mes fesses et frôlait mon pubis avec de petits gloussements ravis.
Ce manège commençait à m’irriter et c’est sur un ton un peu agacé que je lui demandai si elle avait fait son choix.
Pour toute réponse, elle sortit. Perplexe, je me rhabillai. Puis, ne la voyant pas revenir, je me mis à ranger mes échantillons, préjugeant que ma brusquerie allait simplement me faire rater une vente. Ma besogne à peine terminée, je sentis une présence qui me fit lever les yeux pour apercevoir une image grotesque se réfléchir dans un des miroirs. Sous l’effet de cette apparition, je me retournai, stupéfaite.
Elle m’observait en se tenant légèrement déhanchée, le coude appuyé contre le chambranle de la porte, le bras plié et la main soutenant sa nuque, nue de la tête aux pieds. Enfin presque, car elle était harnaché

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents