La Sienne Dune
138 pages
Français

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Description

La Sienne Dune : une ode au Cotentin !

Handicapé, Aubert revient sur le lieu de son enfance et de sa jeunesse, sur la dune, la sienne, située entre la terre et la mer, entre la vie et la mort. Les souvenirs reviennent en masse alors qu'il les croyait effacés par les épreuves de la vie. Il revoit la joie des jeux et de la plage ; la langue et le folklore normands se rappellent à lui ; et la dune a même le pouvoir de lui faire retrouver ses sensations les plus primitives : la joie familiale, l'intimité maternelle, la venue au monde !
Ce personnage à la sensualité exacerbée, en lien étroit avec la nature, redécouvrant l'intensité de ses racines, nous fait partager son amour pour ce pays si particulier, le Cotentin, « comme une île ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 septembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332791474
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright














Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-79145-0

© Edilivre, 2014
Du même auteur


Du même auteur :
Charles Ménage
La Célébration – Editions Bénévent – 2005
Les Anges noirs – Editions Thélès – 2010
Dédicaces


A mes frères et sœurs
A mes cousins de Normandie
Tout chaunge
et ryin n’amende
Chapitre premier La fée des dunes
On l’avait laissé derrière la dune.
C’est là que la cabane était. Il en était sûr.
Il se souvenait parfaitement de son emplacement.
Entre le chemin côtier et la plage s’étendait une large portion de lande sablonneuse couverte d’herbes hautes et piquantes, traversée de sentiers menant à la mer, et il y avait autrefois en son milieu, à distance de la petite station balnéaire, une cabane de bois noir totalement insolite. Une cheminée bancale émergeait de son toit rouillé. Un grillage avachi était censé la garder en entourant un petit jardin potager duquel on ne percevait de loin que deux ou trois citrouilles, tellement grosses que les enfants pouvaient les imaginer facilement transformables en carrosses. On y apercevait de temps à autre une vieille dame vêtue de noir du cou jusques aux pieds, coiffée d’un paillon tout aussi noir planté sur un large chignon blanc en brioche. Elle semblait ne jamais sortir de son antre et on ne la connaissait que sous son surnom de fée des dunes . Il était encore tout petit à l’époque et elle lui faisait assez peur pour qu’il pensât ne jamais essayer de s’en approcher.
Ses parents louaient chaque été au village une vieille maison qui permettait d’être indépendants sans être pour autant trop séparés de la famille plus ou moins lointaine éparpillée dans les villages et les bourgs d’alentour, et la plage était le rendez-vous estival de bandes joyeuses de cousins à la mode de province. On était tous des cousins plus ou moins lointains. Les jeux étaient on ne peut plus simples car on ne possédait alors ni ballon, ni cerf-volant, et ils se résumaient en châteaux de sable, en sauts à qui irait le plus loin en se propulsant du haut de la dune, en bains prudents à marée haute et en recherche de coquillages lorsque la mer dégageait, sur plusieurs kilomètres, le sable ainsi que quelques pierres basses desquels on essayait de décrocher les flies, les patelles, qu’on pourrait sucer et faire craquer sous les dents. La basse iao (la pêche à pied) était réservée aux adultes qui retroussaient leurs manches et le bas de leur pantalon pour aller pousser de larges racloirs armés d’un filet en épuisette et ramener, dans des paniers d’osier portés en bandoulière, des coques dont on se régalerait au repas du soir, dans une sauce au persil et à la crème fraiche, avec parfois des manches-à-couteaux qu’on avait pu extraire lorsqu’ils s’étaient fait repérer par leur cheminée d’aération. Il fallait laisser la rocaillie aux gens du cru qui allaient vendre ensuite, au litre, les moules qu’ils avaient égrappées des rochers immergés. Les enfants passaient tout l’été ou au soleil, ou au vent, ou à la pluie, avec une vague culotte tricotée et un maillot de corps sans manches, si bien qu’ils ne pourraient aborder la rentrée que pleins de vigueur, avec des joues bien rouges.
Oui, la cabane était là autrefois, même qu’un jour en se rendant à la plage, les enfants, enhardis par le calme apparent qui s’en dégageait, s’en étaient approchés en faisant le moins de bruit possible, à la fois moqueurs et craintifs. Mais soudain, ils avaient battu en retraite, effrayés par les aboiements inattendus d’un chien qui leur avait paru très gros et dont ils ignoraient auparavant l’existence. Lui, il était tombé dès les premiers pas qu’il avait vrillés maladroitement pour s’enfuir. A plat-ventre dans les joncs, il n’osait plus faire un geste et contemplait terrorisé l’antre de la fée. Le chien s’était tu lorsque la porte de la cabane s’était ouverte et que la vieille dame était apparue sur le seuil. Il avait pu distinguer les traits de son visage qui semblaient dessiner plutôt un sourire amusé qu’une grimace de colère, avant qu’elle ne disparaisse derrière la cabane. Le chien, calmé, s’était aussitôt remis aux aguets. Lui, pas très hardi, se demandait combien de temps il allait devoir attendre avant de se relever, bien qu’il se crût protégé par le grillage de l’enclos. L’animal en était sorti soudain, on ne sait comment, avec facilité, et avait trottiné vers lui avec un tel flegme qu’il n’avait même pas eu le temps d’avoir peur. Il avait accueilli le gros toutou jaune comme un éventuel compagnon de jeu. Ce ne fut que pour peu de temps, hélas, car le chien avait été vite rappelé à l’ordre par un sifflement impératif. Il avait déguerpi, persuadé qu’il serait préférable de ne pas renouveler ce genre d’expérience.
Quand le soleil commençait à plonger vers l’horizon, on se précipitait après la plage en haut des marches en madriers, vers les marchandes qui avaient installé là leurs bassines d’huile sur des braséros de fortune, et qui offraient de vous servir dans un cornet de papier-journal, une poignée de longues frites à peine dorées, plus fondantes que croquantes, dont le salé relevait des délices d’autant plus appréciées qu’elles arrivaient juste à point au sortir d’un après-midi de bains et de jeux. Il ne fallait pas compter y avoir droit chaque jour, si bien que lorsque les mères cédaient à l’insistance des enfants, leur régal n’en était que plus intense. C’était souvent l’heure où rentraient les bannés, les tombereaux venant des pêcheries, tirés par de solides chevaux. Celles-ci étaient installées le plus loin possible du rivage, faites de filets de chanvre tenus en demi-cercle par de gros pieux. La mer en se retirant piégeait les poissons et les crustacés qu’il fallait ensuite aller récupérer à marée basse. Le retour des charrettes était à elle seule tout un spectacle car on y découvrait une grande variété d’animaux marins dont les pêcheurs faisaient le tri. Les plus beaux trouvaient immédiatement acquéreurs mais on avait parfois des surprises, comme cette énorme bête qui tenait toute la longueur du chargement, que les gens d’ici avaient nommée un souffleur et qui, totalement incomestible, devait être rejeté au loin. Il avait été longtemps intrigué par ce nom et encore maintenant il se demandait s’il ne s’était agi d’un petit cétacé, d’un jeune dauphin.
Il y avait une petite route goudronnée rectiligne sans aucun charme entre le village et les constructions balnéaires installées à l’abri de la digue, si bien qu’on préférait souvent emprunter le chemin de terre sillonnant le bocage, malgré l’allongement sensible de la distance. Un de ses grands cousins l’avait pris sur le cadre de sa bicyclette pour lui éviter cette longue marche. Cela l’avait beaucoup amusé mais lorsqu’il s’étaient arrêtés devant la maison des vieilles Mabille et qu’il était descendu du vélo, il avait hurlé de ne plus sentir ses jambes douloureuses, paralysées par un long appui sur la barre métallique, faisant se dresser précipitamment les bonnes dames en train d’éplucher leurs légumes sur le pas de leur porte. Il s’était calmé en retrouvant progressivement l’usage de ses membres inférieurs et, malgré ses sanglots, il avait entendu leurs propos :
« Ch’est le fisset à Lexis, le Parisian és Leplée, qu’est byin rêvablle et perquot, mais achteu, ch’est eun ébrailleus ! »
Pour les quelques lecteurs qui ne seraient pas familiers du dialecte normand une traduction pourrait s’imposer et donnerait :
« C’est le gamin de Lexis, celui qui vient de la ville et qui est de la famille Leplée – il est bien mignon et il a bien grandi mais, pour l’heure, c’est un braillard ! »
On arrivait en villégiature par le train puis dans le cabriolet à cheval du propriétaire. Les lourdes malles suivaient. Le père ne rejoignait sa famille que deux petites semaines au mois d’août et la fête était alors complète, car ses enfants le découvraient détendu, joyeux, débordant d’affection, et ils pouvaient parfois entendre leur mère rire, ce qui n’arrivait pas souvent en dehors de la période des vacances. La maison était d’une totale modestie, avec trois petites chambres en haut et une seule grande pièce à tout faire en bas. Elle était meublée d’un triste minimum où l’évier était aussi le lavabo. Les commodités, faites d’une planche trouée au dessus d’une simple fosse, se trouvaient loin au fond du jardin. Cette masure ne pouvait en aucune façon rivaliser avec la chaumière des Dalmont qui était un peu à l’écart du village à l’orée du bocage, tapie sous son épais toit de paille, entre un aulne séculaire et une haie de lauriers qui se transformait le long de la devanture en un bouquet ininterrompu d’hortensias dont les fleurs rivalisaient en volume et en couleurs. La porte à deux battants superposés et les fenêtres minuscules donnaient sur une grande pièce au sol inégal, égayée par les flammes de l’âtre où le feu brillait en permanence, flanqué de deux chaises basses. On apercevait dans la pénombre derrière la grande table centrale constamment dressée, un lit étroit presque clos, une armoire de mariage de chêne ciselé, un vaisselier appliquant côte à côte plats et assiettes, et une comtoise déjà vermoulue. Il se sentait bien là, dans un fumet indéfinissable de soupe au gras et de cire d’abeilles, dans un silence bercé par le balancier de l’horloge et le crépitement des braises. Il avait osé y entrer sans mot dire. La vieille avait fini par lui adresser, sans se retourner, quelques mots qu’il ne comprenait pas tous.
« Te veilà achteu – t’es doun vénin touot seu ?
– Veire (oui), avait-il répondu, je suis venu seul.
– Tes gens sount-ti à Tchidbou ?
– Nennin, mes parents ne sont pas à Cherbourg, ils font leurs courses.
– Tu veurs-ti

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