La Fillette au bois de l ogre
84 pages
Français

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Description

« Il avait arrêté la voiture à la hauteur des poubelles qui longeaient le terrain de jeux et en était descendu pour boire et regarder deux fillettes qui jouaient. L'une devait avoir huit-neuf ans. Il la regardait. Elle s'était éloignée un peu en direction des poubelles vers la rue et, voyant l'homme bronzé, chauve, aux lunettes noires buvant une bière, la dévisager, lui avait lancé un jet avec son pistolet à eau. Ça l'avait énervé, l'avait pris comme une attaque, du mépris. Il en avait subi tellement quand il était petit... Rapide comme un animal sauvage en attente de proie, il s'était jeté sur elle, l'avait tirée vers sa voiture, l'étranglant d'une main et la tenant par le buste, pour la balancer à l'arrière de sa voiture dont il verrouilla les ouvertures. Il repartit en trombe. » À partir d'un glauque fait divers qui a défrayé la chronique début 2015, Maria T Carlevaris compose un roman qui veut aller par-delà le discours médiatique et sonder les psychés des principaux acteurs du drame. Dans le cadre de cette fiction, elle nous place ainsi et du côté des victimes et de celui du bourreau, et met en scène les possibles conséquences d'une telle tragédie. Noir et déchirant, juste et glaçant, une œuvre sans concession, à l'écriture dépouillée et au rythme oppressant.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342042412
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Fillette au bois de l'ogre
Maria T Carlevaris
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
La Fillette au bois de l'ogre

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
Introduction
 
 
 
Ce roman est tiré d’un fait vrai, bien que conclu de manière romancée.
Les fillettes et les ogres sont dans les contes.
Ces personnages existent dans la réalité, plus macabre que la fable, bien qu’on appelle pudiquement « ogre » un homme de mal…
Est-ce que les fables sont là pour nous mettre en garde, pour nous informer ?
Possible, probable, vraisemblable…
L’ogre de nos jours s’appelle : pédophile, meurtrier, psychopathe…
La fillette, elle, est toujours une fillette innocente, crédule, qui va être sacrifiée.
Mais la fin de l’histoire est plus trouble.
 
 
 
Chapitre I. Un vagabond
 
 
 
Sa Seat rouge roulait sur l’asphalte entre les HLM et le bord de la route longée d’arbres. Un terrain vague arrivait jusqu’à la limite de la nationale : une esplanade où jouaient des enfants, était en partie cachée par des poubelles.
Il était ivre, fébrile, joyeux. Il avait passé tant d’années en prison que la liberté l’exaltait, le rendait maître du monde. La musique à fond dans sa voiture l’excitait. Mi-avril : le ciel était clair. Le soleil radieux. Il venait de passer six ans derrière les barreaux. Pas de domicile : sa voiture était sa maison. Il ne s’en plaignait pas : une voiture vaut mieux qu’une maison. On peut tout y faire, aller où l’on veut. Il volait de quoi manger et boire ci et là, à l’occasion.
Il avait un peu d’argent pour l’essence ou il allait vider avec un tuyau les réservoirs d’autres voitures stationnées. Il en avait vues bien d’autres.
Sa boîte secrète était sa sœur en Angleterre, à Southampton. Il voulait la rejoindre : une sœur cadette doit toujours accueillir son frère, c’est comme ça dans les pays de l’est. On respecte, on accueille la famille. Surtout qu’elle devait avoir une bonne petite situation, la sœurette. Il passait par le nord de la France, par Calais, pour se rendre chez elle.
Son crâne presque dégarni, à trente-huit ans, lui donnait l’impression d’être plus vieux : il ne l’avait pas vue passer, sa jeunesse, entre une prison et l’autre, entre un squat et un bidonville. Il savait qu’il n’était pas beau. Quelconque. Sans attrait. Qu’importe. Il avait sa voiture et l’alcool : la vodka n’était pas chère et il la volait le plus souvent aux supermarchés d’autoroute ou de ville, sous son blouson en jean. Il avait amené des cigarettes de son pays, là où elles étaient moins chères, même si elles étaient trafiquées. Qu’importe ? L’essentiel, c’est l’ébriété.
Petits yeux marron, menton triangulaire, nez busqué, sa physionomie rappelait celle d’un rapace, d’un aigle. Presque pas de mâchoires, un visage émacié, un front bas.
Bouteilles de vodka, de bière et canettes vides traînaient au sol arrière de la voiture parsemé de miettes, avec des paquets de chips et de biscuits éventrés. Une vielle couverture bleue sale était entassée dans un coin du siège : c’était là-dessous qu’il dormait, avec le luxe d’un vieux coussin repêché aux ordures.
Il fallait qu’il passe la frontière un jour avant l’aube, quand les gardes étaient endormies ou trop fatiguées, vers trois-quatre heures du matin.
En attendant il roulait par-ci, par-là, écoutant de la musique, épiant les alentours à la recherche de quelque chose à « faire », à « prendre », volait discrètement de quoi manger dans les supermarchés et les supérettes. Une gorgée de Vodka de temps en temps lui réchauffait la gorge et l’estomac.
Ses parents ne voulaient plus le voir, il leur avait donné trop de soucis : seuls, vieux, ils vivaient des produits de leur potager, des œufs des leurs poules, d’un poulet ou un lapin de temps en temps. Ils avaient fini par se séparer, son père avait trouvé une compagne plus jeune.
Son père était un alcoolique invétéré. Il l’avait toujours vu boire et parfois taper sa mère. Il l’entendait crier dans la chambre fermée à clé. Il courait loin pour ne pas voir, pour ne pas entendre. Fuir. C’était trop dur. Il ne pouvait rien faire. Parfois il couchait dehors, quand il faisait beau, dans les champs ou sur la paille d’un fermier voisin.
Il rentrait le matin pour déjeuner. Sa mère silencieuse, marquée de bleus au visage, un foulard sur la tête, lui servait à manger. Personne ne parlait chez lui. Seul le père grognait ou hurlait de temps en temps. Café, pain à la margarine, cigarette… Le père travaillait à l’usine, la mère cultivait le petit champ derrière la maison, s’occupait des poules, des lapins, du linge, des maigres repas… Elle préparait le pain, à la farine et à l’eau, pour économiser l’argent de la boulangerie.
Ils n’achetaient presque rien dehors : du riz, des pâtes, du sel, du café, de pans de margarine, tous les moins chers. La vodka frelatée, c’était le père qui l’amenait : il y avait un trafic à l’usine. Sa sœur cadette avait une petite chambre sous pente, lui pas : il dormait au salon, sur le vieux divan effiloché et enfoncé.
Dès ses dix-huit ans, sa sœur avait disparu, comme ça, sans mot dire. Quinze jours plus tard ils avaient reçu une carte postale d’Angleterre : « Je vais bien. Ne vous inquiétez pas. Prenez soin de vous ». Il avait vu sur le tampon de la poste qu’elle venait de Southampton. Puis ils avaient reçu du courrier : elle travaillait, elle s’était mariée, tout allait bien et elle donnait son téléphone et son adresse, si jamais sa mère voulait la rejoindre.
La mère n’avait jamais d’argent, quelques sous pour les courses et pour le savon. Elle portait les mêmes vieux vêtements depuis des années, un tablier noir découpé sur un bout de tissu cousu main.
Ils n’avaient ni radio ni télévision. Il allait la regarder chez des copains et voyait le luxe, les belles femmes, les quartiers propres, beaux et en rêvait.
Partir de là, comme sa sœur, dès que possible. Mais contrairement à elle, il n’était pas une jolie fille, bonne à marier. Il n’avait rien à ‘donner’, il fallait qu’il ‘prenne’. Ses larcins l’avaient conduit en prison au lieu de lui permettre de s’en aller.
Complexé, timide et brusque avec les filles, il ne savait pas comment s’y prendre. Il n’était pas beau, ni riche. Il vivotait de petits trafics, il avait été employé comme mécanicien quelques temps, mais il en avait eu assez des saletés et du salaire de misère.
C’est au garage qu’il avait récupéré la Seat pour un mois sans salaire, à réparer. Arrangée avec l’aide du patron, elle roulait.
Après six ans derrière les barreaux il était parti s’installer à Calais. Interdit de séjour en France, où il avait déjà été incarcéré un an pour des faits de violence et vol, il avait fait l’objet d’une expulsion vers la Pologne, mais l’expulsion n’était pas valable, car applicable uniquement en cas de meurtre. Alors il vagabondait dans Calais, attendant le bon moment pour se rendre en Angleterre, sans le sou.
Il avait agressé une femme, avait volé soixante euros à une retraitée qui n’avait rien d’autre à lui donner qu’une chaînette et une médaille ; il était entré par le velux du toit d’une maison dans la chambre d’une fillette, espérant un rapport. La mère, réveillée par le bruit, était montée et l’avait fait repartir par le velux, avant d’appeler la police. Il continuait à voler sur les marchés, par ci par là.
Ce jour-là, il était quinze heures trente : le soleil d’avril tapait, il s’en protégeait par des lunettes noires et se rafraîchissait par sa bière qu’il venait de prendre au frigo d’une station-service.
Il avait arrêté la voiture à la hauteur des poubelles qui longeaient le terrain de jeux et en était descendu pour boire et regarder deux fillettes qui jouaient.
L’une devait avoir huit-neuf ans. Il la regardait. Elle s’était éloignée un peu en direction des poubelles vers la rue et, voyant l’homme bronzé, chauve, aux lunettes noires buvant une bière, la dévisager, lui avait lancé un jet avec son pistolet à eau.
Ça l’avait énervé, l’avait pris comme une attaque, du mépris. Il en avait subi tellement quand il était petit… Rapide comme un animal sauvage en attente de proie, il s’était jeté sur elle, l’avait tirée vers sa voiture, l’étranglant d’une main et la tenant par le buste, pour la balancer à l’arrière de sa voiture dont il verrouilla les ouvertures. Il repartit en trombe.
La copine restée seule l’avait regardé faire, effrayée, incrédule, ainsi que la mère, un peu plus loin avec les deux enfants plus petits. Elle avait hurlé :
— On m’a volé ma fille ! et courait tenant les deux vers l’immeuble chercher de l’aide.
 
 
 
Chapitre II. Le rapt
 
 
 
Il dit à la fillette :
— Si tu cries je te tue.
Terrorisée, coupable de l’avoir arrosé, elle était incapable de parler.
Elle restait mi allongée au siège arrière, tremblante de peur, immobile.
— Reste tranquille, bouge pas, on va faire un tour, lui dit-il menaçant tournant la tête dégarnie, les yeux rouges et dilatés. Sa jupe en maille de coton rose arrivait aux genoux, des chaussettes blanches ternies et des tennis usés recouvraient ses chevilles et ses pieds. Des pointes de seins s’entrevoyaient de son pull rose au col roulé. Ce détail l’avait excité.
En la regardant du coin de l’œil tout en conduisant à toute allure, il fut pris d’une pulsion...

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