La mère et les jours
75 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
75 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

La mère et les jours

Sébastien Monod

7 personnes reçoivent des messages énigmatiques les enjoignant à se rendre dans un lieu où va planer l’ombre d’un mystérieux fantôme.

7 personnes hautes en couleur dont on suit le road-train trip jusqu’au site de rencontre et leurs retrouvailles car ils sont tous membres d’une famille désunie.

Sébastien Monod nous raconte avec un humour parfois féroce une histoire où règnent les univers d’Armistead Maupin et d’Agatha Christie.

Laissez-vous mener en bateau jusqu’à l’Île de Sein, vous ne le regretterez pas.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029400506
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La mère et les jours
 
 
Sébastien Monod
 
 
 
roman
 
 
 
Ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais l’écrire.
Jacques Derrida
 
 
 
 
 
 
 
Les personnages du roman
 
 
Personnages principaux :
(par ordre d’apparition)
• Erwan (ex compagnon de Tess)
• Aglaé (mère de Béatrice et de Soizic, grand-mère de Gwen et de Tess)
• Gwen (fils de Soizic, petit-fils d’Aglaé, cousin de Tess)
• Béatrice (fille aînée d’Aglaé, mère de Tess)
• Jean-Marc (ex compagnon de Béatrice, père de Tess)
• Soizic (fille cadette d’Aglaé, mère de Gwen, tante de Tess)
• Jannick (domestique d’Aglaé)
 
Personnages secondaires :
• Tess (fille de Béatrice, petite- fille d’Aglaé)
• Florian (jardinier d’Aglaé)
• Miranda (collègue et amie de Béatrice)
• Lili (attachée de presse de Soizic)
 
 
 
Erwan
 
(ex compagnon de Tess)
 
 
Ma vie ressemble à un roman de Marc Levy : une sucrerie bien enrobée.
Mais sans les réconciliations fraternelles, sans les amitiés indéfectibles, sans l’amour avec un grand A, celui qui est censé faire oublier tout le reste. Moi, je n’ai que tout le reste. Bref, le bonbon sans le sucre ! Moi, je n’ai que les putains de mauvais côtés, c’est à dire les maladies, les décès et toutes les catastrophes du quotidien. Ok, j’ai un boulot passionnant, mais pour ce que ça me rapporte... La seule bonne chose que je partage avec les héros bobos de ces bouquins, c’est la voiture : je roule en E-Bugster. Pas sûr que ça fasse de moi un bobo pour autant…
S’il fallait donner un titre à ma vie, je dirais sans hésiter : « Mes amours, mes emmerdes ».
Et voilà, j’ai la chanson d’Aznavour dans la tête ! Elle ne va pas me quitter du voyage. C’est toujours la même chose : il suffit que j’entende une chanson pour qu’elle vienne se loger dans ma boîte crânienne et y tourner en boucle pour le restant de la journée. Souvent c’est celle du matin, quand j’allume la radio. Alors, quand c’est Aznavour, c’est pas grave, mais quand c’est Christophe Maé, il y a de quoi réellement devenir « Dingue, dingue, dingue » !
Merde, ça ralentit. Les fameux embouteillages du 15 août, la période où il ne faut pas prendre la route. Et moi, je suis comme un con sur la route…
« Mes amours, mes emmerdes », cela me convient. Tout de même, je crains que l’obsessionnel refrain n’aggrave un peu plus ma sale humeur. J’aurais dû choisir le train, ça m’aurait évité de penser. J’aurais pu m’endormir, de la musique dans les oreilles, et fuir le cauchemar éveillé dans lequel je patauge depuis des mois. Et cela m’aurait aussi permis d’éviter ces foutues routes surchargées !
Je viens de passer Rennes. Il faudrait que je m’arrête pour acheter une bouteille d’eau, la chaleur du mois d’août est étouffante dans les terres. Il faudrait aussi que je m’arrête pour déjeuner, mon ventre grogne depuis un quart d’heure. Le pire, c’est que je vais devoir me forcer vu que je n’ai plus d’appétit depuis des mois.
Rien à l’horizon. J’ai dû passer les aires de repos sans les voir. Mais bon, un village-étape ferait l’affaire. Rectification : un village-étape serait idéal. Pas envie de partager le pique-nique et la joie estivale des vacanciers en route pour le Sud et les plages surpeuplées. Je n’ai jamais aimé cette période de départs forcés, ces milliers de kilomètres de bouchons, les villes désertées. Je n’ai jamais pris plaisir à patauger dans une mer aussi remplie qu’un bus aux heures de pointe. Jamais pris plaisir à partager l’air béat de ces hommes et de ces femmes aux physiques déprimants criant après des progénitures bedonnantes. Et pour conclure mes miscellanées misanthropes, je confesse sans honte un désintérêt total pour les jeux de plages, les ballons de foot pleins de sable mouillé qui atterrissent sur les serviettes et les effluves de crème solaire masquant à peine les relents corporels.
« Bédée – Village-étape, prochaine sortie ». Parfait, cela va me permettre non seulement de me restaurer, mais aussi de me dégourdir les jambes. J’ai conduit non-stop depuis la Seine-Saint-Denis. Bédée, quel drôle de nom ! Il m’amuse d’autant plus que mes seules lectures, à l’exception des revues sportives, sont les bandes-dessinées. Black et Mortimer, XIII, Lucky Luke, Tintin… Ben ouais, les classiques ! « Mes amours, mes emmerdes » pour un temps oubliées, c’est avec un sourire nostalgique que j’entre dans le village. Ça fait longtemps que je n’ai pas relu mes Tintin. Hergé, le professeur Tournesol, les Dupont et Dupond, la lune, le Congo, les aventures comme on n’en fait plus, les dessins naïfs et surannés, une époque qui sent la naphtaline. Ancré dans le monde d’aujourd’hui, accro aux dernières technologies, quelque chose me lie pourtant aux décennies récentes. Plus particulièrement aux années quatre-vingt que j’associe à tort à ces BD puisque certaines ont été publiées bien avant. En fait, si Tintin est pour moi le symbole des années quatre-vingt, c’est parce que j’ai dévoré ses aventures durant mon enfance en écoutant Jeanne Mas et Stéphanie de Monaco. Quel âge avais-je, dix ans, douze ans ? Ah ! « Toute première fois », « Ouragan »…
 
Vision d'orage
J'voudrais pas qu'tu t'en ailles
La passion comme une ombre
 
Je gare ma voiture à quelques mètres de L’Horloge, un restaurant à la façade laquée rouge et sertie de quelques briques. Un OVNI dans ce paysage plutôt monotone. À l’intérieur, je tombe sous le charme de l’endroit : le plafond de la grande salle est orné d’une immense pendule aux chiffres aussi rouges que la façade, une merveille ! Aussitôt installé à ma table sous un large parasol dans le jardin situé derrière le restaurant, j’ôte discrètement mes baskets pour laisser mes pieds respirer. Ce massage plantaire sur la pelouse fraîche et accueillante est bienvenu.
Que propose la carte ? Une formule « bistrot » avec un plat et un dessert, nickel ! J’opte pour le « Suprême de volaille fermière et ses petits légumes ». C’est le mot « suprême » qui attise ma curiosité, il faut au moins ça pour réveiller mes papilles gustatives en grève depuis huit mois. Il faut dire que je n’ai plus goût à rien depuis qu’elle m’a quitté. Avant de me retrouver célibataire, j’étais un bon vivant, je profitais sans limite des bonnes choses qui s’offraient à moi. J’entends encore Tess me demander de « faire attention ». Craignait-elle que j’aggrave mon cholestérol ? Que je prenne du poids ? Pourtant tout ce que je gagne lors d’un bon dîner, je le perds le lendemain lors de mes joggings ou de mes entraînements. Ouais, je sais, j’ai de la chance. Enfin, juste pour ça…
Le chatouillement sous mes pieds devient énervant ; sur le point de remettre mes chaussures, je découvre que des soldats et des fourmis ont entrepris de coloniser mes pieds, ce qui me fait crier comme un demeuré et me cogner à la table. Celle-ci vacille et le suprême tout juste apporté manque de choir, mais je parviens in extremis à rétablir l’équilibre. J’y peux rien, moi, si j’ai la phobie des bestioles !
La honte passée et le calme retrouvé, je mange du bout des lèvres le suprême pourtant bien présenté et plutôt goûteux. Il manque quelqu’un près de moi. Une présence aimante qui en aurait rehaussé la saveur. En dessert, je choisis un clafoutis à la vanille servi avec un coulis de fraises. Pourquoi ai-je choisi ce gâteau, j’ai horreur des fraises !
 
Dévasté nos vies
Des lames en furie
Qu'on ne peut plus arrêter
 
Le tube de Steph’ de Monac’, comme on l’appelait à l’époque, a définitivement supplanté Aznavour. Ce n’est pas plus mal, un vent de fraîcheur n’est pas pour me déplaire. Bon, « fraîcheur » n’est peut-être pas le terme le plus adapté…
Je reprends la route. Prochaine étape : Guingamp. Je ne connais pas cette ville. Je m’y serais bien arrêté, même s’il n’y a rien d’extraordinaire à Guingamp. En vérité, je ne suis pas pressé d’arriver. Peur de ce qui m’attend au bout de la route, à Brest.
 
 
 
Aglaé
 
(mère de Béatrice et de Soizic, grand-mère de Gwen et de Tess)
 
 
Dieu soit loué ! Le calme est revenu sur l’île. La tempête a cessé, mais le vent a fait place à un silence encore plus effrayant que d’habitude. Normalement, il devrait faire beau après-demain. C’est ce qu’ils ont dit sur Europe, ce matin.
Après-demain, c’est le grand jour. Comme tous les ans, je quitte cette bonne Île de Sein.
À force de regarder par la fenêtre, ma vue se brouille et mon iris finit inexorablement par faire le point sur mon reflet dans la vitre. Un reflet fantôme, celui d’une vieille femme au visage lacéré de rides et aux cheveux tirés en arrière, étrangement noirs. Seul vestige d’une jeunesse lointaine et totalement oubliée.
— Madame ?
— Grand Dieu ! Jannick, je ne vous ai pas entendue entrer.
— Oh ! Madame Aglaé, je suis désolée de vous avoir fait sursauter.
Jannick est la discrétion incarnée. Trente ans au service de cette maison et elle avance toujours sur la pointe des pieds ! Du coup, elle me fait bondir dès qu’elle remue les lèvres.
— Voulez-vous que je fasse les cuivres et les étains ?
— Les cuivres et les étains ? Oui, oui, si vous voulez…
Elle baragouine trois quatre mots avant de tourner les talons.
Ventrebleu, qui se préoccupe des cuivres et des étains aujourd’hui ? D’ailleurs, qui regardera ? Plus personne n’entre dans cette maison à part le facteur !
Jannick a fait celle qui n’a rien remarqué. Pourtant j’ai bien vu à son regard fuyant qu’elle les a vues, ces maudites larmes que je n’arrive pas à contenir quand je regarde la mer. Je passe, il est vrai, le plus clair de mon temps le nez collé aux vitres de mon manoir à regarder le néant, mais n’est-ce pas mon droit ?
Avant, de ma chambre, j’aimais admirer le scintillement de la rosée du matin sur l’herbe du jardin, j’aimais les premiers rayons du soleil sur mes rhododendrons roses et mauves, mes « arcs-en-ciel » ; j’aimais observer avec quelle infinie délicatesse Ladislas coupait les branches malades des rosiers, délicatesse appuyée, car il savait que je ne perdais rien de ce qu’il faisait à mes bébés.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents