173
pages
Français
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2022
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Ebook
2022
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Publié par
Date de parution
04 novembre 2022
Nombre de lectures
4
EAN13
9782382111277
Langue
Français
Mathieu BERTRAND
La forêt des assassins
1982 : Une communauté d’anciens soixante-huitards, installée depuis 1968 dans un village abandonné du Périgord, s’est muée progressivement en une secte hors du temps et de toute civilisation dirigée par les Dignitaires.
2022 : Le commandant Lagazzi, officier de la section Alésani, service du ministère de l’Intérieur spécialisé dans les phénomènes étranges, est missionné pour enquêter dans un petit village perdu du Périgord où les dirigeants d’une secte religieuse sont assassinés dans des circonstances particulièrement violentes. Ses investigations vont rapidement la plonger dans le passé sanglant d’une région où la sorcellerie, les disparitions et les meurtres rituels semblent monnaie courante depuis plusieurs siècles.
Mathieu BERTRAND a passé son enfance en Corse. Diplômé de l’Université d’Avignon, il est Cadre de la Fonction Publique et habite Agen. Il est passionné par l’histoire des religions, l’ésotérisme et l’occultisme. Son envie d’écrire s’est concrétisée en découvrant les lieux historiques et les légendes d’Aquitaine. La Forêt des Assassins est son cinquième roman.
Publié par
Date de parution
04 novembre 2022
Nombre de lectures
4
EAN13
9782382111277
Langue
Français
La forêt des assassins
Mathieu BERTRAND
La forêt des assassins
M+ ÉDIT IONS 5, place Puvis de Chavannes 69006 Lyon mpluseditions.fr
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
© M+ éditions
Composition Marc DUTEIL ISBN 978-2-38211-127-7
Prologue
1982, Périgord
Elle était couchée sur le sol depuis une heure. Peut-être plus. Elle ne savait pas. Sophie Raignal avait perdu toute notion de temps depuis qu’elle s’était effondrée. En de brefs allers-retours et au rythme des coups de boutoir de ses violeurs, son dos frottait sur les tomettes qui composaient le sol de la salle de séjour. C’était le quatrième qui la pénétrait depuis que le groupe d’ho mmes, qui se faisaient appeler les Dignitaires, avait fait irruption dans sa maison pour la punir. Peut-être le cinquième. Elle l’ignorait. Et la punir de quoi ? Ils étaient tous devenus fous à lier…
Sophie les connaissait depuis si longtemps. Elle les avait accueillis sur son domaine de nombreuses années auparavant. L’époque était alors à la douceur de vivre et à l’amour libre, mais surtout à la création d’un utopique village du bonheur par des idéalistes. Ces derniers, d’année en année, avaient fini par se transformer en une communauté située à mi-chemin entre un groupe d’ex soixante-huitards et une secte religieuse aussi rigide dans ses pratiques qu’intolérante envers ses propres membres.
Elle ne regardait pas le visage de celui qui était en train de l’avilir. La tête tournée vers la droite, la joue posée sur le sol, elle n’osait pas affronter les traits de cet énième salopard qui prenait plaisir à la déshonorer pendant que les autres psalmodiaient, chacun le nez plongé dans son Livre de Dieu. Elle avait d’abord crié mais le village avait ignoré sa détresse. Non par laxisme, mais plus sûrement par peur des Dignitaires… Elle avait ensuite pleuré. Et enfin, plus rien… Elle ne parlait plus. Même sa respiration semblait au ralenti. Les pensées de Sophie n’étaient plus habitées que par un souhait : que tout cela se termine au plus vite et que le souffle de vie qui animait encore son corps souillé s’éteigne définitivement.
À quelques centimètres de la bouche de Sophie, l’homme grognait de plaisir en lui crachant au visage son haleine répugnante, vague mélange de tabac brun et de café.
Le Guide, celui par qui toute cette folie avait débuté, se pencha par-dessus l’épaule du violeur et s’adressa de nouveau à sa victime :
« Ma sœur, tu as vécu dans le vice et la pe rversion. Rappelle-toi ce qu’a dit Matthieu au chapitre 26 verset 52 ! Alors Jésus lui dit : remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée . Toi qui as vécu par le sexe, tu vas donc périr par le sexe. Mais d’abord, rep ens-toi et dis-moi ce que je dois savoir ! Celle qui t’a avortée sera pardonnée car elle est venue se confesser. Mais l’homme qui t’a fait ça, qui est-il ? Parle ! ordonna-t-il en hurlant, un doigt accusateur pointé vers elle. »
Le regard de la jeune femme glissa sur les tomettes rouge-ocre avant de courir le long de la plinthe qui décorait le bas des murs de la pièce et de tomber sur la porte entrebâillée de la chambre voisine.
Une larme glissa sur son visage alors que l’homme finissait sa besogne dans un soupir de satisfaction. Il se retira pour laisser sa place à un autre qui posa son Livre de Dieu sur la table, se pencha sur elle et la pénétra à son tour. Pendant que les va-et-vient qui salissaient un peu plus son corps à chaque instant reprenaient, les yeux de la jeune femme abandonnèrent le vernis patiné de la vieille porte pour venir se poser sur le bout de ses doigts. Son regard longea son bras droit étendu sur le sol et rencontra un étui à couteau. Il pendait à la ceinture du pantalon à peine entrouvert du violeur et se balançait au rythme du mouvement de ses hanches.
Elle ferma les yeux et laissa ses doigts effleurer le manche de l’arme. Doucement, elle la saisit et la sortit de son étui.
Non , pensa-t-elle, je ne leur laisserai pas le plaisir de me lapider quand ils en auront fini avec ma soi-disant punition.
– Qu’est-ce qu’elle fait ? cria l’un des hommes, en désignant la main armée de la jeune femme.
Avant que l’un des Dignitaires n’ait eu le temps de réagir, Sophie s’était enfoncé la lame dans le foie jusqu’à la garde. Son visage, animé d’une grimace de douleur, se tourna enfin vers celui du violeur qui était en train de se retirer en hurlant son dégoût.
– Vous ne saurez jamais. Par contre, vous paierez ce que vous venez de faire. S’attaque r à une Raignal, c’est s’attaquer à la mort elle-même… souffla-t-elle dans un ultime soupir alors que ses yeux se fermaient doucement.
1
Paris, 2022
Patricia Lagazzi, allongée sur le ventre et la tête tournée vers la table de nuit, regardait son téléphone vibrer à côté du réveil dont l’écran numérique affichait dix heures quinze. Cela faisait quatre, peut-être cinq fois qu’il sonnait. Elle ferma les yeux en soufflant. La jeune femme savait que des appels à répétition comme ceux-ci ne pouvaient provenir que des bureaux de la section Alésani, pour laquelle elle travaillait depuis plusieurs années.
Doucement, elle tendit son bras et saisit le portable qu’elle finit par coller à son oreille dans un geste d’une lenteur déconcertante.
– Bonjour, vilaine fil le, dit-elle, la voix encore à moitié endormie.
– Bonjour ma belle, répondit Véronique. Je suis désolée de te déranger pendant tes congés. Tu es seule ?
– Oui. Éva est repartie hier soir à l’EOGN 1 . Sa formation d’officier n’en finit pas mais elle s’accroche. J’ai l’impression que c’est devenu encore plus difficile qu’à mon époque.
– Ça a l’air de bien matcher toutes les deux ? avança la secrétaire.
– Oui, je reconnais que ça se passe super bien. Elle est adorable. Mais je suppose que tu ne m’appelles pas pour me parler de ma vie sentimentale ?
– On a quelque chose pour toi, confirma Véronique dont la voix venait de changer d’intonation. Après, si tu préfères qu’on attende lundi que tu rentres de vacances, c’est comme tu veux…
– Non, vas-y ! J’adore le côté « corvéable à merci » du job de commandante de gendarmerie.
– Bienvenue dans les services secrets, ma chérie ! Deux meurtres un peu bizarres, tu prends ?
– Les trucs bizarres, c’est bien pour ça qu’a été créée la section Alésani, non ? Alors je t’écoute !
Patricia s’assit au bord du lit et glissa ses AirPods 2 dans ses oreilles avant de se lever. Elle se dirigea aussitôt vers la cuisine, au moment où Véronique commençait l’exposé de l’affaire.
– Bon, pour l’instant, je n’ai pas grand-chose ! C’est tombé ce matin par mail mais certains trucs ont attiré mon attention.
– Vas-y ! dit Patricia en appuyant sur le bouton de la machine à capsules, d’où s’écoula immédiatement l’un des trois cafés qu’elle allait enchaîner les uns derrière les autres, avant même d’aller prendre sa douche.
– OK. Alors voilà : notre histoire se déroule au fin fond de la Dordogne, quelque part e ntre Périgueux et Sarlat-la-Canéda, dans un village qui ne semble même pas exister…
– Comment ça : « ne semble même pas exister » ? coupa la commandante de gendarmerie.
Tout en parlant, cette dernière venait d’allumer une Marlboro et s’était installée à la table de la cuisine devant sa tasse fumante.
– En fait, c’est un lieu-dit perdu au sommet d’une colline où des espèces de hippies ont élu domicile au début des années soixante-dix.
– Ils n’ont pas été les seuls. Je crois que durant cette période, b eaucoup de communautés, plus ou moins adeptes de la vie sans contraintes et de la cigarette parfumée aux herbes de Provence, ont vu le jour un peu partout.
– C’est juste. Sauf qu’apparemment, le groupe dont je te parle existe toujours et vit en totale aut arcie dans un patelin qui n’est même pas accessible par la route. D’après le mail que j’ai sous les yeux, les gendarmes les plus proches sont ceux de Brélac-sur-Vézère, et même eux ne savent pas vraiment ce qui s’y passe.
Patricia se leva et alla faire couler son deuxième café tout en enchaînant sa deuxième cigarette. Elle toussa un peu puis retourna s’asseoir.
– Ça va ? questionna la secrétaire.
– Oui mais ces putains de clopes vont finir par me tuer. Il faut vraiment que j’arrête.
– Je te signale que tu me répètes ça quasiment tous les matins.
– Je sais. Bon, tu disais quoi ? Que même les gendarmes sur place ne savent pas ce qui se passe chez les hippies ?
– Non, mais bon, la gendarmerie locale est l’ une des plus petites brigades de France. Ils ne sont que six, et à mon avis, ils sont bien plus habitués à courir après les voleurs de poules ou les violeurs de chèvres qu’après les meurtriers. Un peu comme les gendarmes de Saint-Tropez, tu vois…
La commandante éclata de rire. Elle se leva et posa sa tasse dans l’évier. Le troisième café serait pour plus tard.
– Et en quoi cette histoire est-elle susceptible d’intéresser la section Alésani ? questionna-t-elle, intriguée.
– Les deux mecs assassinés ont é té retrouvés dans des positions vraiment bizarres. Comme une espèce de mise en scène… ou peut-être un message que le tueur a voulu faire passer. Difficile à dire…
– Du genre ?
– Du genre : la première victime a été retrouvée avant-hier matin, attachée s ur une chaise en plein centre du village.
– Original… Et la seconde ?
– La seconde a été découverte hier, exactement dans la même position et au même endroit. À croire qu’à peine le légiste parti avec le premier corps, le meurtrier en avait mis un autre à la place.
– Tu… Tu