La Grange aux loups
296 pages
Français

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La Grange aux loups , livre ebook

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Description

En 1960, à la tête d’un établissement privé, Emma est au faîte de sa gloire. Elle a conquis Paris et cependant reste très liée à son village natal, dans lequel elle passe toutes les fins de semaine.

Experte dans l’art d’exploiter les hommes, Emma sait également s’entourer de femmes avec lesquelles elle noue des relations aussi fortes que contradictoires. Seules deux ou trois d’entre elles resteront fidèles à ce personnage aux multiples facettes, guidé par la jalousie et la cupidité souvent, capable d’une amitié sincère et d’une réelle générosité parfois.

Une vie pleine de rebondissements, avec une fin qui ne l’est pas moins.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 juin 2016
Nombre de lectures 2
EAN13 9782334133234
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-13321-0

© Edilivre, 2016
Citation


« Sans s’expliquer sur le genre de son établissement, elle se contente de dire avec un sourire pincé, comme si elle avait pris une confiserie : Oh ! les choses de luxe marchent toujours… Voyez-vous, il y assez longtemps que je suis chez les autres, je veux que les autres soient chez moi. »
Émile Zola, « Nana »


« La vie n’est qu’un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus : c’est une histoire dite par un idiot, pleine de fracas et de furie et qui ne signifie rien. »
Shakespeare, « Macbeth » acte V, scène V
Première partie
Emma et les jeunes années
L’insouciance
1
Ce matin-là, dans une boutique huppée du quinzième arrondissement, Emma ne pouvait contenir sa joie. Elle caressait longuement le tissu du tailleur qu’elle venait d’acheter, un coton léger d’excellente qualité dont elle appréciait le moelleux. Elle examina à nouveau le motif de sa tenue de mariage, représentant de larges arabesques à dominante mauve, persuadée d’avoir fait le bon choix. Elle avait longuement hésité entre le gris tourterelle qu’elle avait jugé trop triste pour un mariage et le rose cuisse de nymphe qui aurait convenu à une gamine et non à une femme de cinquante ans. Elle s’était également laissé convaincre par le vendeur de prendre la capeline assortie qui apporterait à sa toilette une touche finale du meilleur goût. Elle jubilait en pensant qu’elle avait enfin gagné la partie, que dans quelques jours elle allait se marier avec l’homme qui partageait sa vie depuis presque vingt ans. L’heure de sa revanche allait sonner puisque bientôt elle dirait oui à son compagnon devant monsieur le maire.
Après avoir donné un généreux pourboire au vendeur, elle sortit du magasin en souriant, se remémorant la situation qui l’avait conduite à attendre si longtemps avant de pouvoir convoler en justes noces. Au moment de rencontrer son compagnon, celui-ci était déjà marié. Emma était tombée sous le charme de cet homme élégant et généreux, l’idylle s’était transformée rapidement en passion, l’un et l’autre souhaitant à chaque fois avoir plus de temps à passer ensemble. Les journées entières à s’aimer et les rendez-vous secrets ne suffirent bientôt plus aux amants qui décidèrent de transformer le désir de vivre ensemble en réalité.
L’épouse de Claude n’acceptait pas de divorcer car dans sa famille catholique de Bretagne, on était marié pour la vie entière et on élevait les enfants à deux. Leur fils âgé d’un an devint pour Claude l’objet d’une âpre négociation : l’épouse légitime finit par se résigner à une séparation de corps, imposant à son mari un divorce officiel seulement lorsque Rémi aurait atteint sa majorité, quant à la maîtresse elle exigea de ne plus jamais entendre parler de ce garçon. Un accord fut conclu pour que le père puisse rencontrer son enfant selon les règles établies, à l’insu de sa compagne qui avait déclaré un jour à une amie : « Si je croisais ce gamin dans la rue, je l’écraserais ». Cette menace qu’elle avait proférée fut presque exaucée puisque Rémi perdit la vie dans un accident de voiture, bien plus tard à l’âge de trente-trois ans.
Le mariage eut lieu dans la plus grande intimité le 24 juin 1972, à la mairie du quatrième arrondissement de Paris, et pour fêter l’événement, le couple avait organisé des réjouissances dans sa maison de campagne le dimanche suivant. Certains amis arrivèrent dès le samedi après-midi, invités à dormir sur place ou dans une chambre de l’hôtel du village. Emma avait souhaité que tout soit parfait : le décor avait été scrupuleusement pensé dans cette maison qui venait d’être restaurée et dont la propriétaire tirait une grande fierté : de jolis meubles et des tableaux qu’elle avait chinés, des tapis persans et des lampes qui assuraient une ambiance cossue. Le jardin avait lui aussi été particulièrement soigné pour la circonstance, massifs regorgeant de roses aux multiples senteurs, pelouses tondues à l’anglaise. Le boulingrin venait d’être bordé de buis miniatures à la hauteur régulière, le bassin aux poissons rouges entièrement nettoyé par le fils du jardinier, fort satisfait de contribuer à rendre l’environnement encore plus accueillant et par la même occasion de gagner un peu d’argent.
Les allées avaient été désherbées et ratissées pour le stationnement des automobiles haut de gamme qu’on attendait. Les relations d’Emma ne se déplaçaient pas au volant de voitures ordinaires, la plupart circulaient à bord de berlines de catégorie supérieure ou de coupés dernier cri qui ne passaient pas inaperçus. Un antiquaire récemment marié à une starlette londonienne fit sensation en garant sa Jaguar, un couple de joailliers arriva plus modestement dans une Ford Mustang et Édouard, le chef cuisinier de « La Grange aux Loups », le restaurant dirigé par Emma, épata les dames tout comme les messieurs avec son magnifique cabriolet Aston Martin V8 rouge que tous admirèrent au cours des deux jours de fête. Ce bolide était une copie de la célèbre bombe conduite par James Bond dans les films tirés du roman de Ian Fleming.
La maîtresse des lieux avait elle-même dressé la table, disposant sur la nappe brodée des assiettes de la plus fine porcelaine de Limoges, l’argenterie qui ne servait que dans les grandes occasions ainsi que les verres qu’elle avait rapportés d’une célèbre cristallerie de Lorraine. Édouard, qui travaillait à son service depuis fort longtemps, devait préparer deux repas, le souper du samedi et le déjeuner du lendemain. Il n’avait opposé aucune réticence à venir travailler pour sa patronne pendant ces deux jours de festivités, bien conscient des exigences d’Emma qui n’aurait en aucun cas fait appel à un quelconque gâte-sauce, ni toléré aucune fausse note pour son repas de noce.
Honoré d’avoir à élaborer les agapes, le maître-queux n’avait pas eu à trop réfléchir puisque l’organisatrice avait établi les menus : coquilles Saint Jacques, gigot d’agneau et tarte aux fraises pour le soir, turbot au beurre blanc, filet de bœuf marchand de vin et la traditionnelle pièce montée pour le dimanche midi. À partir de là, il avait eu carte blanche pour confectionner avec les meilleurs produits, différents hors d’œuvre, entrées, mises en bouche et autre trou normand, qui connurent un beau succès auprès des convives.
Le champagne coula à flot au moment de l’apéritif et du dessert, ainsi que le whisky destiné aux invités qui n’appréciaient pas les bulles. On but du Sancerre avec le plat de poisson, et la nouvelle mariée avait retenu son breuvage préféré, un excellent Bordeaux d’une cuvée recherchée, pour accompagner les mets suivants.
Un incident faillit gâcher la fête au moment précis de passer à table, lorsqu’un fleuriste sonna pour livrer une gerbe d’œillets offerte par une amie qui n’avait pu se libérer pour ce grand jour. En recevant ces fleurs abhorrées, Emma s’évanouit immédiatement, devenant une véritable poupée de chiffon sur le carrelage de l’entrée. Tout le monde se précipita, on lui tapota le visage, on lui passa de l’eau fraîche sur le front, un vent de panique souffla dans cette maison en liesse. Le marié ne s’inquiéta cependant pas et rassura les invités. Il savait que son épouse, croyant à quelques sortilèges, ne supportait pas ces fleurs au parfum capiteux, non pas pour leur senteur mais pour ce qu’elles représentaient. La suite lui donna raison, puisque en reprenant ses esprits, Emma demanda à Madeleine, la personne chargée d’assurer le service, d’emballer le bouquet indésirable dans un papier mouillé et de le porter au plus vite au cimetière pour le déposer sur la tombe de ses parents. Toute sa vie, elle resta persuadée que ces fleurs étaient destinées aux morts !
Cette aversion pour les œillets n’était pas la seule phobie de la mariée et chacun connaissait aussi sa répulsion à l’égard de la couleur verte, qui n’avait plus droit de cité, ni sur elle ni chez elle depuis de longues années. Elle prétendait qu’à plusieurs reprises des désagréments s’étaient produits lorsqu’elle portait un vêtement vert. Si elle considérait cette couleur néfaste, elle n’aimait pas non plus les écharpes, liées pour elle à des histoires d’amour inachevées. Elle fredonnait quelquefois une chanson des années 60 créée par Maurice Fanon intitulée « L’écharpe » aux paroles empreintes de nostalgie :
« Si je porte à mon cou
En souvenir de toi
Ce soupir de soie
Qui soupire après nous
Ce n’est pas pour que tu voies
Comme je m’ennuie sans toi
C’est qu’il y a toujours
L’empreinte sur mon cou
L’empreinte de tes doigts
De tes doigts qui se nouent
L’empreinte de ce jour
Où les doigts se dénouent »
Elle rapportait avoir été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle avait noué autour de son cou un élégant foulard vert émeraude offert par un admirateur. Pour se moquer, certains lui rappelaient le drame qui avait coûté la vie à Isadora Duncan, célèbre danseuse. Cette grande artiste avait péri étranglée par son écharpe qui s’était prise dans les rayons d’une roue de sa décapotable, à Nice, en 1927. Évidemment on rappelait à Emma qu’un léger accrochage n’était pas aussi grave et on lui signalait que si l’étoffe avait été jaune ou rouge, l’accident se serait produit de la même manière. Aucun argument ne la faisait changer d’avis, elle restait convaincue que cette couleur était maudite et qu’elle n’apportait que des ennuis. Comme la plupart des personnes superstitieuses, Emma trouvait un responsable à chaque fois qu’un souci se présentait. Ce fut le cas une dizaine d’années auparavant, lorsque, tout fiérot, un de ses neveux

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