La Nuit de l impasse
122 pages
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La Nuit de l'impasse , livre ebook

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Description

« Il y a soixante ans que j'habite l'impasse, j'ai tenu l'épicerie pendant quarante ans, toute seule et avec mon fils. Ils ont tué mon commerce, ils ont tué mon Marcel, mais ils ne m'auront pas... Ils partiront tous, les uns après les autres, mais moi je resterai jusqu'au bout, je suis chez moi ici, chez moi ! » La vieille Volinski peuple de ses cris les nuits de l'impasse. Les locataires des logements encore habités de cette vieille impasse parisienne ont l'habitude. Ils se connaissent, des liens se sont noués, dénoués. Mais cette nuit ils ont du mal à dormir ; d'autres bruits se mêlent à l'orage et aux cris de la vieille Volinski, ils viennent de l'usine désaffectée du fond de l'impasse. Quand Amar rentre au petit matin avec son chien et son taxi, l'air de la cour lui paraît irrespirable. Que s'est-il passé cette nuit dans l'impasse ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334030410
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-03039-7

© Edilivre, 2018
Chapitre 1 La vieille du 4
La vieille du 4 a baissé la tête, elle parle d’une voix rauque sans regarder son interlocuteur :
– Les bruits ordinaires de l’été ont cessé quand les habitants ont fermé leurs fenêtres. C’était en septembre. Moi je suis la plus ancienne de l’impasse et je suis celle qui dort le moins, surtout depuis que Marcel est parti…
Elle relève la tête d’un mouvement brusque et reprend son récit en fixant l’homme assis en face d’elle :
– C’est en septembre que j’ai commencé à entendre. Ça venait du côté de l’étudiante. Dès la nuit tombée, la sonnerie se mettait en marche, pas régulière, aigre, petite, deux coups ou un ou trois, à n’importe quelle heure. Et chaque fois que la sonnerie s’arrêtait, j’entendais une voix se mettre à parler comme un automate, toujours la même. J’ai jamais compris les mots, la voix coulait toute seule puis s’arrêtait jusqu’à la nouvelle sonnerie et la litanie reprenait. Je suis restée à ma fenêtre, j’ai guetté pendant des heures ; je n’ai rien d’autre à faire. J’ai cherché qui pouvait bien lancer des messages, la nuit, mais je n’ai rien vu. À ce moment-là j’étais la seule à entendre les signaux. Même l’étudiante qui travaille tard la nuit n’a jamais dit qu’elle avait remarqué quelque chose. Je ne sais pas si elle dit la vérité. Quand les sonneries et les voix ont commencé, je ne l’ai jamais vue s’approcher de la fenêtre. Je suis sûre qu’elle laisse allumer même quand elle n’est pas là. Rien ne bouge de son côté, je vois bien d’ici, de plus elle a pas de rideaux. Les premiers signes arrivaient dans l’impasse quand plus personne ne paraissait réveillé, après les télés, après que les jumeaux se soient endormis, après le départ du taxi. Ceux qui font ça ont dû croire que je dormais aussi parce que j’éteins la lumière. Ce n’est pas la peine d’user de l’électricité surtout que si j’allume je ne vois plus rien dans l’impasse. J’ai mis mon fauteuil devant la fenêtre en poussant la table contre le mur du fond, là où il y a le tableau des ordonnances, sous l’horloge justement. J’ai toujours dormi très peu surtout quand Marcel a commencé son cancer et qu’ils l’ont ramené à la maison…
– Mais le matin vous pouvez dormir, madame Volinski ?
– Le matin je sors pour les courses. Je suis la première, je ne croise personne. Je vais jusqu’au Monoprix en marchant lentement à cause des pavés. J’attends l’ouverture en m’appuyant contre le parcmètre à voitures, ça me fait prendre l’air et puis j’entre. Celui qui ouvre me connaît, il me dit bonjour avec toujours le même air de plaisanterie, pour rien. Je prends mon fromage en portions, la boîte d’œufs de lump ou la pâte rose de poisson ou le pot de rillettes selon le jour, mon lait, le jambon « deux tranches » ou les quatre saucisses à l’eau ou le haché. Je varie toutes les semaines, dans l’ordre. Justement au mois de septembre, un jour, ils ont changé les places des étalages. C’est idiot quand on a l’habitude. Je ne trouvais plus les œufs de lump, j’ai dû faire le tour du magasin et je suis rentrée avec vingt minutes de retard. J’ai croisé l’Arabe avec son chien. Il me dit bonjour, mais moi je ne lui parle plus depuis que l’entrepreneur lui a permis de mettre son taxi dans l’impasse, comme s’il ne pouvait pas le laisser avec les autres voitures dans la rue. En plus il nous donne son concert tous les soirs quand il fait chauffer son moteur avant de partir. Il ouvre les portes de son taxi et il met sa musique de sauvage, toujours la même et personne ne lui dit rien. Ils sont tous sourds et aveugles dans cette impasse… Où j’en étais ? Oui, je remonte avec mon panier, je le pose sur la table, je me prépare mon café au lait, moitié lait moitié Nes, je ne sucre pas. Je prends aussi des fruits et de la salade depuis que l’infirmier de Marcel m’a dit que j’allais attraper le scorbut. C’est la maladie de ceux qui font les régates du tour du monde en solitaire. Je ne vois pas pourquoi je l’attraperais, moi qui ne sors de l’impasse que pour les courses et qui ne traverse même pas la rue. Enfin comme il a été gentil avec Marcel, je fais ce qu’il m’a dit. Pour le midi, je me prépare…
– Attendez, revenez à ces bruits de septembre, madame Volinski. Vous disiez que vous avez entendu des sonneries et des voix, vous en avez parlé avec quelqu’un ?
– À qui voulez-vous que j’en parle ? Je n’ai besoin de personne, si les autres ne voulaient pas entendre tant pis pour eux.
– Et après vous avez entendu autre chose ?
– Tout. J’ai d’abord cru que les sonneries et la voix c’étaient des signes de mon Marcel, mais qu’est-ce que ça voulait dire ? Et puis je ne crois pas trop au paradis, à l’enfer ou aux revenants, surtout que Marcel n’était pas bavard, bien que, sur la fin, il était prêt à croire au Bon Dieu et au diable. Le malheur fait des injustices, on ne comprend plus pourquoi les choses arrivent, Marcel n’avait jamais été malade.
– Et après les sonneries et les voix, qu’est-ce qui s’est passé madame Volinski ?
– Les sonneries et La voix. Après c’était dans la nuit entre le 15 et le 16 octobre, ils ont commencé à minuit vingt-cinq. J’ai le réveil sur la table de la cuisine et il a des chiffres phosphorescents verts, la nuit je vois l’heure. C’est Marcel qui l’a trouvé dans l’impasse et qui l’a réparé. Les gens jettent tout maintenant. En 75 l’entrepreneur a jeté par la fenêtre une cuisinière toute neuve quand il a refait son deuxième étage. Elle est restée là, toute cabossée, pendant au moins un an, la première chatte de madame Sorbier y a même fait des petits dedans. Elle n’était pas encore voyante à l’époque, elle travaillait à la RATP sur la ligne Vincennes-Neuilly là où y a eu le Japonais qui a fait tomber un nègre sur la voie en poussant le cri qui tue. Mais madame Sorbier n’a rien vu parce qu’elle était en haut aux tickets.
– Et qu’est-ce que vous avez entendu en octobre, madame Volinski ?
– Comme tout le monde, j’ai entendu leurs voix. Cette nuit-là ils sont venus à plusieurs. Ça tournait dans l’impasse comme une vague qui battait les murs. Je suis logique donc j’ai cherché une logique. Je me suis dit d’abord que le bruit venait de chez les jumeaux, que les parents avaient dû sortir, ça arrive, et qu’ils avaient la fièvre ou peur. Mais quand c’est devenu plus fort j’ai pensé qu’un matou miaulait pour la chatte de madame Sorbier, mais celle-là de chatte, elle est toute jeune et je ne crois pas qu’elle puisse déjà attirer le mâle. Le bruit se déplaçait d’un mur à l’autre, je le suivais sans rien voir. Quand il a été du côté de l’entrepreneur, l’Italien de l’entrée, j’ai pensé qu’il avait dû ramener une femme et qu’il n’avait pas fermé sa fenêtre. Mais la fenêtre était fermée et puis je ne veux pas dire, mais depuis que la sienne est partie c’est plutôt des hommes qu’il ramène. Tout le monde le sait. Chacun fait ce qu’il veut. De toute façon plus ça tournait moins je pouvais rester logique. C’était pas humain cette nuit-là.
– Et vous n’avez rien vu ?
– Non. C’était comme une grosse vague de bruits, mais elle n’a pas duré longtemps, de minuit vingt-cinq à une heure moins le quart et puis fini. Quand ils se sont arrêtés, ça a fait un vrai trou de silence dans la nuit. Et là j’ai vu que les autres aussi avaient entendu. Personne n’a allumé, mais après le trou de silence, j’ai bien senti que ça bougeait derrière les murs. Ils étaient tous là, sauf l’Arabe qui ne rentre que le matin avec son taxi, sa sale musique et son sale chien. Ils étaient tous là, tous réveillés dans le noir, ils chuchotaient. Ils ont tous à qui parler, même si ce n’est qu’un chat, un chien, la femme ou le téléphone. Moi j’ai plus Marcel, je n’ai pas d’animaux et je n’ai personne à qui téléphoner, surtout la nuit. Ce qui fait que le lendemain matin ils ont fait comme si de rien n’était. Bonjour, bonjour du bout des lèvres. Je les voyais de ma fenêtre. Même d’ici je pouvais sentir qu’ils n’avaient pas beaucoup dormi, ils ne couraient pas comme d’habitude, ils regardaient les fenêtres des autres, ils regardaient où ils mettaient les pieds, ils déposaient leurs ordures avec précaution comme s’ils avaient peur de trouver un diable en soulevant les couvercles des poubelles.
– Vous avez parlé à quelqu’un ce matin-là, madame Volinski ?
– À madame Sorbier. Annette vient me voir quand elle n’a pas de client. On parle. Logiquement on ne devrait pas se parler. Tout le monde sait qu’elle a eu une histoire avec mon Marcel, elle l’accompagnait aux halles le matin avant de prendre son service entre 5 heures et 8 heures 30. Je le savais. Ce qui m’embêtait c’était que les autres dans l’impasse le sachent aussi, sinon… Marcel ne le faisait pas pour me faire du mal, Annette non plus. Quand elle a été licenciée de la RATP et qu’elle s’est mise à son compte, Marcel s’est moqué d’elle. Moi je la soutenais, je voyais du monde à l’époque, je lui envoyais des gens, les clients de la boutique. Dans un commerce on parle, les clients vous racontent leurs misères, je les envoyais à Annette. Elle a commencé avec les cartes, la boule, elle a acheté des livres. C’est elle qui m’a prévenue pour Marcel : il a quelque chose qui le ronge et qu’on ne voit pas. Un mois plus tard il avait un cancer et six mois plus tard c’était fini. Elle le connaissait bien mon Marcel !
– Et qu’est-ce qu’elle vous a dit, madame Sorbier, pour les bruits de la cour ?
– Annette, elle est venue vers onze heures, elle n’était pas encore habillée, elle avait seulement passé son peignoir, le vert. Pour une fois on n’a pas parlé de Marcel. Elle n’avait pas beaucoup dormi. Elle m’a dit que ça lui rappelait la guerre, je ne sais pas de quelle gue

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