La Poupée de porcelaine
168 pages
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La Poupée de porcelaine , livre ebook

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Description

Les Nanteuil vivent sous le joug de l'autorité paternelle, en coexistence pacifique avec les autres communautés de l'île. C'est le récit d'apprentissage de Myriam, de l'enfance à l'âge adulte, en passant par l'adolescence, dans une société créole bourgeoise bourrée de préjugés. L'atmosphère y est cloîtrée et les ambitions individuelles constamment bafouées. C'est la descente aux enfers pour Myriam, héroïne involontaire de divers événements : 1er jour d'école maternelle avec son amie Devi, séparation traumatisante après la faute impardonnable, l'exil forcé de Louise, la cadette, émeutes raciales et isolement social.


Finalement, Myriam trouvera-t-elle jamais la paix auprès de l'élu de son cœur, après les séquelles d'une union et d'un divorce malheureux ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 juillet 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414079803
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-07978-0

© Edilivre, 2017
Chapitre I
Port-Louis se réveille de sa torpeur sous un soleil de plomb. Il est quinze heures. À la rue Beauchamp, la radio de la voisine scande un refrain rythmé au son du tabla et de l’harmonium. C’est l’heure de l’émission radiophonique en hindi. Ma mère s’est réveillée de sa sieste quotidienne et achève d’allumer une à une les mèches presque carbonisées autour de la bobèche d’une lampe à pétrole. Puis, elle y dépose une bouilloire à moitié remplie d’eau que des langues de feu lèchent en laissant des traces de noir de fumée, comme des ombres chinoises sur la surface polie de la bouilloire. Une forte odeur de pétrole se répand dans la petite cuisine en tôle. Assise au bout de la table au milieu de la cuisine, les deux pieds sur un long banc, je regarde cette jeune femme d’une trentaine d’années qui, dans des mouvements mécaniques, délaie le lait en poudre dans un grand bol émaillé. L’eau bout déjà à gros bouillons dans la bouilloire et laisse s’échapper un nuage de vapeur qui se condense sur une poutre pour retomber sous forme de gouttes dans l’eau bouillante. Ma mère ajoute deux cuillérées de thé dans la bouilloire et replace presque immédiatement le couvercle et enlève le thé ainsi infusé de la lampe à pétrole. Puis, elle entreprend d’enlever les deux lourds crochets retenant la porte de la cuisine qui donne sur l’arrière-cour en hauteur. La vieille porte en bois s’ouvre en grand, emportée par son propre poids dans un lourd crissement de gonds. Une forte senteur de lilas et de fumée de bois envahit la petite pièce. Dehors, à gauche, et de l’autre côté du mur en brique, Mama Mouni prépare le thé, accroupie devant un foyer de feu de bois qu’elle vente au moyen d’un morceau de carton.
Mama Mouni et sa sœur Ti-Daddy ont toujours piqué ma curiosité de jeune enfant, non sans un brin de frayeur. Peut-être est-ce leurs bouches édentées, leurs fronts sans sourcils ou leurs peaux que l’âge a ratatinées comme du vieux cuir qui me répugnent. Ou encore leurs lobes troués et déformés par les énormes boucles d’oreilles en or dont elles ne se séparent jamais. Ti-Daddy et Mouni vivent au jour le jour. La première, marchande de cacahuètes et de friandises, la seconde comme elle peut, étant trop vieille pour travailler, mais toujours capable de s’occuper de ma meilleure ami, Devi. Comme chaque après-midi, après la sieste, Devi vient jouer avec moi jusqu’à l’heure du dîner, sans que les octogénaires ne s’inquiètent pour autant. Au fond, Devi ne manque à personne, loin de la tutelle de sa mère ou de son père. Enfant martyre non seulement enlevée de sa jeune mère au cours d’un divorce implacable, elle s’est retrouvée aussi chez la grand-mère et la grande tante paternelles que la loi favorise pour des raisons incompréhensibles. Il ne reste à la mère de Devi que la solitude, le rejet de sa famille, pour ne pas avoir supporté la vie avec un mari alcoolique et la déchéance qui en découle.
Depuis trois ans, Soobhan travaille chez les Nanteuil, mes parents, où elle est bonne à tout faire. Elle y rencontre sa fille Devi de temps en temps, lors de ses heures de travail. Souvent, ma mère lui donne les restes de la veille qu’elle emporte chez elle, et occasionnellement, un beau tissu ou des champals. Elle a même hérité des vêtements et de quelques paires de chaussures que ma sœur aînée lui laisse avant son départ pour la Finlande. Sylvia est partie dans un pays dont elle ne connait ni la langue, ni la culture. Son mari, Svend, est venu à l’île Maurice pour l’épouser après une longue correspondance épistolaire. Sylvia s’est mariée à l’Immaculée Conception, une belle église où elle est devenue ma marraine quelques jours après ma naissance.
Comme d’habitude, durant les grandes vacances d’été, de novembre à janvier, la cour de mes parents foisonne d’enfants du voisinage. Mes aînés, Désiré et Gérard, jouent aux pirates, brandissant des branches de papayer en guise d’épée. Ils s’engagent dans des combats virtuels courant après les autres enfants qui poussent des cris stridents qui énervent ma mère. Je me tiens là, à l’ombre de la clôture grise qui isole la cour de la rue Beauchamp des yeux indiscrets des passants. Devi est venue ainsi que Shaquila, Noor-Jehan, Reshad et son petit frère Bollol qui sont tous dans la cour. Ces enfants sont ceux de Mama Goli et de son mari, un marchand de gâteaux de patates douces. Les enfants de kala Beda ont rejoint ceux de Mama Goli, puisque les familles partagent le même hangar vétuste. Je n’ai jamais su les noms des enfants de kala Beda. Mais ce n’est pas important. Mes frères et sœurs les ont acceptés. Ils font partie des enfants de la rue Beauchamp. Moi, je ne joue qu’avec Devi. La veille, ma mère m’a achetée des joujoux ménage , des petites tasses et des soucoupes en plastique et des batteries de cuisine que j’installe sur les marches de granite à l’ombre d’un grand goyavier. Ma mère s’est assise sous la varangue. Elle se vente lentement, presque au ralenti, dans la chaleur torride. Quelques mouches noires s’acharnent pour se poser sur son visage, mais elles les chassent de son éventail noir… le même qu’elle apporte à l’église le dimanche matin. Outre les vacances d’été, elle n’insiste plus sur ma sieste quotidienne. Peut-être parce que la chaleur de Port-Louis l’accable inlassablement, et que les draps gardent la chaleur et l’humidité. Des fois, des cernes profonds se dessinent autour de ses grands yeux noirs et trahissent son malaise.
Le soleil de l’après-midi baigne la varangue de ses rayons cuisants à travers les persiennes. Les enfants se sont tus, et Devi et moi avons perdu d’intérêt pour les joujoux ménage. Elle me quitte sans rien dire et retourne avec les autres enfants dans la cour commune de leurs parents. Je ne la reverrai pas avant demain après le déjeuner. Mais peu m’importe qu’elle soit partie, car Louise et Désiré s’occupent toujours de moi en fin d’après-midi pour laisser du temps libre à ma mère, vu que mon père rentrerait du travail incessamment. Puis après, comme toutes les soirées en été, la famille reste dans la cour ou sous la varangue jusqu’à tard. Ce soir, tout le quartier du Ward 4 baigne dans le clair de lune. Du côté du hangar, tout n’est que silence, mais dans quelques heures, juste avant l’aurore, kala Beda se réveillera à l’appel du Azan. Puis, à six heures, les carillons de la cloche de l’église Immaculée Conception se feront entendre, noyant comme d’habitude les bruits des balais de coco. Beda et Ti-Daddy balaient frénétiquement le pavage. Elles assemblent un monticule de feuilles qu’a jeté le grand manguier, et les pétales de lilas qui jonchent leur cour commune. Chez le marchand de gâteaux patate, à l’autre bout du hangar délabré, les enfants se réveillent. Papa Goli revient de la mosquée après le premier namaz du jour. Dans un coin de la cour, un nuage de fumée de bois monte en direction du ciel matinal que le soleil éclaire déjà. Mama Goli vente le feu de bois dans le foyer. Il est sept heures. À sa gauche, dans un senni à même le sol, la musulmane a entassé des pains maison qu’elle a préalablement beurrés pour ses enfants. Ignorant la fumée qui flotte dans la cour commune, Mama Mouni ouvre son poulailler pour laisser sortir les poules et l’unique coq de la cour. Elle leur donne des grains de riz et des morceaux de pains rassis et les laisse picorer librement. Tout ce petit monde en éveil égaye ma mère de l’autre côté du mur. Mais pour ces gens simples, la vie n’est en fait qu’une lutte perpétuelle. Ils apprennent tant bien que mal à tout partager, y compris les toilettes qui sont souvent l’objet de querelles entre Ti-Daddy et Papa Goli. Alors, ils invoquent les dieux tamouls contre le dieu musulman, s’octroyant mutuellement des séries de malédiction. Papa Goli demeure stoïque devant la sentence d’un mauvais karma et d’une réincarnation en vers de terre.
Le dimanche, à l’église de l’Immaculée Conception, mon père salue le père Raoul et son sacristain Barnel qui accueillent les paroissiens sur le parvis de l’église. Le père Raoul est si rouge que l’on a toujours peur qu’il fasse une crise d’apoplexie en cours de messe. Il salue mon père et ma mère avec une modestie affectée et ne manque jamais de me pincer gentiment la joue. Tout au long de la messe, j’ai plié et replié mon mouchoir à carreaux rose et blanc jusqu’à ce que mes parents m’abandonnent sur le banc de l’église pour aller chercher l’Eucharistie. Gérard, Désiré et Louise ont eux-aussi suivi mes parents en direction de l’autel. Je suis seule sur ce banc d’église, sans mes frères et ma sœur, et je me sens affreusement isolée, comme perdue. Et pourtant, ils ne m’ont quittée seule que pour aller recevoir Dieu.
Comme d’habitude, le dimanche après la sieste de mes parents, mon père nous emmène au jardin des Salines qui borde la plage de Pleasure Ground. Louise et moi aimons visiter les grands cerfs au pelage roux et les tortues géantes vieilles de plus d’un siècle et que l’on retrouve dans les Mascareignes. Et quand le soleil disparaît à l’horizon, et qu’au loin, les navires ancrés dans la rade de Port-Louis s’illuminent dans la pâleur du crépuscule, nous rentrons chez nous à 31 rue Beauchamp à Port-Louis. Mais sur le chemin du retour, peu à peu, un sentiment de tristesse et d’angoisse m’envahit. L’image des tortues géantes et des grands cerfs, l’odeur des goémons et des pétunias multicolores disparaissent de ma mémoire pour ne laisser la place qu’a l’idée de l’événement de demain : mon premier jour à la petite école de Miss Catherine. Mais, je me console à l’idée que le sort de mon amie Devi n’est pas meilleur que l

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