La porte de Bosch
227 pages
Français

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La porte de Bosch , livre ebook

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Description

DU MÊME AUTEUR Celle qui ne pleurait jamais Les Nouveaux Auteurs, 2017 et Pocket, 2019 And I looked, and behold a pale horse And his name, that sat on him, was Death And Hell followed with him Johnny Cash, The Man Comes Around (d’après l’Apocalypse de saint Jean) Prologue Sheng détacha son regard de ses notes et pressa deux doigts contre ses paupières. Il commençait à réaliser qu’il avait besoin d’un peu de sommeil. Il avait pour habitude de ne jamais s’endormir avant minuit, mais le matin suivant, le réveil le tirait irrémédiablement du lit aux environs de six heures. Il luttait alors toute la journée contre la fatigue. Les week-ends lui permettaient certes de rattraper quelques heures de sommeil, mais il prolongeait alors ses soirées jusqu’à deux, voire trois heures du matin en sachant qu’il n’aurait pas à se lever tôt le lendemain. Le bénéfice des grasses matinées était ainsi rapidement consommé. Il devait se reposer. Il perdait en efficacité. Sheng vivait seul dans son grand appartement de soixante mètres carrés en banlieue de Pékin. L’unique fonction de ce trois pièces était de lui permettre de poursuivre ses travaux de recherche au calme ; il aimait le confort et l’espace. Il reprit son stylo en main, mais la fatigue avait usé sa concentration. Il regarda rêveusement ses doigts tourner et retourner le petit tube de plastique. Sa famille s’était installée à New York trois générations auparavant.

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Informations

Publié par
Date de parution 19 septembre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782819505983
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MÊME AUTEUR
Celle qui ne pleurait jamais
Les Nouveaux Auteurs, 2017
et Pocket, 2019
And I looked, and behold a pale horse
And his name, that sat on him, was Death
And Hell followed with him
Johnny Cash, The Man Comes Around (d’après l’Apocalypse de saint Jean)
Prologue

Sheng détacha son regard de ses notes et pressa deux doigts contre ses paupières. Il commençait à réaliser qu’il avait besoin d’un peu de sommeil. Il avait pour habitude de ne jamais s’endormir avant minuit, mais le matin suivant, le réveil le tirait irrémédiablement du lit aux environs de six heures. Il luttait alors toute la journée contre la fatigue. Les week-ends lui permettaient certes de rattraper quelques heures de sommeil, mais il prolongeait alors ses soirées jusqu’à deux, voire trois heures du matin en sachant qu’il n’aurait pas à se lever tôt le lendemain. Le bénéfice des grasses matinées était ainsi rapidement consommé.
Il devait se reposer. Il perdait en efficacité.
Sheng vivait seul dans son grand appartement de soixante mètres carrés en banlieue de Pékin. L’unique fonction de ce trois pièces était de lui permettre de poursuivre ses travaux de recherche au calme ; il aimait le confort et l’espace. Il reprit son stylo en main, mais la fatigue avait usé sa concentration. Il regarda rêveusement ses doigts tourner et retourner le petit tube de plastique.
Sa famille s’était installée à New York trois générations auparavant. Son père avait travaillé dur pour décrocher un poste de professeur à Yale où il avait rencontré sa future femme, professeure elle aussi. Sheng était fils unique. Très jeune, il avait montré de prodigieuses capacités intellectuelles, à la plus grande fierté de ses parents qui prirent soin de cultiver ses dons. Ils enseignaient à leurs étudiants la journée et poursuivaient leur professorat le soir auprès de leur fils. En l’absence des parents, c’étaient les grands-parents qui continuaient la formation du jeune prodige. Son isolement prit naissance dans cet univers protégé.
Sheng finit par entrer à l’école où ses capacités ne se démentirent jamais. Il était un enfant à part, renfermé, effacé, dont le visage ne s’illuminait jamais d’un sourire. Il grandit encore, sauta des classes et son chemin le mena logiquement vers une école de surdoués. Ses parents étaient aux anges. Il était à présent parmi « les siens », dans un univers aux contours bien nets, rassurants, censé parfaire le développement de ces cerveaux précoces. Mais même parmi ses semblables, Sheng était au-dessus du lot. L’isolement, encore.
 
C’est le jour de ses quinze ans. Sheng a depuis longtemps pris conscience de sa différence. Il a aussi pris conscience de la distance que ses parents ont involontairement mise entre eux et lui. Ils sont ses maîtres à penser, il est leur étudiant le plus brillant – leur relation s’arrête là. Sheng a choisi ce jour pour essayer de briser cette glace de quinze ans d’épaisseur. Il a l’espoir qu’il n’est pas trop tard. Il a longtemps vécu sans amour et sans vraiment pouvoir expliquer ce grand vide qui n’a eu de cesse de croître avec le temps. Mais ce vide lui a un jour donné le vertige. Ce jour-là, il a enfin pu mettre un nom sur sa souffrance. L’indifférence est pire que tout. Sheng prend son courage à deux mains. Il est temps d’exprimer cette douloureuse blessure à ses parents.
–  Papa… Maman…
Il cherche ses mots, la gorge nouée.
–  J’ai quelque chose de très important à vous dire…
–  Sheng, c’est pour toi.
Ses parents lui tendent un paquet enveloppé dans du papier rouge.
Le regard de Sheng se porte tour à tour sur son cadeau et sur ses parents. Il hésite un instant, ouvre à demi la bouche, se ravise. Sans un mot, il déchire le papier et ouvre le carton qui y était enveloppé.
–  C’est une encyclopédie scientifique électronique, la plus complète qui existe sur le marché. Il y a des milliers d’entrées, et tu as des explications détaillées, des schémas, des photos, des vidéos pour chaque mot…
Ses parents sont surexcités et ont déjà allumé la console. Sheng sent les larmes lui monter aux yeux. Il se tait. Il ne leur dira rien aujourd’hui.
 
Ni les jours d’après.
 
À dix-sept ans, il quitta le cocon familial pour poursuivre des études supérieures. Étrangement, séparé de sa famille, il sembla revivre. Sa solitude l’avait suivi, mais cette fidèle compagne ne l’accablait plus. À présent, il y puisait sa force. Sheng était un étudiant brillant, hors du commun même. Les cours de biologie, la spécialité qu’il avait choisie, furent une simple formalité. Il apprit, apprit encore, et termina major de sa promotion. Il n’eut nul besoin de frapper à la porte des employeurs, les propositions se bousculèrent. Universités, instituts de recherche publics, laboratoires privés, il eut l’embarras du choix. Arriva alors une proposition d’embauche du ministère de la Défense américain. Les États-Unis avaient besoin de ses services. Le but était avoué : la course aux armements bactériologiques faisait rage et les réseaux terroristes y étaient très actifs. La nation devait étudier la menace virale avec sérieux et voulait pour cela recruter l’élite des scientifiques. Les avancées humanistes que Sheng attendait de la science étaient bien loin, mais les moyens dont le ministère disposait donnaient le vertige. C’était une occasion unique de donner vie aux projets qu’il avait passé tant de temps à élaborer dans sa tête et sur d’épars morceaux de papier. Il accepta le poste.
Les projets de recherche auxquels il participa et dont il prit rapidement la responsabilité faisaient en fait bien plus que prévenir la menace : ils étaient le terreau dans lequel germait une stratégie américaine clairement offensive. Qu’importe, Sheng était passionné par son travail. La reconnaissance vint vite et balaya ses derniers scrupules. Elle fut un merveilleux expédient à l’amour que ses parents ne lui avaient jamais exprimé. Il devint un expert dans son domaine, mais il ne cessa jamais d’apprendre pour continuer de progresser. Il travaillait dans l’ombre, en équipe, mais ses dons le plaçaient loin devant ses collaborateurs. Loin devant, seul.
Sa solitude l’indifférait, bien au contraire, il ne voulait plus se départir de cette muse qui acérait sa vivacité d’esprit. Seule la reconnaissance de ses pairs comptait. Mais Sheng et son équipe n’étaient pas les seuls à s’être jetés dans la mêlée. La course aux armes biologiques était toujours plus effrénée, les laboratoires privés ne cessaient d’en accélérer le rythme et les liens obscurs que certains d’entre eux semblaient entretenir avec de dangereux groupes extrémistes inquiétèrent bientôt les États-Unis. Mais les agences de renseignements américaines ne portèrent pas leur regard suffisamment loin et se trompèrent de cible. Ce fut en effet chez leur allié le plus proche que la menace se précisa. Dans le domaine, le laboratoire Weiqi était le plus actif sur le territoire chinois et c’est sur lui que se portèrent les soupçons les plus lourds.
Les États-Unis commencèrent à suivre de près les occupations de la firme. Un épais voile de mystère recouvrait ses activités, mais les allégations sur ses liens avec la secte Dúwŭ étaient persistantes. L’évocation d’extraordinaires avancées scientifiques n’était pas là pour rassurer. Mais l’étroite surveillance se montra stérile. Alors, quelqu’un dans un obscur bureau du ministère de la Défense américain eut une idée de génie. Le savoir de Sheng était un trésor inestimable, ses compétences très certainement internationalement connues et reconnues car l’espionnage était ardemment pratiqué par tous les pays. Beaucoup rêvaient de l’avoir à leur service. Ses supérieurs le convoquèrent et lui exposèrent la stratégie des dirigeants américains. L’idée était risquée, aussi bien pour Sheng que pour ses employeurs qui pouvaient perdre un scientifique du plus haut niveau de façon irrémédiable. Il était au centre d’un colossal enjeu et tous les regards se portaient sur lui. Jamais il n’avait été le centre d’autant d’attention. Il accepta le pari.
Deux mois plus tard, le scandale éclata. Sheng était accusé d’avoir transmis des informations extrêmement sensibles à un réseau terroriste visant les plus hauts intérêts de la nation américaine. Aucune preuve ne put être apportée contre lui, mais il fut poussé à quitter le pays. Il se réfugia en Chine, où il ne trouva pas de mots assez violents pour ses anciens employeurs. Par ses discours très durs dénonçant « la folie paranoïaque de l’Empire américain », il entra en guerre ouverte contre les États-Unis et le fit savoir haut et fort. Ce fut le début d’un long et périlleux travail d’intoxication qui attira à lui les foudres des Américains, mais aussi celles du gouvernement chinois qui s’inquiéta de ces prises de position trop féroces.
Mais la lente campagne de désinformation atteignit enfin son but. Le laboratoire Weiqi finit par ouvrir un œil et un beau jour il reçut un coup de téléphone. Sheng gagna lentement la confiance de sa proie et se fit embaucher par la puissante entreprise. Le poisson était ferré.
 
C’était il y a un peu moins d’un an.
Aujourd’hui, il touchait au but. Ce n’était plus maintenant qu’une question de jours.
Première partie
Esquisse
Rebecca – Kelsingstraat, Pays-Bas, J-16

La cliente leva un sourcil.
– J’ai entière confiance en mes associés. J’ai du mal à vous croire…
Rebecca posa un doigt sur l’une des cartes disposées sur la table.
– Au centre, vous avez le Pendu : cette carte peut indiquer une erreur d’appréciation de votre part, vos associés ne sont peut-être pas si dignes de la confiance que vous placez en eux. À gauche, la Lune : il peut s’agir d’une déception, ou bien d’une maladie – compte tenu des autres cartes, je penche plutôt pour la déception, la tromperie. À droite, le Mât. Cette carte va avec celle du Pendu : elle est signe d’une inconscience, en l’occurrence de la confiance que vous accordez peut-être à tort à vos associés. En haut, la Mort indique un grand bouleversement.

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