La Girafe
266 pages
Français

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Description

«?Il se voyait libre, pouvant agir à sa guise, plein de confiance en lui-même et débarrassé de cette perpétuelle angoisse qu'il éprouve en présence d'étrangers. Quelle paix incroyable ! Puis, le soir suivant, c'est la même vision, et encore la nuit d'après. Peu à peu, la vie sans Anne prend rang dans la série de ses visions habituelles. Au bout de quelques semaines, tous les détails s'accumulent : Anne tombe malade, la maladie s'aggrave, Anne sur son lit de mort lui demandant pardon jusqu'au dernier soupir d'avoir été si dure et cruelle, la mort d'Anne, l'enterrement d'Anne, la maison sans Anne, le jardin sans Anne, la vie sans Anne...?» Le docteur Jean Deguisne, acculé par le caractère froid et exigeant de sa femme, voit la quiétude étouffante de son quotidien chamboulée par l'arrivée d'une nouvelle habitante. Alors qu'il tombe peu à peu amoureux de la noblesse d'esprit et de la grandeur d'âme de la douce Alice Gachet, un vent mauvais se lève sur la petite bourgeoisie locale. Bientôt, les rumeurs courent. La demoiselle est-elle vraiment ce qu'elle semble être ? Jean-Luc Ansel décrit avec maestria la déchéance du docteur Deguisne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 septembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342155839
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Girafe
Jean-Luc Ansel
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Girafe
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Ce roman est inspiré par des événements réels, toute ressemblance de personnages avec des personnes ayant existé ou existant aujourd’hui ne serait que pure coïncidence.
 
1
Ce jour-là, le docteur Deguisne, fatigué par une longue et pénible tournée, rentre chez lui pour dîner quelques minutes avant deux heures. Wallois est tout sens dessus dessous et sa femme l’attend impatiemment pour que la salle à manger puisse être débarrassée.
— Vraiment, Jean, dit-elle en lançant un coup d’œil plein de reproches par-dessus ses lunettes, vraiment, il me semble que tu aurais pu rentrer un peu plus tôt aujourd’hui. Comment veux-tu que Carine arrive à faire ses sandwiches, si tu la retardes avec toute ta vaisselle à laver.
Quand son mari est en retard, Mme Deguisne prend toujours ses repas seule, aux heures habituelles.
— Je regrette, Anne. Je pensais qu’il valait mieux essayer d’en finir avec mes visites ce matin, pour être libre cet après-midi.
— Naturellement.
Mais Mme Deguisne a une arrière-pensée : elle est convaincue que son mari a délibérément perdu son temps sur les routes.
Le docteur Deguisne met une bouteille de bière près de son assiette, s’en verse un grand verre et se prépare à découper un gigot d’agneau. Il est trop fatigué, sur le moment, pour lutter davantage ; de plus, il sait que c’est inutile. Il regarde tristement la viande posée devant lui : le morceau qu’il aime le mieux a disparu.
Anne, ayant les mêmes goûts que lui, s’en est emparée. Il se met donc à manger sans enthousiasme.
Anne, debout, le surveille. Lorsqu’il fait un geste pour se servir un autre verre de bière, elle s’interpose.
— Non, Jean, c’est assez d’un verre pour toi, un jour comme celui-là.
— Mais, plus il fait chaud, plus il est agréable de boire, suggère le docteur, sans beaucoup d’espoir.
Anne, qui déteste la plaisanterie, se contente de froncer les sourcils.
— Tu as trop à faire pour rester ici à boire. D’ailleurs, tu sais comme la bière te fait transpirer. Veux-tu encore de la viande ? Non ? Eh bien, tu ferais mieux d’appeler tout de suite Carine, alors !
Le docteur se lève. Anne, qui est déjà debout, pourrait lui éviter cette peine en l’appelant elle-même. Mais elle trouverait cela « bourgeois », alors qu’il y a un homme dans la maison, pour l’appeler à sa place. Elle a, pour tout ce qui est bourgeois, le mépris que le docteur affecte pour les spécialités médicales.
Mme Deguisne a quarante-cinq ans, huit ans de plus que son mari. Elle est aussi plus grande que lui, car le docteur est remarquablement petit. C’est une femme maigre et sèche, aux cheveux noirs frisés ; sa bouche aux lèvres minces s’abaisse aux extrémités, lui donnant une expression autoritaire. Elle a une figure austère et maussade et, devant ses yeux bleu pâle et légèrement saillants, elle porte des lunettes modernes, mais à l’ancienne. Ils sont mariés depuis dix ans et n’ont pas d’enfants.
Après que Carine a apporté les restes d’une tarte aux groseilles en partant très vite, Anne commence à donner ses instructions à son mari.
— Tu ferais bien de mettre d’abord le filet ; il se détend tellement pendant la première demi-heure ; les balles sont dans l’armoire, sous l’escalier. Nous nous en servirons bien entendu, mais tu peux aussi sortir les vieilles. Et puis, il faudra installer deux tables et les chaises et je crois que nous ferions bien de mettre les parasols, avec ce soleil. Ensuite, il faudra que tu…
— Je ne crois pas, interrompt le docteur, d’un air de doute. Je…
— Mon cher Jean, c’est nécessaire.
— Oui, mais je n’ai pas encore fini ma tournée, je n’ai pas pu faire toutes mes visites ce matin, il m’en reste deux qui sont très importantes.
Anne fronce les sourcils.
— Lesquelles ?
— Mme Buttel et la petite Falope.
— Ce n’est pas urgent.
— Ce n’est pas urgent, non, c’est quand même nécessaire.
— Pas si nécessaire que cela, déclare Anne ; ils peuvent parfaitement attendre, tu les verras après le départ de nos invités.
— Mais mon cabinet sera fermé.
— Eh bien, tu iras les voir chez elles, dit Anne avec calme. As-tu fini ? Non, tu n’as pas le temps de prendre du fromage. Dépêche-toi, Jean.
Le docteur se dit qu’après tout il y aura un bon goûter tout à l’heure.
— Bon, bon, Dieu merci, on n’a pas des réceptions comme celle-ci tous les jours, dit-il assez aimablement, en s’essuyant la bouche, et il recule sa chaise.
Il se sent mieux après ce hâtif repas ; il met sa casquette et sort.
Les poteaux du filet sont anciens et la manivelle très dure à tourner lorsque le filet commence à se tendre. Depuis plusieurs années, Anne répète qu’il faudra en changer, pour l’été prochain, mais il paraît ne jamais y avoir assez d’argent pour se payer de pareilles fantaisies et, en tout cas, comme elle n’a pas à tourner la manivelle elle-même, la chose n’a pas grande importance.
Le docteur doit appuyer tout le poids de ses cinquante kilos pour les deux ou trois derniers tours, afin d’obtenir la hauteur requise.
Ce haut fait accompli, il se redresse et s’essuie le front ; il est fatigué et l’installation d’un filet de tennis peut être un dur travail. Puis comme il fait toujours après un effort pénible, il se frotte les mains.
Les invités sont attendus pour cinq heures et il est déjà trois heures moins le quart. Jetant un coup d’œil penaud à sa montre, le docteur grimpe vite sur le petit rebord qui longe le tennis du côté de la maison. En s’en allant, il relève les manches de sa chemise, son veston bleu est déjà accroché à l’un des poteaux du tennis. Le docteur porte toujours un complet bleu, même pour monter le filet et sortir les chaises, c’est sa femme qui l’exige.
Tandis qu’il sort et dispose les transatlantiques, il essaie de mettre en ordre dans son esprit le reste de sa tâche. La première chose à faire est l’installation des parasols, car le soleil est brûlant en ce moment et il est important de soigner le teint de sa femme. Après quoi, il faudra monter les deux tables et y disposer les cigarettes, le briquet et le verre de sa femme, car rien n’est plus maladroit que d’apporter tout ça pêle-mêle, sur un plateau. (Le docteur tient, presque autant qu’elle, à ce que les choses soient parfaitement faites.)
Il est en train de se débattre avec la table quand Anne sort de la maison et vient le rejoindre.
— Tu as mis le filet, Jean, dit-elle.
Il est inutile de le dire, puisque le filet se trouve là, mais Mme Deguisne n’hésite jamais à mettre en lumière les choses évidentes.
Le docteur Deguisne interrompt son travail pour admettre qu’il a mis le filet.
— Le voilà qui se détend déjà, tu aurais dû le monter davantage.
Le docteur se précipite sur le poteau et pèse sur la manivelle, Anne n’est satisfaite que quand le filet a été remonté d’un tour complet, au-delà de ce que le docteur a cru, en lui-même, être la limite de ses forces. Soufflant un peu, il la rejoint sur le bord du tennis. Mme Deguisne inspecte le reste du court d’un œil froid.
— Les lignes ne se voient pas du tout. As-tu dit à Maurice de les refaire ce matin ?
— Je le lui ai dit clairement, mais tu connais Maurice, ma chère.
— Parfaitement, réplique sèchement Anne ; il les a bâclées comme d’habitude.
Le samedi après-midi, il est impossible d’obtenir de Maurice qu’il répare ses négligences du matin. Le docteur inspecte les lignes avec un front soucieux.
— Il me semble pourtant qu’il les a refaites. Oui, j’en suis sûr.
— Bien légèrement, et encore… Mon Dieu, il est dommage que je ne puisse être dans une douzaine d’endroits à la fois, pour veiller moi-même à tout.
Le ton de sa voix reproche à son mari les consultations qui l’ont empêché de se rendre compte du travail de Maurice.
— Eh bien, tu les referas toi-même, Jean, dès que tu auras fini le reste.
— J’essaierai, dit le docteur Deguisne, avec un peu de perplexité, car il se demande s’il pourra tout faire en temps voulu.
— Comment ? Essayer ? Il faut le faire.
— Soit, admet le petit homme, avec son habituelle amabilité. Mais, alors, je ferais mieux d’en finir avec cette maudite table, elle est plus odieuse que jamais à monter, naturellement.
Mme Deguisne, dont la tâche immédiate est apparemment terminée, s’en va de son pas rapide vers le jardin. Elle a sous son bras le journal du matin.
L’idée n’est venue ni à l’un ni à l’autre, qu’elle pourrait soulager son mari déjà exténué, en refaisant les lignes elle-même.
Avant son mariage, Mme Deguisne portait la particule. Elle l’a gardée, tout en changeant de nom et elle le rappelle à son mari plusieurs fois par jour. Pendant leurs courtes fiançailles, elle disait à son fiancé, non pas une fois, mais souvent, avec l’air de quelqu’un qui donne un renseignement intéressant, que sa grand-mère n’aurait pas envisagé la possibilité de se mettre à table avec son docteur et, chose étrange, elle allait en épouser un.
— C’en est vraiment assez, remarque Anne, avec un petit rire, pour faire tressaillir sa grand-mère dans sa tombe. Et le docteur Deguisne approuve.
Anne lui a, depuis, souvent rappelé ce singulier changement de fortune et le docteur Deguisne continue à exprimer sa sympathie pour les sentiments que sa grand-mère éprouverait si elle était encore en vie.
Car les de Delmas, jadis une des plus importantes familles

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